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Salah Hamouri interdit d’entrer en Cisjordanie. Sa mère témoigne

Alors que ses 30 ans approchent à grands pas, le 25 avril, représentant un cap crucial pour le rescapé de l’enfer carcéral israélien qu’il est, Salah Hamouri, ce jeune franco-palestinien né d’une mère française, Denise Hamouri, professeur de français, et d’un père palestinien, Hassan Hamouri, restaurateur à Jérusalem-Est, ne pourra pas tourner sereinement la page d’une décennie cauchemardesque marquée par sept longues années de détention.

Son vœu le plus cher était d’écrire un nouveau chapitre de sa vie, placé sous de meilleurs auspices que ne le furent ses vingt ans, l’âge de tous les possibles sacrifié sur l’autel de la tyrannie d’Israël, mais il semble bien que ce souhait ô combien légitime soit difficile à exaucer. Une perspective qui l’a plongé dans une profonde consternation depuis ce vendredi noir du 27 mars 2015, où son interdiction d’entrée à Ramallah est tombée comme un couperet, dix ans, presque jour pour jour (le 13 mars 2005), après son arrestation au checkpoint de sinistre mémoire : celui de Qalqiliya.

Plus de trois ans après avoir recouvré la liberté, en décembre 2011, et commencé à panser ses blessures que seul le baume du temps cicatrisera, Salah Hamouri, l’étudiant en sociologie qui a eu l’effroyable privilège d’être le seul prisonnier politique français détenu à l’étranger, accusé à tort, lors d’une mascarade de procès, d’avoir participé à un complot visant à assassiner le rabbin ultra-orthodoxe Ovadia Yossef, voit son espoir de poursuivre ses études d’avocat se briser sur le récif de l’acharnement des autorités israéliennes.

Contactée par Oumma, sa mère courage, Denise Hamouri, très affectée par cet « ordre militaire » inique qui s’est abattu sur son fils, suscitant stupeur et effroi au sein d’une famille très éprouvée et, néanmoins, toujours aussi soudée et combative, a accepté de répondre à nos questions, près de quatre ans après l’entretien poignant qu’elle nous avait accordé, en mai 2011, exhortant, alors, à briser les chaînes de la cruauté et de l’arbitraire.

Depuis sa libération, en décembre 2011, et son escale chargée d’émotion en France, comment s’est passé le retour à la vie normale, chez vous, à Jérusalem-Est, de votre fils Salah ? A-t-il été suivi médicalement ?

Après sa libération en 2011 et sa visite en France en 2012, le retour à la vie normale de Salah s’est assez bien passé. Il est plus que jamais entouré de l’affection des siens, de mon mari, de son frère, de sa sœur et de moi-même, bien entendu. Il lui a fallu un certain temps pour retrouver ses repères, mais la jeunesse volée dans des circonstances aussi dramatiques ne se rattrape jamais tout à fait. Il est sorti de prison et a retrouvé un autre monde, ses amis se sont mariés, son frère et sa sœur qu’il n’a pas eu la chance de voir grandir, puisqu’ils étaient à l’école primaire lorsqu’il a subi le sort effroyable que l’on connaît, sont devenus de jeunes adultes. C’est tellement difficile de rattraper sept longues années de sa vie passées dans les prisons de l’occupation ! Un emprisonnement dont on ne ressort pas indemne, rythmé par la torture psychologique, le chantage sur les membres de la famille, le manque de sommeil, les transferts incessants d’un centre de détention à un autre pour mieux fragiliser les prisonniers, en créant une instabilité psychologique.

En dépit de ces terribles conditions de détention, Salah n’a pas éprouvé le besoin d’être suivi sur le plan psychologique.

 

Salah  libéré  : la joie incommensurable d’une famille enfin réunie après sept années effroyables

Au moment de son arrestation, Salah était étudiant en deuxième année de sociologie et au sortir de sa détention, il s’est orienté vers des études d’avocat. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

Salah a repris des études dès la rentrée 2012. Aussi loin que ma mémoire remonte, il a toujours été extrêmement sensible à la question des prisonniers palestiniens, et sa détention a créé une proximité unique et renforcé ces liens avec ceux qui étaient devenus ses malheureux compagnons de cellule. En étudiant le droit et en se passionnant pour ses études, Salah continue dans cette voie qui s’est imposée à lui comme une évidence. Aider les détenus palestiniens et leur famille, c’est pour lui un devoir désormais.

Salah fait face aujourd’hui à une nouvelle épreuve : un ordre militaire israélien lui interdit d’entrer en Cisjordanie, et par conséquent lui interdit l’accès à Ramallah où il étudie au sein d’une antenne de l’université d’Al Quds. Est-ce que vous vous attendiez à une telle sanction et quelles sont les conséquences directes pour lui  ?

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Cette sanction est tombée vendredi dernier, provoquant un terrible choc émotionnel, un de plus. Salah m’avait prévenue de sa convocation au quartier militaire de Jérusalem, mais nous étions loin d’imaginer ce qui l’y attendait. C’est là que cet ordre militaire cinglant lui a été signifié : interdiction de se rendre dans les Territoires jusqu’au 24 septembre 2015. Je ne m’y attendais pas, pas plus que mon époux, mais en même temps je sais très bien qu’en Palestine occupée il faut toujours être sur le qui-vive et s’attendre à ce genre de mauvaises nouvelles. Les conséquences directes pour Salah sont tout d’abord l’impossibilité de se rendre à l’Université. Il est inscrit à l’Université Al Quds, mais les locaux de la fac de droit sont à Ramallah. Il étudie très dur pour obtenir son diplôme, il doit passer ses examens finaux cet été, mais il en sera cruellement privé à cause de cette sanction inhumaine et sans fondement. Salah a de nombreux amis dans ce petit pays et cette interdiction est aussi un frein brutal à toute vie sociale, une manière supplémentaire et liberticide de le toucher et de l’anéantir.

Israël invoque de « sérieux doutes pour la sécurité de l’Etat et des citoyens » pour justifier sa décision, insinuant que Salah représente une menace. Quelle est la vraie finalité, selon vous, de cette mesure punitive à son égard ?

Israël invoque toujours les menaces sur sa sécurité et gère la vie quotidienne des Palestiniens sur ce registre, les barrages militaires, le mur, les interdictions de circuler, les arrestations, etc. La finalité de ce genre de mesures est en fait d’empêcher les jeunes palestiniens d’avoir une éducation, de mener une vie sociale et familiale aussi normale que possible. Les autorités israéliennes s’évertuent à mettre des bâtons dans les roues de ceux qui, d’une façon ou d’une autre, refusent de vivre et de se taire sous le joug de l’occupation. A sa libération en 2011, Salah était déjà frappé de l’interdiction d’entrée dans les Territoires occupés et de voyager pendant une période de trois mois.

Dans quel état d’esprit est Salah, dont on connaît l’extraordinaire courage, abnégation et détermination, ainsi que vous-même ?

Cette sanction nous a tous ébranlés et bien sûr Salah en premier lieu. L’espoir était en train de renaître, nous commencions à entrevoir le bout du tunnel grâce à la perspective de ce diplôme de droit cet été, quant à Salah, il s’autorisait enfin à se projeter dans l’avenir et à envisager une carrière professionnelle. Bref, c’est une nouvelle vie qui s’offrait à lui, et mon mari et moi nous étions tellement heureux de le voir enfin suivre la voie qu’il s’était choisie. Malheureusement, c’était sans compter ce genre de sanctions très courantes ici, qui brisent les rêves et des vies en un éclair, notamment ceux des jeunes palestiniens et de leur famille. Face à cela, il nous faut rester combatifs, unis et solidaires, et je dois avouer que je suis très émue par le mouvement de solidarité qui s’est formé à nouveau très rapidement en France, à l’annonce de la nouvelle injustice qui bafoue les droits fondamentaux de Salah.

Quel recours avez-vous pour faire entendre raison à Israël ? En appelez-vous à la France, et notamment au consulat de France à Jérusalem, pour intercédez en faveur de Salah qui est franco-palestinien ?

Salah a fait appel, mais le résultat est loin d’être garanti dans ce genre de cas, alors une fois de plus nous en appelons avec force aux Autorités Françaises, afin qu’elles prennent leurs responsabilités et fassent passer un message clair et sans ambiguïté aux Israéliens : Salah n’a rien fait, il veut étudier et vivre libre, il est Palestinien ET Français, et il incombe aux représentants de la République de faire entendre leur voix !

Quel message souhaitez-vous adresser aux Oummanautes et aux citoyens français, de toutes confessions et origines, sensibilisés à la cause palestinienne en général, et à celle de Salah en particulier?

Je souhaite d’abord remercier sincèrement tous ceux qui, sensibles à l’injustice, nous ont aidés par le passé et continuent à le faire aujourd’hui avec le même formidable élan de solidarité. Je n’oublie pas l’impact retentissant du mouvement populaire en 2011 qui  n’a eu de cesse d’appeler à la libération immédiate de Salah, et voir que cette même mobilisation repart de plus belle aujourd’hui, avec une spontanéité très touchante, nous bouleverse.

Merci du fond du cœur à tous les Oummanautes et aux citoyens français qui élèvent leur voix face aux innombrables injustices qui sévissent en Palestine, contre le peuple palestinien.

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