Au programme d’OummaTV : un entretien avec Daniel Schneidermann, journaliste et fondateur de l’émission puis du site de critique des médias Arrêt sur images. Il est également l’auteur du livre « Le Charlisme. Raconté à ceux qui ont jadis aimé Charlie», paru aux éditions Le Seuil. Dans cet entretien, à travers ses analyses percutantes, Daniel Schneidermann aborde le rôle des médias français dans la diffusion de l’islamophobie. Selon lui, celle-ci est notamment portée par deux « jambes » : l’extrême droite (Le Pen, Bardella, Praud) et l’extrême centre (Macron, Attal, Fourest). Il revient également sur le traitement médiatique du conflit à Gaza, dénonçant une couverture qui réduit les milliers de morts à un simple « fait divers ». Mais au-delà de ces constats, Schneidermann évoque également son dernier livre, «Le Charlisme. Raconté à ceux qui ont jadis aimé Charlie». Il définit ce qu’est le « Charlisme » : “une doctrine”, “une excroissance”. Il analyse également les figures emblématiques de ce mouvement, qu’il nomme les « charlistes », et décrypte leur influence dans le paysage médiatique et politique français.
Le Charlisme et le Paysage Médiatique Français : Entretien avec Daniel Schneidermann
Dans un entretien approfondi, Daniel Schneidermann, fondateur du site Arrêt sur Images et journaliste reconnu, aborde plusieurs thématiques majeures du paysage médiatique et politique français. À l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage, Le Charlisme, publié aux éditions Seuil, il revient sur la notion d’extrême centre, la couverture médiatique des conflits internationaux, et la transformation du journal Charlie Hebdo après l’attentat de 2015.
Une TNT polarisée entre extrême droite et extrême centre
Dans l’une de ses chroniques intitulée Pour une TNT respirable, Daniel Schneidermann analyse la polarisation de la télévision française. Il décrit un paysage médiatique où l’extrême droite est représentée par les médias du groupe Bolloré, avec en tête CNews, tandis que l’extrême centre, terme qu’il emploie de manière provocatrice, est incarné par BFM TV et France 2, qui défendent selon lui la ligne macroniste.
Le journaliste souligne que la TNT manque cruellement d’une véritable représentation de la gauche, constatant que les médias dominants sont répartis entre ces deux courants qu’il considère comme étant les deux jambes de l’islamophobie française. Selon lui, la politique menée par le gouvernement actuel, représenté par Macron, Attal et Darmanin, se rapproche de plus en plus des thématiques de l’extrême droite. Il prend pour exemple un débat où Gérald Darmanin reprochait à Marine Le Pen d’être trop modérée.
Pour appuyer son propos, Schneidermann cite l’historien Johann Chapoutot, auteur de Les Irresponsables, qui analyse comment le centre et la droite traditionnelle allemande ont facilité l’accession d’Hitler au pouvoir en 1933.
Le traitement de Gaza par les médias français
Schneidermann critique également le traitement médiatique du conflit en Palestine et, plus particulièrement, du massacre en cours à Gaza. Il dénonce une disparité flagrante dans la manière dont les médias audiovisuels couvrent les événements. Selon lui, les morts israéliens du 7 octobre ont fait l’objet d’une couverture individualisée, où les victimes sont nommées, montrées en photo et évoquées avec émotion.
En revanche, les dizaines de milliers de victimes palestiniennes sont traitées de manière anonyme et massive. Il illustre son propos en comparant la médiatisation du bébé israélien Kfir Bibas, dont la photo a été largement diffusée et dont la mort a été commémorée jusque dans l’Assemblée nationale, à celle des milliers de bébés palestiniens tués dans les bombardements, qui restent sans visage et sans nom dans la couverture médiatique.
Schneidermann établit un parallèle avec son ouvrage Berlin 33, dans lequel il analysait la façon dont la presse occidentale des années 30 couvrait la montée du nazisme. Il note que, tout comme aujourd’hui avec les Palestiniens, les victimes juives à l’époque étaient rarement individualisées dans la presse.
Le Charlisme : une évolution controversée de Charlie Hebdo
Daniel Schneidermann consacre une partie de l’entretien à son livre Le Charlisme, dans lequel il analyse l’évolution du journal Charlie Hebdo et de son influence idéologique après l’attentat de 2015.
Il revient d’abord sur son attachement personnel à Charlie Hebdo des années 70, un journal qu’il décrit comme antimilitariste, écologiste et libertaire. À cette époque, Charlie se voulait un contre-pouvoir moqueur et irrévérencieux, incarné par des figures comme Cavanna et Cabu.
Or, avec sa renaissance en 1992 sous la direction de Philippe Val, le journal adopte une posture plus engagée politiquement, notamment en faveur des guerres de l’OTAN en ex-Yougoslavie et en défendant Israël contre la Palestine. Cette transformation s’intensifie après l’attentat du 7 janvier 2015, qui sanctifie Charlie Hebdo et rend toute critique à son encontre délicate.
Schneidermann décrit comment le je suis Charlie de 2015 s’est transformé en une idéologie omniprésente sur les plateaux de télévision et dans les médias, qu’il qualifie de dogme intouchable. Il parle alors de “Charlisme”, en écho à la manière dont certains utilisent “islamisme” pour désigner une dérive idéologique d’un mouvement initial.
Il rappelle qu’il a pris de grandes précautions dans son livre pour ne pas critiquer les victimes de l’attentat, mais seulement l’évolution du journal et de son entourage.
Caroline Fourest et le Charlisme médiatique
Parmi les figures centrales du Charlisme, Daniel Schneidermann mentionne Caroline Fourest, qu’il considère comme l’une des porte-étendards de cette idéologie.
Il rappelle qu’elle a travaillé pour Charlie Hebdo avant de fonder le journal Franc-Tireur, qu’il qualifie de publication islamophobe sous couvert de laïcité. Selon lui, ce journal voit la main des Frères musulmans partout, et il ironise sur le fait qu’il risque lui-même d’être bientôt accusé d’accointances avec ces derniers après cet entretien.
Schneidermann dénonce également un système de connivence où les mêmes figures médiatiques s’invitent et se soutiennent mutuellement sur les plateaux de télévision et dans les journaux. Il cite notamment Raphaël Enthoven, qu’il identifie comme une figure du Charlisme médiatique.
Enfin, il souligne que cette idéologie est profondément ancrée dans l’appareil d’État, notamment sous l’influence de Jean-Michel Blanquer, ancien ministre de l’Éducation nationale, qui a incarné selon lui un Charlisme d’État.
Les caricatures danoises et la liberté de publier
En fin d’entretien, Daniel Schneidermann aborde la question des caricatures danoises de Mahomet, sujet central dans l’histoire de Charlie Hebdo. Il explique que, lorsqu’il animait Arrêt sur Images à la télévision, l’équipe s’est interrogée sur la nécessité de montrer ou non ces caricatures.
Si lui-même ne critique pas le fait que Charlie Hebdo les ait publiées, il remet en question la manière dont elles ont été publiées. Il estime que la publication n’était pas un simple acte satirique, mais un manifeste politique, accompagnée d’une tribune signée par Bernard-Henri Lévy et Philippe Val.
Il distingue donc la publication à des fins informatives ou humoristiques d’une publication à des fins militantes, qui modifie selon lui la nature du débat.
Un regard critique sur les médias et l’idéologie dominante
À travers cet entretien, Daniel Schneidermann offre une analyse critique du paysage médiatique français, dénonçant l’absence de pluralisme, l’instrumentalisation du débat public et la sacralisation de certaines idées sous couvert de liberté d’expression.
Son livre, Le Charlisme, s’inscrit dans cette démarche en déconstruisant l’évolution de Charlie Hebdo et son influence idéologique dans la société française.
Un ouvrage et une analyse qui ne manqueront pas de susciter le débat.
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