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Pourparlers Israélo-Palestiniens

Entretien avec René Naba

La ligue arabe se réunit les 2 et 3 octobre au Caire, en vue de faire le point sur les négociations israélo-palestiniennes, un mois après leur lancement, alors que le moratoire sur le gel des constructions de nouvelles colonies en Cisjordanie occupée est venu à expiration sans qu’il soit prolongé par le gouvernement israélien, faisant peser le risque d’une interruption des pourparlers.

Le président Mahmoud Abbas,dont le mandat a expiré, entend obtenir quitus pour la poursuite des négociations, sans la moindre perspective d’une concession de la part de Benyamin Netanyahu, le Premier ministre israélien, torpilleur des précédents accords d’Oslo(1993).

Anticipant cette évolution, René Naba analyse, dans une interview au journal algérien parue à la mi septembre, la dynamique de ces négociations et leurs enjeux.

René Naba est le spécialiste du Moyen-Orient, ayant été des années durant le correspondant de l’AFP dans la région. Correspondant de cette même agence à Alger dont il était ami de feu Boumediene, auteur de plusieurs titres politiques…, il nous révèle ses sentiments d’un terrain qu’il maîtrise bien : la Palestine. De ces pourparlers palestiniens, il ne retient qu’un mot : mascarades.

Le Jeune Indépendant : L’intérêt est suscité et les yeux du monde arabe sont braqués sur les négociations en cours. Pouvez-vous nous faire le point sur ces dernières ?

René Naba : Je n’ai pas l’impression que ces négociations suscitent le moindre intérêt. Elles donnent l’impression du déjà vu, le remake d’un mauvais film.Je décèle néanmoins des intérêts bien compris des participants. Obama, à mi-mandat, cherche à redorer son blason diplomatique alors que le bilan en Afghanistan et en Irak est désastreux (7 200 tués dans ces pays pour la coalition occidentale). Moubarak, accompagné de son fils Jamal, a cherché à accréditer son fils auprès des Israéliens et des Américains, en vue de sa succession. Le roi de Jordanie, un des principaux bénéficiaires de l’aide militaire américaine, en cautionnant de sa présence cette mascarade, justifie ainsi son rôle de sous-traitant de la stratégie américaine au Moyen-Orient.

Reste Benyamin Netanyahou, qui avait torpillé en 1996 les accords d’Oslo. Avant de venir à Washington, et en deux ans de pouvoir, il a gommé le caractère arabe de près de quatre mille villages palestiniens, criminalisé l’enseignement de la « nakba » – la défaite de 1948 – dans les enseignements de la couche palestinienne de la population, accentué la judaïsation de la Cisjordanie. Il n’a pas renoncé à la construction de colonies de peuplement, a obtenu, pour son armée, un système de défense balistique « Dôme d’acier »et le blocus de Gaza est maintenu. Sa présence porte quitus de l’administration américaine du comportement israélien, en violation manifeste du droit international.

Mahmoud Abbas, dont le mandat a expiré, de même que celui de l’Assemblée parlementaire palestinienne, ainsi que celui des instances de l’Organisation de libération de la Palestine, contestée par une large fraction palestinienne, est sous perfusion. Et c’est ce Monsieur, sans légitimité, sans légalité, sans la moindre représentativité, en état de grande faiblesse, qui avait engagé le Monde arabe et musulman sur le point central de leur combat ! Le quatuor est à l’épreuve. Si ces négociations échouent, malgré les concessions continues et interminables des Palestiniens, il importera de dissoudre l’Autorité palestinienne, de démissionner Mahmoud Abbas, et de confier le pouvoir au Hamas, vainqueur a posteriori de la pantalonnade palestinienne, avec une nouvelle stratégie de combat.

Mais on a quand même le sentiment que le dossier du conflit est traité autrement par l’administration Obama. Une autre approche que celle de son prédécesseur. On est allé jusqu’à dire que la nouvelle administration américaine s’est débarrassée du poids du lobby pro-israélien…

Pas du tout. Le dossier est traité par Obama dans le même objectif que ses prédécesseurs, mais dans un habillage différent. Pérenniser Israël, en contrepartie de concessions symboliques pour les Palestiniens, ce qui libérerait les Etats arabes pro-occidentaux, principalement les pétromonarchies, de leur solidarité de façade avec la question palestinienne.

Judas est né dans la zone. Dans le passé, les Etats arabes luttaient pour la cause palestinienne. De nos jours, ils se servent de la question palestinienne pour obtenir des avantages personnels auprès des Etats-Unis et d’Israël. Les Etats-Unis ont désormais conscience que leurs intérêts à long terme dans le monde musulman pourraient ne pas être préservés avec la persistance du prurit palestinien. Ils cherchent à le régler à leur avantage avec le grand basculement des rapports de force internationaux qui est en train de s’opérer, avec l’affirmation de la Chine, de l’Inde, du Brésil, sur la scène internationale, et, sur le plan régional, de la Turquie et de l’Iran.

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L’UE a été écartée -preuve en est que la France a fait actionner ses relais diplomatiques- des négociations. Quelles en sont les raisons selon vous ?

L’Europe brasse de l’air, sans aucune originalité, ni autonomie de décision par rapport aux Etats-Unis et aux groupes de pression pro-israéliens. Songez que Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, a inauguré une esplanade à Paris en l’honneur de David Ben Gourion, fondateur de l’armée israélienne, en pleine tourmente de l’assaut israélien contre la flottille humanitaire pour Gaza. La démagogie électoraliste n’est pas toujours de bon conseil et se retourne souvent contre ses propres auteurs. Songez que la grande œuvre diplomatique majeure de Nicolas Sarkozy, l’Union Pour la Méditerranée, a tourné à la catastrophe absolue et ridiculisé son promoteur.

Netanyahou a affiché sa volonté de paix. Quelle est la part de la sincérité de la ruse. Autrement dit, quel gage donnerait-il à la concrétisation de cette paix ?

Netanyahou n’a rien à perdre. Il a multiplié les pré-conditions à un degré tel que sa campagne imputera aux Palestiniens tout échec, comme cela fut le cas dans les négociations de Way Plantation entre Arafat et Ehud Barak. Il prend des gages auprès d’Obama, qui lui sera redevable de la moindre avancée et devra lui rembourser comptant sur le dossier iranien.

Les différents groupes d’opposition en territoires occupés accepteront-ils à ce point une paix préfabriquée ? Quelles seraient les ripostes ?

L’opposition à l’hégémonie israélo-américaine est une réalité bien ancrée dans la conscience des peuples arabes (je ne parle pas des gouvernants). Libanais et Palestiniens ne se paient pas de mots et ne se contentent pas de paroles verbales. Le combat contre la domination israélo-américaine est un fait collectif tant au Liban qu’en Palestine, la guerre du Liban, 2006, et elle de Gaza, 2008, ont montré au monde leur détermination à s’opposer à l’injustice, l’oppression et la spoliation.

Un mot sur votre ami Arafat ?

Qu’il repose en paix au terme d’une vie de combat. Une belle épitaphe et, a posteriori, une belle victoire morale sur son ennemi irréductible, Ariel Sharon, transformé en légume, une triste fin pour ce général belliqueux et impétueux. Comme quoi la force brute et bestiale ne règle pas tout sur terre.

Entretien réalisé à Paris, Samir Méhalla

Le Jeune indépendant

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