in

Qu’aurait fait Muhammad ?

Omid Safi, universitaire et écrivain, est célèbre auprès de nombreux musulmans américains pour son engagement dans le mouvement des musulmans progressistes, qui puise dans la spiritualité de l’islam des arguments décisifs dans le sens de la justice sociale et du pluralisme. Dans son dernier livre, Memories of Muhammad : Why the Prophet Matters ,(Harper Collins), l’auteur scrute le personnage et le caractère du Prophète Muhammad- qui fut à l’origine de cette spiritualité.

Pour nous musulmans, ce livre est une invitation rafraîchissante à retourner à nos racines spirituelles, éléments de la foi qui aujourd’hui semblent s’être perdus dans l’aspect social de l’islam auquel nous sommes constamment confrontés. Pour les non-musulmans, l’explication qu’Omid Safi donne du rôle de Muhammad, qui sert de lien entre l’humanité et le Divin – dans la mesure où suivre son exemple vous rapproche de Dieu – aide à comprendre le lien qu’entretiennent les musulmans avec leur prophète. Cela aide aussi les non-musulmans à se sentir tout aussi dévots que les musulmans. A une époque où le Prophète est si profondément incompris, un tel sentiment de correspondance peut-il véritablement contribuer à panser les plaies interreligieuses ?

Ce en quoi Omid Safi est ingénieux dans ce livre si opportun c’est sa façon de passer des éléments biographiques de la vie du Prophète à la manière dont les musulmans les ont interprétés et ensuite imités. Par exemple, le récit du voyages du prophète de la Mecque à Jérusalem, puis du voyage de Jérusalem vers les cieux pour rencontrer son créateur – considéré par certains comme un voyage physique qui se serait passé au cours d’une nuit et par d’autres comme un songe ou une vision – reflète d’abord le lien du prophète avec les messages de Jésus et de Moïse et ensuite son ultime communion avec le Divin.

La première partie du voyage suivie de la seconde où le prophète rencontre Adam, Jésus, Jean Baptiste, Joseph, Enoch, Aaron, Moïse et Abraham mettent en évidence les points communs des fois abrahamiques et le caractère sacré de chacune. Certains musulmans rejettent cette lecture de l’Ecriture sainte, choisissant de croire que le Coran est supérieur plutôt qu’il n’affirme les révélations qui l’ont précédé. Si les trois grandes religions monothéistes ne seront jamais d’accord sur certains points théologiques, il y a néanmoins assez d’éléments dans le Coran prouvant le lien essentiel qui existe entre islam, judaïsme et christianisme – sans oublier un large éventail de traditions spirituelles communes.

Le Coran représente le Prophète comme le messager de toute l’humanité, insistant sur la notion de temps et sur le fait, encore une fois, que chaque prophète délivre le même message et qu’on ne doit pas en favoriser un plutôt que l’ autre. Le message du prophète consiste essentiellement à se soumettre spirituellement au Divin, appelant « musulman » (celui qui se soumet à Dieu) quiconque adhére à ces principes.

Bien se comporter est dès lors un élément essentiel de la religiosité de chacun, la soumission à Dieu portant sur ce que l’on fait et de quelle façon on le fait. Etre musulman n’est à partir de là plus une identité mais plutôt une façon d’être et d’agir. La recherche de la Vérité consiste alors en un processus qui requiert un certain effort – c’est un processus ancrée dans la soumission à Dieu et qui peut notamment se traduire par l’action pour la justice sociale.

Publicité
Publicité
Publicité

La biographie du Prophète élaborée par Omid Safi sert justement à cela – à reporter l’attention du lecteur sur la personne à travers laquelle le Coran a été révélé. Comme le dit l’écrivain, à juste titre, la perception qu’ont les musulmans modernistes du rôle du Prophète est presque comme si celui-ci était un « livreur de courrier express, déposant la révélation divine du Coran sur le seuil de l’humanité, s’attardant peut-être suffisamment sur le palier pour obtenir une signature afin de s’assurer que la missive a été bien reçue par son destinataire, pour disparaître ensuite à jamais. »

Or ce qui s’est perdu chez ces modernistes, c’est la « tradition de la piété islamique, l’apprentissage et la pratique spirituelle » qui se sont développés autour des récits de la vie de Muhammad. Ce qui s’est également perdu, c’est le fait que la purification spirituelle ne se fait que si l’on met en pratique un message plus général du Prophète qui préconise l’action sociale. Le livre d’Omid Safi se plonge dans les épisodes de la vie de Muhammad pour les raviver et retrouver les traditions qui en découlent et leur invitation à choisir d’embrasser l’islam grâce à un travail spirituel personnel.

Le chapitre final du livre se concentre très justement sur la question « Qu’aurait fait Muhammad ? » C’est une question qui projette le Prophète dans le temps présent, faisant de sa mémoire une mémoire vivante. Comme le dit Omid Safi, dans le contexte d’aujourd’hui, de nombreux musulmans sont obligés, face aux clichés et aux stéréotypes, d’expliquer ce que l’islam et son Prophète « ne sont pas ». En revanche, cette question-là nous plonge directement au cœur du message de miséricorde du Prophète afin de savoir ce qu’est l’islam, ce qu’il a été, ce qu’il sera peut être et ce qu’il doit être.

En partenarait avec le CGNews

Publicité
Publicité
Publicité

Laisser un commentaire

Chargement…

0

Eric Zemmour crie à l’halalisation de la France !

Les musulmans solidaires d’une Eglise profanée