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Palestine, un Etat pour tous !

Loin des discours fumeux des conférences internationales, les réalités palestiniennes parlent d’elles-mêmes. En pulvérisant son assise territoriale, la colonisation juive a tué dans l’œuf la possibilité concrète d’un Etat palestinien. Cette impossibilité saute aux yeux comme une évidence géographique : on ne bâtira jamais un Etat viable sur les fragments épars d’un territoire rabougri. Avec les funestes accords d’Oslo, les Palestiniens ont obtenu par charité quelques miettes de leur propre pays. Mais ce n’était pas assez humiliant. Lacérée de routes flambant neuf et truffée de colonies, la Palestine a été laminée par le rouleau compresseur de l’occupation. Les dirigeants occidentaux peuvent toujours prononcer des incantations magiques en faveur de la solution à deux Etats, elle est bel et bien finie.

La spoliation territoriale

Cette mainmise sur la Palestine n’est pas un accident de l’histoire, mais le résultat d’une planification délibérée. De l’achat privé de terres au XIXème siècle jusqu’aux conquêtes militaires de 1948 et 1967, le mouvement sioniste a accompli son rêve séculaire. Il a saisi par la force ce qu’il estimait lui appartenir de plein droit au nom de la Bible, puis ce qu’il estimait devoir lui revenir en réparation de l’Holocauste. Cette spoliation territoriale, cette appropriation coloniale de la Palestine est l’essence même du sionisme, et il faut faire preuve d’un robuste optimisme pour croire qu’Israël lâchera la moindre parcelle des territoires qu’il a ravis à leurs propriétaires.

C’est pourquoi l’idée d’un Etat palestinien coexistant avec l’Etat d’Israël sur le territoire de la Palestine historique n’a aucun sens. Aussi longtemps que le sionisme demeure la doctrine de l’Etat autoproclamé en 1948, cette solution à deux Etats est une aberration. L’OLP a eu la mauvaise idée de s’y jeter à corps perdu, et on voit le résultat. Désireuse de rompre son isolement, elle a fait en 1993 le choix de la collaboration. La bourgeoisie palestinienne et la bureaucratie du Fatah ont touché les dividendes d’une autonomie fantoche. Mais cette reddition spectaculaire du courant majoritaire de l’OLP n’a porté que des fruits pourris.

La direction palestinienne a déposé les armes en échange de vagues promesses. Reniant sa propre histoire, elle a non seulement renoncé à la libération de la Palestine, mais elle a accepté de jouer les supplétifs. Abandonnant sa carte maîtresse, elle a lâché la proie de l’indépendance nationale pour l’ombre d’une autonomie illusoire. Des dirigeants qui ont acquis leur légitimité dans la lutte l’ont dilapidée dans la compromission. Ils ont tout cédé à Israël, mais Israël n’a rien cédé. Mettant fin à la résistance, une OLP épuisée a renoncé à 78% de sa patrie pour un plat de lentilles. Et en guise de remerciement, la puissance occupante est en train de s’approprier le reste.

L’idée binationale

Une fois cette supercherie dénoncée, la solution binationale, tout naturellement, devait revenir au devant de la scène. Elle repose sur une idée simple : si deux Etats ne peuvent se partager la Palestine, alors un seul Etat devra voir le jour. Faute de pouvoir faire coexister les Etats, il faudra faire coexister les peuples. Pour certains Israéliens, comme Avraham Yehoshua, « la solution binationale n’est pas idéale, mais elle est la seule disponible » si l’on veut réellement la paix. Elle consisterait à élargir progressivement la citoyenneté israélienne aux Palestiniens des territoires, à l’exception de Gaza, « sous une forme fédérale ou cantonale ».

Inspirée par le sionisme de gauche, cette version de l’Etat binational compte sur une évolution graduelle des mentalités, elle parie sur l’apprentissage du vivre-ensemble. Mais si elle reconnait des droits civiques aux Palestiniens des territoires, elle élude la question des droits politiques du peuple palestinien. Elle ouvre la porte à l’intégration des populations arabes, mais elle ne conteste pas le caractère sioniste de l’Etat d’Israël. Enfin, et c’est l’essentiel, elle fait l’impasse sur le sort des habitants de Gaza et de millions de réfugiés chassés de leur terre natale. En faisant le tri parmi les Palestiniens, un tel projet s’interdit en réalité de fonder un véritable Etat binational.

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Un seul Etat pour tous

Compte tenu de l’échiquier politique israélien, la solution binationale est vouée à demeurer un vœu pieux du côté sioniste. Mais qu’en est-il des Palestiniens ? Avant de se rallier à la solution à deux Etats sous les auspices des puissances occidentales, l’OLP en avait fait son cheval de bataille. Dans la charte de 1969, le Fatah prônait le remplacement de l’Etat d’Israël par « un Etat palestinien indépendant et démocratique dont tous les citoyens, quelle que soit leur confession, jouiront de droit égaux ». Les autres formations palestiniennes proposent des formules analogues fondées sur l’égalité civile au sein d’un même Etat. Le Hamas préconise dans sa charte historique l’instauration d’un Etat islamique en Palestine, mais il affirme le droit des juifs et des chrétiens à y vivre en paix.

Les Palestiniens, au fond, n’ont pas tous la même idée du futur Etat, mais l’idée d’un Etat unique est le fil rouge qui relie toutes les sensibilités politiques. Seul un Etat binational permettrait de reconnaître les droits de tous ceux qui vivent dans la Palestine historique. En même temps, seul un tel Etat permettrait de reconnaître les droits de tous les Palestiniens où qu’ils vivent. L’Etat unique est le seul qui garantisse à la fois l’égalité entre tous et le retour des réfugiés. Il leur offrirait ce qu’aucun accord avec l’occupant ne leur offrira jamais : non pas une « solution équitable », comme disent les textes avalisés par l’OLP, mais une solution véritable.

Les réfugiés palestiniens jouissent du droit imprescriptible de rentrer chez eux, et aucun compromis ne saurait y porter atteinte. Aucune indemnisation, aucun quota, aucun pays d’accueil ne peut remplacer le retour au pays de tous ceux qui le veulent. Par la résolution 194 du 11 décembre 1948, l’assemblée générale des Nations Unies a inscrit ce droit dans la loi internationale. Croire que la Palestine puisse renoncer à ses enfants exilés constitue à la fois un déni de droit et une insulte au bon sens. Les bonnes âmes qui recommandent aux Palestiniens de se montrer raisonnables et d’accepter une compensation oublient l’essentiel : le droit à l’autodétermination et le droit au retour, c’est la même chose.


La fin du projet colonial

La réussite de ce projet unitaire suppose évidemment la disparition de l’Etat colonial au profit d’un Etat démocratique. La Palestine s’élèvera sur les décombres du sionisme comme le sionisme s’est élevé sur les décombres de la Palestine. Aucun faux-semblant, aucun plan B ne permettra de s’y soustraire. La Palestine pour tous, c’est l’abandon définitif du projet colonial, l’entrée effective dans l’ère post-sioniste. Artefact colonial bâti au forceps, l’Etat sioniste se croit éternel. Mais la ténacité de la résistance, les changements d’alliances et les bouleversements géopolitiques dans un monde en mutation pourraient changer la donne. A moyen et long terme, Israël doit s’attendre à des révisions déchirantes.

Car les Palestiniens vont poursuivre la résistance armée, ils vont signifier à l’occupant que la colonisation a un prix qu’il va falloir acquitter. Le Hezbollah a balayé le mythe de l’invincibilité israélienne en chassant l’envahisseur du Liban, puis en le repoussant victorieusement en 2006. La résistance palestinienne, elle aussi, rend coup pour coup à l’agresseur, elle se dote peu à peu d’un instrument de dissuasion, elle transforme progressivement le rapport de forces. Les combattants du Hamas ont appris à se battre contre une armée que sa brutalité n’immunise pas contre la défaite. Les Palestiniens savent que si leur mouvement national parvient à conjurer ses divisions, les lignes finiront par bouger. Ils savent que leur libération nationale sera obtenue de haute lutte et qu’aucune conférence internationale ne les aidera à briser le joug colonial.

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