Les médias, attirés comme des mouches par la polémique naissante, bruyante et passionnelle, ont offert une incroyable caisse de résonance à leur célébration inédite, un groupe de musulmans néerlandais a essuyé, la semaine dernière, un feu nourri de critiques assassines pour avoir choisi d’organiser, dimanche 4 mai, une journée de commémoration en mémoire du peuple palestinien martyr.
Ce n’est pas tant la nature même de l’événement que le choix de la date qui a attisé les tensions -, le 4 mai étant en effet le jour dédié aux victimes du nazisme et de l’holocauste sur le calendrier des Pays-Bas -, la grogne montant d’un cran jusqu’à exploser littéralement à l’annonce de l’intitulé de ce premier grand Jour du Souvenir consacré à des damnés de la terre: « Palestine, l'ombre de l'holocauste ».
Exutoire des ressentiments haineux, c'est sur les réseaux sociaux que la controverse s’est intensifiée et a tourné au lynchage verbal des musulmans à l’origine de l’opération, les insultes, dégoupillées comme des grenades, pleuvant, tandis que pas moins de 40 plaintes inondaient le bureau du maire d’Hilversum, là où est située la mosquée qui devait rendre hommage à la souffrance des grands oubliés de la mémoire universelle.
Outre leur extrême virulence, toutes les récriminations avaient en commun l’injonction de ne pas utiliser le mot « holocauste » pour une autre période de l'histoire que la seconde guerre mondiale, tout en sommant le premier magistrat de la cité d'agir instamment pour annuler la commémoration.
"Nous n'avons pas l'intention de provoquer qui que ce soit en utilisant le terme 'holocauste'", s’est défendu le néerlandais d’origine marocaine Abou Hafs, l’un des principaux concepteurs de cette première aux Pays-Bas, terre de Geert Wilders, le leader de l’extrême droite, furieusement islamophobe.
"Notre objectif est d’extraire le terme "holocauste" du seul et unique contexte du nazisme, car nous avons réalisé que sa seule évocation empêche toute critique des actes et crimes commis par ses victimes dans les décennies qui ont suivi son apparition", a-t-il expliqué, avant de s’exclamer : "Quand Shimon Peres était encore ministre, il n’a pas hésité à parler d"holocauste pour décrire le bombardement d'Hiroshima, au Japon ! Comme lui, nous utilisons ce terme pour décrire le massacre organisé des Palestiniens."
Sous la double pression du maire d’Hilversum et du nombre record de visiteurs, dont l’intérêt a été aiguisé par l’impact médiatique de la commémoration, la mosquée locale a préféré renoncer à accueillir l’événement qui cristallisait surtout une animosité à son comble, au grand dam de ses organisateurs.
"Face aux multiples pressions pour annuler leur manifestation, les musulmans néerlandais tiennent à exprimer leur vif mécontentement envers le deux poids deux mesures du gouvernement. C'est une honte que le gouvernement soit si inconséquent avec son approche du fait musulman. Lorsque nous nous sentons insultés – par exemple en raison de caricatures anti-islamiques – le gouvernement néerlandais nous répond que nos arguments subjectifs sont moins importants que la conclusion objective selon laquelle tout le monde a le droit d'exprimer sa pensée aussi longtemps qu’elle respecte les limites fixées par la loi", s’est indigné Abou Hafs, ajoutant sans avoir rien perdu de sa détermination : "Nous considérons que notre événement n’est pas en conflit avec la commémoration nationale du 4 mai. Nous ajoutons simplement une dimension en célébrant la mémoire des victimes palestiniennes."
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