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Pourquoi nous allons étudier les spécificités des minorités visibles en France

Ring of many hands team

Comment connaître ce qu’on ne sait déjà pas nommer ? Minorités visibles, personnes issues de l’immigration, français d’origine musulmane, domiens, asiatiques, arabes, blacks, noirs…les mots se télescopent, s’empilent et ajoutent à la confusion identitaire qui traverse aujourd’hui la France. Déficit de connaissance et de reconnaissance sont au cœur de ce malaise.

Quelle connaissance fait particulièrement défaut ? Tout d’abord celle des différentes cultures qui sont venues enrichir et perturber la soi-disant homogénéité identitaire de notre pays. Lacunes ensuite quand il s’agit de définir le cheminement parallèle de la définition de nos valeurs républicaines (Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, Préambules des Constitutions de 1946 et de 1958, Charte des droits Européens) et de la République en mouvement (destruction des identités régionales, colonisation, néo-colonialisme). Bref, sait-on vraiment ce qui constitue l’exception française aujourd’hui ?

Terre d’immigration beaucoup plus que d’émigration, de coexistence plus que de mélanges souvent, la France abrite les plus importantes communautés musulmanes et juives d’Europe ainsi vraisemblablement que la principale communauté noire. Pour autant, l’origine historique de cette diversité reste largement méconnue. Occultation ou euphémisation de la traite négrière et de la colonisation dans l’enseignement scolaire et dans l’espace médiatique expliquent en grande partie le fossé qui existe entre certaines parties de notre population. Une mémoire à vif pour les anciens colonisés ou leurs descendants, sans cesse ravivée par des piqûres de rappel les renvoyant à leur condition « d’ indigène » s’oppose à la certitude, pour la partie « blanche » de la population, qu’il s’agit d’une histoire ancienne dont ils ne sont pas directement responsables et qu’il faudrait enfin passer à autre chose. Malgré la loi dite Taubira, votée en 2001, tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crimes contre l’humanité, malgré l’éclatement de nouvelles vérités historiques sur la guerre d’Algérie, une bonne partie de nos concitoyens originaires d’Afrique, du Maghreb ou des Caraïbes continuent à penser être les grands absents de l’histoire de France et pointent parfois la surmédiatisation de la shoah à laquelle répondrait un silence sur leurs propres souffrances.

Tout en dénonçant les mises en concurrence victimaires, nous ne pouvons en effet que constater le silence qui règne non seulement sur les crimes qui ont été commis sur ces peuples mais également le mépris dans lequel sont tenues leurs cultures d’origine. « L’Afrique n’a pas d’histoire », « l’Islam est une religion médiévale »…et de multiples autres clichés véhiculant ignorance voire racisme, sont au cœur des représentations les plus courantes des ces « allogènes », clichés ayant à vrai dire pris peu de rides depuis les siècles passés.

Stigmatisation pour les uns, agressions physiques pour les autres, mépris ou ignorance pour les derniers, chaque groupe minoritaire souffre et revendique avant tout pour elle même, interpellant ainsi un corps social menacé dans sa mythique unité.

Les confusions intellectuelles contribuent elles aussi à opacifier le débat et notamment celle, déjà dénoncée par Levi Strauss entre races et cultures, que Nicolas Sarkozy a remis au goût du jour en parlant de Préfet Musulman. Confusion arabes musulmans.

Bien entendu, le registre de la culpabilisation anti-raciste a largement démontré ses limites et on pourrait nous objecter que la place de nos minorités est aujourd’hui bien meilleure qu’hier même si elle demeure insatisfaisante. Ainsi, dans un domaine spectaculaire, Audrey Pulvar, fille d’un syndicaliste indépendantiste martiniquais, s’apprête à incarner une partie de l’information du service public. De même l’éducation nationale a fait certains efforts pour reconnecter les enfants avec la culture de leurs parents comme le dénonce ironiquement Gaston Kelman dans un ouvrage fort controversé au sein de la communauté noire. Le danger d’essentialisme identitaire constitue naturellement un péril redoutable ; un individu a le droit de choisir sa communauté d’appartenance encore faut-il lui en laisser l’opportunité.

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Comment donc répondre à ces questions : qui sont-ils ? que veulent-ils ? que faut-il faire ?

Et bien justement, on ne le sait pas. Tout d’abord parce que les communautés ne sont pas homogènes. Ancienneté de l’installation en France, efficacité de la logique assimilatrice, déterminants sociaux contribuent à cette diversité interne. Pour autant, la logique de la discrimination, de l’assignation (résidentielle, sociale, culturelle…) appellent une reconnaissance spécifiques de populations ignorées par un universalisme incantatoire. De fait, le droit à l’indifférence revendiqué par ceux qui n’aspirent qu’à être des citoyens comme les autres se heurte au rappel constant de leurs origines et des stéréotypes, le plus souvent négatifs, qui y sont associés.

Il est donc grand temps de laisser la parole aux principaux intéressés : qui sont-ils ? qu’attendent-ils ? Quelles sont leurs particularités ? Faute d’existence de lobbies communautaires représentatifs, cette expression ne peut prendre aujourd’hui qu’un caractère individuel.

Ironiquement, ce qui devrait être une obligation de service public se heurte à une idéologie qui continue à privilégier les tabous au déblocage d’une situation de plus en plus intenable. C’est pourquoi Sopi Communication, entreprise privée spécialisée dans le marketing ethnique, a choisi de s’attaquer à cette question. Qu’allons nous faire ? Tout simplement, ne plus exclure l’origine ou le groupe ethnique revendiqué d’une enquête consommateur classique. Ainsi, une étude disponible sur le site diversite.sopi.fr, réalisée pour des motifs commerciaux, nous permettra d’établir, incidemment presque, une cartographie de la France de la diversité.

Bien entendu, le recueil de ces informations demeure extrêmement sensible et sera effectué sous le double contrôle de la CNIL et d’un comité éthique indépendant, composé de personnalités reconnues pour leur engagement en faveur de la diversité. Un tel travail ne sera évidemment possible qu’avec l’accord exprès de chacune des personnes interrogées.

Nous mettrons les résultats de cette étude à disposition de la presse, des chercheurs et des associations afin de donner au débat sur la diversité un contenu fondé sur des réalités et plus sur des fantasmes. Toutes les bonnes volontés restent les bienvenues.

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