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Postcolonialité et lutte de classes (partie 2 et fin)

La société française et « les héritiers de l’exception coloniale »

Dans sa contribution – « La France, entre deux immigrations  » – Pascal Blanchard distingue la spécificité de l’immigration coloniale par rapport à l’immigration européenne. Il montre comment la politique française met en place « une pratique ségrégationniste à l’encontre des immigrés coloniaux qui fixe en métropole les règles qui régissaient le séparatisme colonial présent dans l’Empire  ». L’indigène dans les colonies devient ainsi un immigré colonial en France. Pour celui-ci, la nationalité est dénaturée, car elle impose les mêmes devoirs qu’aux citoyens sans octroyer les mêmes droits.

Cette double dimension de l’immigration en France (l’européenne et la coloniale) trouve ses sources dans une origine historique (la colonisation), un cadre juridique (un statut spécifique pour les « sujets français »), une culture coloniale qui imprègne les représentations dominantes dans la société d’accueil, et un contexte spécifique depuis deux générations de crispations identitaires, religieuses, et urbaines.

Blanchard ajoute qu’il est nécessaire de penser la fracture entre les deux immigrations ici distinguées : « Ne pas vouloir penser les processus migratoires en ces termes, c’est rendre inopérants tous les travaux qui étudieront les liens entre système colonial et processus d’intégration, et donc la déconstruction des impensés  ».

Cette remarque nous paraît pertinente, en revanche la filiation effectuée entre les indigènes d’hier, les immigrés coloniaux, et les enfants français de cette immigration coloniale aujourd’hui fait l’économie du contexte économique et social dans lequel cette immigration s’est inscrite. En restituant mieux les conditions sociales concrètes dans lesquelles « les enfants d’immigrés » ont à faire leur place dans la société, on pourrait établir des similitudes dans les obstacles et épreuves rencontrés entre les différentes immigrations.

Dans sa contribution « Le creuset français, ou la légende noire de l’intégration  », Ahmed Boubeker (sociologue, et auteur en 2003 de Les Mondes de l’ethnicité), accorde plus d’importance aux conditions que vivent les « immigrés », soumis à la précarité sociale et à toutes les expérimentations de l’horreur économique. Il ajoute que ces derniers vivent les mêmes logiques d’individualisation que l’ensemble des « Français », et qui agissent sur l’ensemble des rapports sociaux et vident les forteresses communautaires en dispersant les groupes, à défaut d’intégrer les individus. Dans ce contexte, note-t-il, les aspirations identitaires ou cultuelles des héritiers de l’immigration sont semblables à celles des autres « français », animés aussi par une volonté d’être reconnus pour ce qu’ils prétendent être : « Car il s’agit avant tout de se distinguer, d’affirmer sa singularité dans le monde désenchanté du conformisme de masse. (…) Question de reconnaissance publique pour échapper à la réclusion anonyme dans la foule solitaire  ».

L’auteur explique que c’est à défaut de disparaître dans le creuset français comme individus que la seule possibilité de choix [pour les « immigrés »] reste celle de la reconnaissance collective.

C’est ainsi par une structuration en tant que communauté d’immigrés qu’ils pourraient accéder à une expression collective. A. Boubeker précise plus loin que « c’est en participant aux transformations de la société française qu’ils [les Français ou les immigrés] assurent leur part d’intégration sociale. Pour cela, il s’agit bien sûr de mobiliser des ressources et, pour les héritiers de l’immigration, celles-ci sont d’abord identitaires et culturelles  ». Pour l’auteur, c’est le travail sur la mémoire et l’identité qui paraît être essentiel pour obtenir une reconnaissance dans une société plurielle. Du coup, la participation pourtant bien réelle des « immigrés » aux syndicats de salariés paraît être complètement oubliée. Pourtant, c’est d’abord dans les luttes sociales et par les solidarités de classe que bien des acquis sociaux ont été obtenus, profitant autant aux « immigrés » qu’aux « Français »…

On comprend mieux alors pourquoi A. Boubeker raisonne autant en termes de « communauté d’expérience  » et de politique de reconnaissance (notion empruntée à Charles Taylor) lorsqu’il définit notre société comme étant postmoderne et postindustrielle, et où les nouvelles frontières seraient désormais intérieures  : entre « les rentiers de l’Etat de droit et la triste cohorte des sans »…, nouvelle version de l’opposition entre inclus et exclus (qui permet de mieux occulter l’opposition entre classe dirigeante et classes dominées.).

La contribution très instructive de Thomas Deltombe et de Mathieu Rigouste s’intéresse à la « construction médiatique de la figure de l’Arabe  », et particulièrement à la façon dont les médias ont ethnicisé un segment de la population française en islamisant le regard porté sur lui. Nacira Guénif-Souilamas, sociologue, s’intéresse quant à elle dans sa contribution – « La réduction à son corps de l’indigène de la République » – à l’inscription sur le corps des stigmates sociaux portés par les immigrés d’ascendants coloniaux. Elle montre de façon très convaincante la reproduction du regard moralisateur et normatif porté sur les indigènes d’autrefois et d’aujourd’hui, en se préoccupant particulièrement du contrôle opéré par la société dominante sur les mœurs et pratiques sexuelles des Français sous réserve. Elle montre la permanence du soupçon porté sur eux et l’imposition des rôles sexuels, les attentes vis-à-vis des femmes étant différentes de celles exigées des hommes.

Quant à Didier Lapeyronnie, sociologue, il systématise dans sa contribution – « La banlieue comme théâtre colonial, ou la fracture coloniale dans les quartiers » – la comparaison entre les populations ségrégées socialement et spatialement dans les ghettos urbains et les colonisés tels que définis et décrits par Frantz Fanon et Albert Memmi. Il note que « En France aujourd’hui, les individus des quartiers sensibles sont réduits au silence sur le plan politique, maintenus dans une très forte dépendance économique et dominés socialement et culturellement par un véritable système d’institutionnalisation du racisme et de rapports coloniaux. (…) N’étant pas des acteurs ou des citoyens, ils sont soumis à des discours moraux permanents de la part d’institutions diverses qui les appellent en même temps à se prendre en charge et à ne pas être passifs, comme pour souligner leur incapacité  ».

D. Lapeyronnie insiste sur le rapport d’extériorité que ces individus entretiennent avec le langage et les mots utilisés, ces derniers ayant une épaisseur sociale qui renvoie à une réalité à laquelle ils n’ont pas accès. Ces individus ne se reconnaissent pas dans les mots qu’ils emploient, à moins de les manipuler, de les transformer pour se les approprier : « Les habitants des quartiers populaires, et particulièrement les jeunes issus de l’immigration, inventent sans cesse des langages parce qu’ils sont privés de langage, parce que la domination qu’ils subissent et l’absence d’intervention politique les privent de langage. Leur difficulté majeure est d’accéder à la réalité. (…) Ils vivent à côté de la société réelle. (…) Ils doivent se contenter de l’apparence ».

La démonstration de D. Lapeyronnie tend à vouloir calquer quasiment tel quel la situation observée dans les quartiers populaires avec celle existante dans les anciennes colonies. Il se produirait ainsi une « une déréalisation de l’existence », du fait que « les rapports humains y sont faux  », que les individus n’auraient aucune prise sur leur avenir. Ainsi, la domination vécue évide la vie de l’intérieur, n’en laisse plus subsister que l’apparence. L’individu n’est jamais que ce que le regard du dominant fait de lui. Il ne serait qu’une forme creuse dont plus rien ne lui appartiendrait : ni son apparence, ni son langage, car ce sont les autres qui leur donnent sens de l’extérieur. La banlieue deviendrait alors un « théâtre dans lequel [les individus] se donnent en spectacle plus qu’ils n’existent et dans lequel ils ont le sentiment de perdre leur vie hors de toute réalité  ».

Si la domination est aussi puissante sur les individus, au point de les évider de l’intérieur, on a du mal à comprendre comment certains vivant dans ces quartiers populaires parviennent néanmoins à s’organiser collectivement, à prendre en main leur existence et à intervenir dans l’espace public. Ce qui nécessite pour le moins de prendre au sérieux la réalité environnante pour vouloir ainsi la transformer. En effet, il est limité de ne penser les effets de la domination sociale que dans un seul sens, univoque, sans s’intéresser à la capacité qu’ont les dominés de s’approprier l’image stigmatisante assignée de l’extérieur par le groupe majoritaire, en composant avec elle et en s’affirmant tels qu’ils sont[i].

Nous considérons que la fracture coloniale ne peut pas être envisagée uniquement comme un ensemble de représentations, de rapports vécus négativement à la société globale. Elle renvoie à des processus sociaux de ségrégation sociale et spatiale affectant dans son ensemble le monde ouvrier, et plus significativement sa fraction immigrée, de loin la plus vulnérable. Ces réalités sociales vécues sur le mode de l’exclusion et d’un état d’exception sont en adéquation avec l’ordre symbolique colonial et, en cela, elles alimentent les représentations coloniales et contribuent à leur prégnance sociale. Ce processus peut produire à terme des revendications propres à ces groupes ségrégés se faisant plus particularistes, en référence à des communautés d’origine.

De l’autre côté, les politiques publiques (la « politique de la ville ») sont de plus en plus définies à partir de catégories indissociablement ethniques et territoriales, visant des populations (par exemple, les « jeunes issus de l’immigration ») et des espaces ciblés, alimentant ainsi des pratiques communautarisantes. Ces politiques procèdent d’une vision homogénéisante de populations qu’elles essentialisent, justifiant ainsi que ces publics fassent l’objet de dispositifs spécifiques[ii]. Cette logique cumulative et circulaire, faite de ces interactions entre institutions et groupes ethnicisés, contribuent plus globalement à « l’ethnicisation des relations sociales »[iii]. A terme ce processus semble acquérir une dynamique autonome et poursuivre sa propre logique. Ainsi, Patrick Simon écrit dans sa contribution – « La République face à la diversité : comment décoloniser les imaginaires ?  » – que « les expressions identitaires sont le produit d’un processus interactif, dans lequel se jouent des rapports de pouvoir. C’est ce que rappellent les théories de la domination, mais elles tendent à insister sur les responsabilités d’un des acteurs, le dominant, renvoyant l’expression du dominé à une simple intériorisation du stigmate. On ne peut s’arrêter à une explication dessaisissant les principaux intéressés – les immigrés et leurs descendants – de toute initiative dans le processus de formation des catégories de représentation et d’action dans la société. (…) Loin de ne constituer qu’une importation de catégories imposées par le groupe majoritaire, ici les « Français blancs », les références omniprésentes à la race ou à l’ethnicité s’inscrivent aussi dans une dynamique autonome de racialisation et d’ethnicisation des rapports sociaux, et par conséquent des classements  ». Pour déterminer sur quelle base se constitue cette dynamique autonome, il est nécessaire, comme nous l’avons évoqué plus haut, de la restituer dans son cadre social plus général.

D’autre part, loin de ne subir que la persistance de représentations coloniales, et d’être victimes dans leur existence quotidienne de préjugés culturels négatifs à leur encontre (que l’on ne peut pas, d’ailleurs, systématiquement associer ou confondre avec du racisme), les populations « issues de l’immigration » ont fait l’objet de politiques spécifiques de gestion coloniale ou néo-coloniale, ce qui les distingue en cela du sort collectif des classes populaires en France. Deux recherches récentes, non citées dans ce livre, ont bien montré en quoi a pu consister la gestion spécifique et discriminante de ces populations. Laure Pitti a enquêté sur les ouvriers algériens à Renault-Billancourt du début des années 1950 jusqu’aux grèves d’OS des années 1970, et elle a montré comment l’ensemble des ouvriers maghrébins de l’usine était alors l’objet d’un traitement spécifique par la Direction de l’entreprise[iv].

Ces ouvriers étaient catégorisés comme des « Nord-Africains », et des documents internes à l’entreprise expliquaient à l’encadrement et à la maîtrise comment s’y prendre pour gérer cette catégorie d’ouvriers ; cela alors que, rappelons-le, ces travailleurs étaient à ce moment là officiellement intégrés à la communauté nationale, puisque juridiquement Français (la dénomination institutionnelle était celle de « français musulmans d’Algérie »). Les dispositifs d’encadrement mis en place se justifiaient par une approche qui devait prendre en compte les spécificités « culturelles » et « psychologiques » de ces ouvriers, sous couvert d’ « humanisme » et d’ « éducation », et assignaient au final « les Nord-Africains » à un « statut d’infériorité » qui reproduisait, en métropole, le rapport de domination coloniale, d’autant que les « spécialistes » auxquels fait appel la Direction pour coordonner ces dispositifs sont issus de l’armée coloniale.

D’autre part, Françoise de Barros a enquêté sur les politiques du logement en France des années 1950 aux années 1970, et elle a montré comment les immigrés coloniaux ont fait l’objet d’un traitement spécifique par le personnel administratif chargé de leur installation en France[v]. Ce personnel, issu de l’encadrement colonial des Algériens en métropole, a d’abord appréhendé ces populations en France comme un groupe homogène et spécifique, et a mis en place une politique de séparation et de répartition de ces populations sur le territoire. Après la guerre d’Algérie, les autres étrangers vont être traités de la même façon que celle des « indigènes algériens » (la catégorie devient celle d’« immigré »), et faire l’objet de la même politique discriminatoire.

Immigration et mémoire

On le voit dans toutes ces contributions, l’éclairage par l’histoire coloniale permet de donner un autre relief à des phénomènes et des enjeux bien actuels. Mais cette démarche trouve aussi ses limites lorsqu’il s’agit de comprendre les relations des individus à la société française à partir de leur rapport à la mémoire coloniale. Ainsi, de nombreux auteurs, et en particulier les coordinateurs de l’ouvrage, sont tentés d’interpréter le défaut d’intégration des personnes « issues de l’immigration » dans la société par une non-reconnaissance de leur histoire et l’absence d’une mémoire partagée. Ainsi dans la contribution sur « Les enseignements de l’étude conduite à Toulouse sur la mémoire coloniale  », N. Bancel, P. Blanchard et S. Lemaire montrent à partir des résultats de leur enquête qu’il existe une faible connaissance de l’histoire coloniale et de l’histoire de l’immigration pour toutes les catégories de la population étudiée (les « français de souche » comme les personnes « issues de l’immigration »).

Seule l’Algérie semble ressortir dans les réponses des personnes qu’ils ont interrogées. Ils considèrent ainsi que l’histoire coloniale est identifiée à travers le prisme de l’Algérie. Cela témoignerait du fait que « le fait historique colonial est identifié à l’un des ses épisodes les plus tragiques  », la guerre d’indépendance algérienne, et « particulièrement à la torture ». Ils en concluent que « cette focalisation sur l’Algérie pose un double problème : le premier concerne la difficulté à percevoir toute la complexité et les ambivalences de la colonisation, sa compréhension étant réduite à celle d’un de ses moments les plus violents ; le second renvoie à la cristallisation manifeste d’un ressentiment éprouvé par les descendants d’immigrés originaires du Maghreb, d’Afrique noire, de l’ex-Indochine ou des actuels Dom-Tom face à une histoire perçue comme globalement occultée  ». Ils considèrent alors que la colonisation est vue par les enquêtés « issus de l’immigration » comme « la métaphore d’une oppression subie aujourd’hui : le sentiment d’être un enfant d’indigène – ou un enfant de la colonisation – structure une représentation de soi assez similaire à celle observée dans les Dom-Tom chez les descendants d’esclaves  ».

Les auteurs ajoutent que l’histoire de l’immigration est aussi très méconnue, que c’est « une histoire virtuelle, sans repères chronologiques stables  ».[vi] Il apparaît néanmoins problématique de traiter ainsi de façon spécifique les problèmes de transmission et d’appropriation de la mémoire coloniale ou de celle de l’immigration (en tenant compte qu’effectivement cette histoire est très peu enseignée à l’école), car on trouve les mêmes difficultés pour l’ensemble des « Français » à connaître précisément l’histoire nationale et encore plus l’histoire des luttes sociales.

En tout cas, il nous paraît peu crédible d’en conclure, comme le font ici les trois auteurs, que « cette absence de points de repère sur le temps long semble souvent nourrir, chez les « français de souche », le sentiment d’une illégitimité de la présence d’immigrés issus de l’ex-Empire (qui portent l’image la plus négative, à commencer par les Maghrébins), et pour les immigrés et descendants d’immigrés, une réelle difficulté à se sentir liés à l’histoire de France. Cette double fracture de la mémoire nous semble pouvoir éclairer des problèmes de discriminations évidents et participe probablement aux processus de repli identitaire dans les quartiers (islam, identité recomposée) identifiés par plusieurs autres études  ». Les phénomènes décrits de rejet de la présence des immigrés et d’absence pour ces derniers d’un sentiment d’affiliation à l’histoire de France – particulièrement visibles dans les quartiers d’habitations modestes et populaires – s’originent avant tout dans l’aggravation de la crise sociale et l’absence de perspectives d’avenir dans une société qui ne donne plus de travail et de place garantie à chacun.

Le sentiment de rejet des immigrés est avant tout corrélé avec le sentiment de marginalisation sociale, le fait d’être renvoyé vers les couches les plus précarisées et les plus paupérisées de la société, là où justement se trouvent les immigrés, et d’avoir ainsi le sentiment d’être abandonné en tant que « vrai français » et de devoir partager le sort commun des immigrés. Le rejet de ces derniers par les « Français » exprime alors souvent une forme de repoussoir par rapport à sa propre déchéance sociale, une sorte de réflexe d’autodéfense pour se rehausser symboliquement[vii]. De l’autre côté, pour les jeunes immigrés les plus discriminés, comment se sentir liés à l’histoire de France quand on n’a pas eu les moyens d’avoir une scolarité dite « normale », que l’on a été relégué dans les filières les plus dévalorisées de l’enseignement scolaire, que l’on est baladé de petits boulots en stages et en missions d’intérim, sans pouvoir pendant des années accéder à un emploi stable en CDI ?

Les auteurs notent d’ailleurs que le sentiment de « cette fracture s’affermit dans les quartiers les plus en difficulté ». Mais cela ne les amène pas plus à s’intéresser à ce qui s’y joue concrètement dans les relations entre leurs différents groupes d’enquêtés. Ils considèrent alors que pour lutter contre « la persistance des représentations coloniales  », il faudrait qu’il existe des « canaux qui permettraient de socialiser l’analyse historique de ces représentations  ». C’est-à-dire, essentiellement, une prise en charge par l’école de l’enseignement du fait colonial et de l’histoire de l’immigration.

Pour notre part, nous considérons que si cette persistance est en partie déterminée par le refus de retour critique sur cette histoire et par l’absence de reconnaissance publique des descendants de l’immigration coloniale, elle est tout autant déterminée, dans un contexte de délitement des anciennes solidarités sociales et de classe, par la crise de représentation politique des classes populaires : crise de reproduction du personnel politique et syndical ouvrier (faible relève dans les jeunes générations et découragement des plus anciens, perte des « bastions rouges » municipaux, déclin du Parti Communiste) ; absence de porte-parole ayant suffisamment de surface politique pour défendre des valeurs et revendications communes aux classes populaires, permettant d’unifier le système de représentation politique ; délaissement des « jeunes militants de cité » par les partis de gauche et les municipalités progressistes, rendant caduque la relève militante et le débouché politique de l’investissement associatif dans les quartiers[viii] ; perte des repères politiques (la recomposition idéologique des partis de gauche de plus en plus convertie au social-libéralisme) ; conversion des partis de gouvernement au discours sécuritaire (avec la multiplication des dispositifs répressifs), entretenant un sentiment de peur face à une menace étrangère, diffuse, s’incarnant dans la figure du musulman terroriste ; et enfin renforcement du clivage national/étranger au détriment du clivage de la justice sociale dans les discours des dirigeants politiques qui contribuent ainsi à ethniciser et racialiser les relations sociales.

Tout ce contexte est bien plus propice à un renforcement des stéréotypes et préjugés coloniaux qu’à un affaiblissement de leur prégnance sociale.

Enseigner le fait colonial à l’école

Les responsables de l’enquête à Toulouse concluent sur « la très forte demande sociale pour mieux connaître la période coloniale  » qui ressort de leur étude. L’enseignement de cette histoire devrait permettre de répondre à cette demande « afin d’éclairer certains problèmes contemporains et pour combler un vide mémoriel perçu par une forte majorité comme une amputation très forte de l’histoire nationale  ». Cette intention semble tout à fait justifiée, mais il s’opère parfois un glissement vers une sorte de surestimation des effets à attendre de l’enseignement de cette histoire à travers les programmes scolaires. Cela apparaît clairement dans la contribution de Sandrine Lemaire intitulée « Colonisation et immigration : des « points aveugles » de l’histoire à l’école ?  ».

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Celle-ci explique qu’un meilleur enseignement de l’histoire coloniale et de l’immigration à l’école permettrait de lutter contre « des discriminations et des revendications qui se manifestent bien malgré elle », et de « contribuer à apaiser les tensions de certaines cohabitations intercommunautaires  ». L’historienne commence par rappeler très justement que les manuels scolaires, durant la période coloniale, « reflétaient les nécessités de la légitimation de l’entreprise coloniale ». Elle ajoute que « le discours scolaire de la période coloniale a été sans aucun doute un maillon essentiel de la pénétration de l’idéologie coloniale dans l’ensemble du corps social, un outil crucial visant à constituer et pérenniser une identité française  ». Elle décrit ensuite le mutisme des manuels après la décolonisation (au début des années 1960) jusqu’aux années 1980. Car, en effet, « comment traiter les indépendances alors que jusqu’au dernier moment le discours officiel était resté inchangé sur la prétendue acceptation du système colonial par les colonisés supposés convaincus de ses bienfaits et de la  mission civilisatrice française  ». Elle ajoute qu’il s’effectue ensuite une remise en cause à partir des années 1980, mais « un schisme s’opère dans les mémoires entre histoire nationale et histoire coloniale  » que l’on retrouve dans les manuels scolaires.

Puis, S. Lemaire, dans une section intitulée « Les lacunes de l’enseignement, terreau de la radicalisation ? », cite un sondage commandé par le ministère délégué à la ville réalisé en juin 2001 auprès de jeunes âgés de 15 à 25 ans nés en France de parents algériens, marocains, tunisiens, et d’Afrique subsaharienne, qui montrerait que « plus du tiers des sondés pensent que la situation des jeunes issus de l’immigration n’a fait que se dégrader depuis dix ans et leur sentiment d’être rejetés est beaucoup plus fort que dans la population totale des jeunes du même âge (8%)  ». L’auteur ajoute que « d’après ce même sondage, et comme l’a montré également l’enquête menée à Toulouse, ces jeunes placent l’école en première place comme lieu d’intégration sociale  ». Elle en conclut sur « l’impérieuse nécessité de traiter et surtout d’enseigner cette histoire nationale pour restituer un passé à l’ensemble de la population française  ». Cette démonstration nous semble assez fantaisiste, car en quoi l’école pourrait répondre au sentiment d’exclusion qu’aurait mis à jour ce sondage ? Est-ce vraiment par l’enseignement préconisé qu’on répondrait à la dégradation des conditions de vie matérielles de ces jeunes et qu’on lutterait contre leur sentiment d’exclusion ?

La dégradation de la situation des jeunes issus de l’immigration est liée, comme nous l’avons déjà dit plus haut, à la dégradation plus générale des conditions de vie et de travail des classes populaires. Et si leur sentiment d’exclusion est bien plus fort que celui des jeunes en général, c’est avant tout le produit de leur exclusion réelle bien plus forte sur le marché du travail, le fait qu’ils sont plus que les autres conduits à choisir au cours de leur passage à l’école les filières dévalorisantes de relégation scolaire, qu’ils sortent au final moins qualifiés scolairement, qu’ils obtiennent plus difficilement des stages (pour les élèves par exemple inscrits dans les filières préparant au Bac Pro). Ce n’est malheureusement pas l’enseignement de l’histoire coloniale qui permettra de résoudre ces difficultés objectives auxquelles ils sont confrontés. En revanche, si effectivement ces jeunes placent l’école comme principal lieu d’intégration sociale, c’est peut être avant tout parce qu’ils savent que c’est le seul moyen de salut social possible. L’école permet en théorie une ascension sociale et un brassage qui donne au moins l’impression d’appartenir à une nouvelle génération partageant des traits communs et donnant accès à une identité sociale valorisante (celle de lycéen, d’étudiant, de futur diplômé). Ainsi, pour des enfants d’ouvrier maghrébin, avoir accès au lycée permet d’espérer pouvoir échapper à la condition ouvrière, de ne pas être déterminé à reproduire la condition du père, et de pouvoir ainsi ne pas avoir à connaître les mêmes humiliations et sentiments de honte sociale.

S. Lemaire surestime les phénomènes liés à la « culture  », à la « mémoire collective des français  », les « problèmes posés dans les mentalités  »… comme phénomènes explicatifs de la stigmatisation des immigrés. Ces mêmes phénomènes seraient à l’origine des discours politiques et médiatiques qui construisent l’immigration comme « problème », en font les boucs émissaires, « l’objet privilégié sur lequel s’opère la projection fantasmatique des problèmes de la société  »… En réalité, ce n’est absolument pas dans une quelconque « mentalité » que s’originent ces phénomènes de peur et de rejet, mais bien dans les conditions matérielles dans lesquelles ces phénomènes s’inscrivent. De plus, il est faux de dire que « ces peurs conduisent nombre de médias à tenir des discours participant davantage à l’entretien de ces angoisses qu’à un véritable travail d’information  ». Comme si le discours médiatique ne faisait que « rencontrer » et aller dans le sens de l’opinion commune des Français. Or, c’est bien la construction médiatiques des malaises sociaux et des émeutes dites urbaines de ces vingt cinq dernières années (les premières émeutes médiatisées comme « violences urbaines » sont celles des Minguettes en banlieue de Lyon et datent de l’été 1981) qui a largement contribué, par des glissements successifs, à associer l’immigration à la délinquance, et à ethniciser les problèmes sociaux[ix].

A partir du moment où l’auteur surestime le rôle des mentalités et de la mémoire collective, on comprend mieux pourquoi elle attend autant d’une meilleure place de l’histoire coloniale dans l’enseignement scolaire : « Il ne fait pas de doute que la revalorisation de l’histoire de l’immigration dans les enseignements fondamentaux d’histoire contribuerait à réduire les replis identitaires  ».

Cette notion, souvent utilisée dans différentes contributions, de « repli identitaire  », ou, dans une autre variante, de « repli communautaire  », nous semble très problématique. Comment caractérise-t-on ces formes de repli ? Est-ce qu’on ne reprend pas tel quel une évidence véhiculée dans le sens commun, reprise fréquemment dans le discours médiatique et politique, mettant en garde contre ces replis qui menaceraient la cohésion nationale ? Y compris à l’extrême gauche on a entendu dénoncer les « Indigènes de la République » comme un mouvement communautariste qui diviserait le mouvement ouvrier… Patrick Simon et Sylvia Zappi ont pourtant bien montré, dans le numéro de la revue Mouvements intitulé « La politique républicaine de l’identité », que c’est le caractère prétendument neutre et universel de la République qui impose « le credo de l’indifférenciation et de la neutralisation des espaces public et politique », discréditant du même coup les identités et les identifications s’écartant de la norme commune. Alors même que c’est ce processus qui conduirait « à rendre visible, par contraste, ces mêmes identités minoritaires ».

Dans ces conditions, est-ce que n’importe quelle affirmation identitaire ne risque-t-elle pas d’être perçue comme un mouvement de repli sur soi ou sur son groupe d’origine présumé ?

D’autre part, ce que certains observateurs peuvent interpréter comme un repli peut ne pas être du tout vécu comme tel par des individus qui cherchent à partir des moyens concrètement à leur disposition à éviter le risque, réel celui-ci, de repli sur soi en cherchant des ressources dans des communautés d’appartenance. Cela afin de résister à la fragilisation des supports de l’existence sociale et de répondre ainsi aux diverses formes menaçantes que peut prendre l’individualisme négatif[x].

Un exemple illustratif de ce phénomène est celui de la démarche qui conduit certaines jeunes filles françaises à se réislamiser et à porter à l’extérieur de leur domicile le foulard islamique. Ce phénomène, très longuement commenté dans la presse, a été le plus souvent interprété comme une forme de repli sur soi et de soumission allant à l’encontre de l’émancipation prescrite dans le devoir d’intégration. Or, on a pu constater dans de nombreux cas que ces jeunes filles vivaient au contraire cette pratique comme une forme d’affirmation de soi et de « repossession » de son corps (le refus de voiler son identité) dans la sphère publique[xi].

Pour finir, l’enjeu proclamé de l’enseignement de l’histoire coloniale et de l’immigration consisterait, comme l’écrivent P. Blanchard, N. Bancel et S. Lemaire dans l’introduction, à « aider à la pacification des mémoires sur le passé colonial  ». Comme si le problème serait toujours de « pacifier » les minorités révoltées par le sort qui a été réservé à leurs ancêtres et qu’ils continuent de ressentir comme une humiliation dans tout ce qui lui fait écho dans leur quotidien. On comprend mieux alors la distance que les auteurs tiennent à maintenir avec le mouvement des « Indigènes de la République » qu’ils disqualifient en considérant qu’ils radicalisent ses positions et procède à des « amalgames historiques », ce qui effectivement ne favoriserait pas une quelconque volonté de « pacification ». Ces auteurs ne veulent pas voir que c’est, au contraire, en alimentant leur révolte légitime – cette rage mobilisatrice qui anime des mouvements comme les « Indigènes de la République » – que les groupes opprimés, à travers des revendications d’abord et en apparence d’ordre culturels, identitaires, mémoriels, etc., peuvent construire une confiance suffisante pour oser « s’exposer en public », sortir de l’invisibilité, intervenir dans les débats, les conférences, les meetings – en ayant la conviction nécessaire pour le faire (chose très peu évidente quand on est fragilisé par les stigmates sociaux que l’on porte malgré soi) – afin de revendiquer pour leurs droits.

Autonomie et convergence des luttes

C’est dans la lutte concrète pour les droits sociaux, pour l’égalité des droits, en tant que mouvement autonome d’opprimés, que ces groupes pourront gagner en nombre et obtenir des victoires. Mais nous pensons aussi que ces mouvements autonomes devraient être guidés par une volonté de faire converger ces luttes pour les droits, de les unifier à terme dans un mouvement d’ensemble contre toutes les formes de discriminations et d’oppressions. Et nous pensons aussi, mais il est peut être encore trop tôt pour que cette étape soit à l’ordre du jour, que ces mouvements devraient investir les organisations les plus capables de faire converger ces luttes et de construire un véritable rapport de force dans l’unité retrouvée du mouvement ouvrier. C’est sur ce point là que nous divergeons avec certaines des analyses développées par des « Indigènes », tel Sadri Khiari, qui dans son texte « L’indigène discordant  » pose à notre avis le mouvement autonome des Indigènes d’abord en contradiction et en rupture avec toutes les organisations françaises et blanches du mouvement social, y compris celles de l’extrême gauche, dont la LCR. Nous ne sous-estimons absolument pas les énormes difficultés justement analysées par Sadri Khiari qu’ont ces organisations à s’ouvrir et à accepter des militants qui ne correspondent pas au profil majoritaire de leurs membres. Mais nous pensons que le combat se mène aussi à l’intérieur, et dès maintenant, surtout pour ceux qui défendent encore, comme nous, une perspective révolutionnaire de transformation de cette société.

Pour des raisons analogues, nous avons aussi des divergences avec Nicolas Qualander lorsqu’il écrit que les immigrés, les postcolonisés, ont « le droit de faire valoir leurs revendications spécifiques  » (« l’autonomie des luttes »), « tout en participant à la reconstruction commune d’une projet de société alternative au côté d’un mouvement social, à la seule condition que ce dernier soit désimpérialisé idéologiquement et culturellement[xii] ». Autant attendre alors le jour de la révolution pour agir dans l’unité… Car les mouvements sociaux sont aussi influencés par l’idéologie dominante et ils resteront, dans le cadre de la société actuelle, perméables aux représentations coloniales. De la même façon, Sadri Khiari écrit que : « On peut penser des solidarités fluctuantes, des accords partiels et ponctuels [entre les Indigènes et les autres mouvements sociaux], mais les convergences profondes se construiront sur le socle de l’anticolonialisme[xiii]  ».

Si nous sommes bien convaincus aussi par la nécessité de l’autonomie des luttes des opprimés, condition de possibilité d’un véritable mouvement de lutte de l’immigration, nous pensons que c’est le volontarisme politique qui peut permettre de remettre en cause les référents culturels et identitaires dominants dans le mouvement de masse. C’est par le travail commun, la proximité dans l’action, la confrontation, le débat fraternel, que l’on pourra mettre en évidence le décalage existant entre les organisations du mouvement social et de la gauche révolutionnaire (quasi exclusivement « blanche ») et la composition de la société réelle. D’ailleurs, Nicolas Qualander écrit plus loin que « seules [les populations issues de l’immigration post-coloniale] pourront imposer le rapport de forces nécessaires à une décolonisation des esprits  ». Ce rapport de force ne pourra se construire que dans le cadre des organisations existantes du mouvement ouvrier, pas à côté de lui.

En conclusion, si nous reconnaissons aux coordinateurs de La fracture coloniale le grand mérite de militer pour une reconnaissance de l’histoire de la colonisation et d’aller à contre-courant du discours dominant en dénonçant la prégnance des représentations coloniales qui continuent à alimenter les discriminations et le racisme à l’encontre des immigrés, nous ne voulons pas que cela se fasse au prix d’alimenter d’autres types d’illusions… Car, à lire certaines contributions, on a l’impression qu’il suffirait que l’histoire coloniale soit mieux enseignée et reconnue, pour qu’on en finisse à terme avec « les tensions intercommunautaires ». Cela reflète une forme d’intellectualisme et d’idéalisme que d’accorder un tel rôle au mouvement des idées. Et ceci peut nourrir des illusions autrement plus graves sur la capacité des institutions actuelles à « intégrer » l’ensemble des citoyens autour d’une mémoire commune et dans une communauté nationale renouvelée…

Cet article est paru dans le numéro 14 de la revue Socialisme International, en janvier 2006
http://www.revue-socialisme.org



[i] C’est notamment ce qu’ont mis en évidence les recherches rassemblées dans l’ouvrage collectif récent, Faire figure d’étranger (Claire Cossée, Emmanuelle Lada, Isabelle Rigoni, Faire figure d’étranger, regards croisés sur la production de l’altérité, Paris, Armand Colin, 2004). Plusieurs des contributions montraient en effet que les effets des assignations identitaires sur les individus conduisaient certains d’entre eux à intérioriser ces catégorisations ethnicisées. Mais elles montraient aussi que ces individus pouvaient s’approprier ces catégorisations en composant avec elles, et participer ainsi à leur déconstruction. Et c’est notamment par l’action collective, en investissant l’espace public, que ces groupes stigmatisés peuvent s’élever contre une identité communautarisante qui leur est attribuée de l’extérieur et s’engager ainsi dans des tentatives de « repossession de soi » dont les formes sont diverses et variées dans le temps.

[ii] Voir à ce sujet : Sylvie Tissot et Franck Poupeau, « La spatialisation des problèmes sociaux », Actes de la recherche en sciences sociales, 159, septembre 2005, p. 5-9.

[iii] Voir l’article d’Elise Palomarès, « L’ethnicisation des politiques locales et sociales » paru dans ContreTemps n°13, mai 2005, où ces processus sont étudiés à travers le cas de la politique municipale dans la ville de Montreuil.

[iv] Laure Pitti, Les « Nord-Africains » à Renault : un cas d’école de gestion coloniale de la main-d’œuvre en métropole. L’article est consultable sur le site de l’IHTP : http://www.ihtp.cnrs.fr/dossier_monde_colonial/pitti.html

[v] Françoise de Barros, « Des Français musulmans d’Algérie aux immigrés. L’importation de classifications coloniales dans les politiques du logement en France (1950-1970) ». Actes de la recherche en sciences sociales, 159, septembre 2005, pages 27 à 45.

[vi] Dans une optique différente, Abdellali Hajjat pose aussi ce problème, dans son livre récent « Immigration postcoloniale et mémoire », de la difficulté pour les individus issus de cette histoire à s’approprier la mémoire de l’immigration et en particulier la mémoire des luttes de l’immigration (voir la présentation critique qu’en a fait Nicolas Qualander dans Socialisme International n°13). A. Hajjat se confronte au phénomène de perte de cette mémoire, qu’il impute en particulier à la violence de « l’injonction à l’intégration  » qui agit comme une violence symbolique en forme d’ « impérialisme culturel » exercé sur les populations issues de l’immigration.

[vii] Sur cette question délicate du racisme populaire contre les « immigrés », il faut se reporter absolument au dernier chapitre de Retour sur la condition ouvrière, « Affaiblissement du groupe ouvrier et tensions racistes », de Stéphane Beaud et Michel Pialoux, op. cité. Les auteurs y considèrent que l’enjeu véritable des tensions racistes dans les milieux populaires est la défense d’une respectabilité ouvrière : Si un certain nombre d’ouvriers « Français » voient avec défiance cette nouvelle immigration (postcoloniale), c’est parce qu’elle ne fera qu’aggraver à leurs yeux les problèmes structurels rencontrés dans les quartiers, à l’école et dans les entreprises, dans un contexte de mise en concurrence exacerbée entre les travailleurs et leurs familles. Beaud et Pialoux ajoutent que pour la plupart des ouvriers gagnés aux « idées » du FN, il ne s’agit pas d’une position idéologique ferme, et que l’on gagnerait à interpréter le passage au FN dans bien des cas « comme une forme de protestation amère, voire désespérée, contre le moralisme de gauche », ainsi que « comme une tentative ultime de différenciation et de revendication du droit à l’existence dans un contexte de déclassement structurel du groupe ouvrier ».

[viii] Voir le livre d’Olivier Masclet, La Gauche et les cités, enquête sur un rendez-vous manqué, Paris, La Dispute, 2003, ainsi que son article paru dans ContreTemps n°13, mai 2005, « Le PC et les militants de cité ».

[ix] Voir à ce sujet : Patrick Champagne, « La construction médiatique des malaises sociaux », Actes de la recherche en sciences sociales, 90, décembre 1991, p. 64-75 ; ainsi que Annie Collovald, « Des désordres sociaux à la violence urbaine, Actes de la recherche en sciences sociales, 136-137, mars 2001, p.104-113.

[x] Voir Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale, Fayard, Paris, 1995.

[xi] Voir à ce sujet Françoise Gaspard et Farhad Khosrokavar, Le foulard et la République, Paris, La Découverte, 1995.

[xii] Dans son article de présentation critique du livre « Immigration postcoloniale et mémoire  », paru dans SI n°13.

[xiii] Extrait de « L’indigène discordant ». On peut lire ce texte sur http://toutesegaux.free.fr

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