Le 30 août, Journée mondiale des disparitions forcées
Le 30 août de chaque année, le monde célèbre la Journée des disparitions forcées, ces personnes qui, aux quatre coins du globe, ont eu leur destin happé par des évènements hors de tout contrôle et pour lesquels il n’existe aucun script, disparaissant ainsi physiquement pour leurs familles et leur société.
L’ONU a dénombré des centaines de milliers de cas depuis la deuxième guerre mondiale. La très officielle commission CNCPPDH (Commission Nationale Consultative de Promotion et de Protection des Droits de l’Homme Algérienne), présidée par Farouk Ksentini, avait reconnu avoir recensé 7 000 de ces cas, lors de la décennie noire en Algérie.
Notons de suite qu’il ne s’agit pas de soldats de pays en conflit armé, pour lesquels les morts au combat ou en captivité sont en général bien documentés, ni de certaines personnes qui disparaissent socialement pour refaire leur vie ailleurs. Nous parlons de ces cohortes de civils qui vivaient une vie normale en société et dont les traces s’effacent soudainement, comme ayant été gobées par un trou noir.
Inutile de se voiler la face, tous les cas de disparition sont le fait de services spéciaux ou de groupes paramilitaires – comme les fameux escadrons de la mort des dictatures militaires d’Amérique du Sud dans les années 70/80 – et donc sous la houlette de gouvernements membres de l’ONU. Ces derniers ont arrêté, exécuté, puis fait disparaître toute trace de leurs ignominies.
Bien sûr, pour que ces disparitions puissent devenir des crimes parfaits, encore faut-il qu’ils travaillent en amont pour gommer leurs traces, y compris obtenir la coopération parfois involontaire de fonctionnaires, soudoyer des juges, voire même créer de fausses pistes. Ainsi, il est notoire que certains parents de victimes ont été confrontés à plusieurs récits contradictoires concernant la disparition de leur proche, chaque récit amenant à un cul-de-sac.
C’est donc une opération coordonnée et multi-échelons, où des donneurs d’ordre se mêlent à des acteurs passifs, le tout quadrillé par un corpus de lois et de réglementations dont le seul but est d’empêcher de remonter à la source. Une preuve du caractère systématique et organisé de cette entreprise criminelle à grande échelle est le fait que l’immense majorité de ces cas n’a jamais été résolue, pas de corps retrouvé ou de responsables reconnus coupables et jugés.
Une Omerta étatique aux mécanismes bien huilés
D’ailleurs, vu l’ampleur des crimes, il faut, pour couronner le tout, une législation globale qui permette de donner une couverture légale à cette opération de dissimulation de grande ampleur. De manière générale, chaque pays, où ces innombrables disparitions ont eu lieu, a recouru à un arsenal de lois liberticides ou autres chartes entérinant, de fait, les violations massives des droits de l’homme, et ce, en enveloppant d’une chape de plomb toute tentative d’investigation desdites disparitions. A quel niveau agissent les commanditaires de ces basses œuvres est difficile à savoir, et varie probablement dans chaque cas.
Mais il est évident, au regard du caractère multi- échelons et du niveau d’intrication entre les différentes branches du gouvernement de cette Omerta étatique bien huilée, que les plus hautes instances de l’Etat, mêmes si elles ne sont pas directement impliquées, ont avalisé les consignes de ne rien faire apparaître sur les responsabilités des différentes branches de ces disparitions forcées, et de contrer toute velléité de les dévoiler à quelque niveau que ce soit (médias, justice, instances nationales et internationale des droits de l’homme). Il y a donc de leur part une complicité de fait.
Cette constatation n’est pas anodine, mais a une implication grave qui est que les rouages de ces Etats sont pénétrés par des instances extra-légales, dont un des buts est de contrôler l’information. Ceci est une des raisons pour lesquelles les gouvernements autoritaires s’acharnent à garder le contrôle sur l’appareil étatique, quitte à manipuler le processus démocratique et s’assurer, en particulier, que lors de consultations populaires, seuls les « bons candidats » sont en lice.
A ce propos, il est un fait emblématique bizarre qu’il est loisible de pondérer un peu, c’est la réponse stupéfiante qu’apporta Bouteflika, le président algérien déchu, lorsqu’il fut confronté, au début de son mandat, à la question d’un journaliste portant sur les disparitions forcées. Une question qu’il éluda soigneusement, en mettant en avant que sa famille, elle-même, avait subi la disparition d’un de ses membres proches, et qu’il n’avait rien pu faire pour le retrouver. Incroyable veulerie d’une personne dont la Constitution lui octroyait le pouvoir exécutif, ainsi que celui de toutes les instances de l’Etat, des forces armées à la justice, et même, comme on pourrait facilement argumenter, celles des instances législatives et élues en tant que Président d’honneur du parti FLN majoritaire, même si ces dernières étaient surtout des instances de figuration.
Une stratégie de la Terreur
Ces disparitions massives, dont on ne peut remonter à la source de manière directe, procèdent, comme le reconnaît explicitement la Déclaration sur la protection des personnes contre les disparitions forcées, adoptée par l’Assemblée Générale de l’ONU en 1992, « d’une stratégie pour faire régner la terreur dans la société », de même qu’elles constituent une infraction massive à « la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, le Pacte International relatif au droit civil et politique et la Convention contre la torture » toutes signées par l’Algérie, comme elle reconnaît qu’elle s’accompagne « d’un harcèlement des défenseurs des droits de l’homme, des proches parents des victimes, des témoins et des conseils juridiques ».
De plus, elle met la barre bien haut en assimilant de telles pratiques, placées sous le sceau des Etats qui les pratiquent (même si ces derniers sont dans le déni …), comme « un crime contre l’humanité ». Le Comité International de la Croix Rouge, basé à Genève, qui est un organisme d’une neutralité reconnue, reconnaît que le problème de ces disparitions forcées perdure, en raison du « manque de volonté politique de le résoudre. »
C’est bien pour cela que le problème des disparitions forcées massives, qui se répètent à travers le monde et au fil des décennies, n’est pas prêt, lui, de disparaître. Les avancées scientifiques et techniques, surtout à l’âge d’Internet où tout est documenté ad-nauseam, tendent à nous faire croire que l’humanité, dans sa marche vers le progrès, ne peut plus reproduire ces violations massives des droits de l’homme, en toute impunité. Hélas, l’histoire contemporaine nous montre bien la fausseté de cette assertion.
Nombre de conflits, aujourd’hui encore, aboutissent à des violations massives des droits de l’homme. Pour des raisons complexes, la communauté internationale, en supposant que c’est une entité morale définissable, ne fera rien pour s’y opposer, et encore moins pour les dénoncer. Sans risquer de me tromper, l’avenir ne présage rien de bon. Il augure d’autres violations massives des droits de l’homme à différents coins de la planète et, en premier lieu, à l’encontre de groupes de personnes perçus, à tort ou à raison, comme opposants. Cela se fera au vu et su de tous et les responsables ne seront pas inquiétés outre mesure, tandis que la realpolitik et le temps feront le reste. Avec Internet, nous pourrons probablement tout suivre en direct. Le sort de la minorité musulmane ouïghoure, en Chine, est un cas récent qui est encore plus préoccupant, car contrairement aux autres situations, il est entouré d’un blackout médiatique quasi-total.
Notons que la Convention contre la Torture, adoptée par l’ONU, propose un ensemble de mesures à adopter pour éviter que se reproduisent ces disparitions forcées, la première étant l’obligation pour chaque État de rendre le crime de disparition forcée passible de poursuites pénales automatiques et de peines qui prennent en compte son extrême gravité, de même qu’elle interdit expressément la détention en secret qui est la porte d’entrée pour cette catégorie de crimes.
Il est donc impératif de ne pas passer sous silence ce qui s’est passé dans un passé récent, en prenant comme argument le passage du temps. Cette citation de George Santayana « Ceux qui ne peuvent se rappeler le passé sont condamnés à le répéter » n’a pas vieilli d’un iota.
De mai 1945 à Rabia Addawiya … ce que nous apprend l’Histoire
La France est sortie de la deuxième guerre mondiale, après avoir vécu dans sa chair les affres de la domination nazie dans toute sa cruauté. Cette même France, rétablie dans ses droits, siègera aussi au tribunal de Nuremberg, où seront condamnés à mort les bourreaux nazis qui envoyèrent dans les camps de la mort des millions de juifs, tziganes et prisonniers de guerre.
C’est bien cette France, patrie des Droits de l’Homme comme elle se plaît à le proclamer haut et fort, qui massacrera en mai 1945, dans une folie meurtrière, des dizaines de milliers d’Algériens sans arme dans l’est algérien, parce qu’ils avaient trop bruyamment demandé leur indépendance, inspirés qu’ils étaient par la libération de l’Europe du joug nazi et la vue de ses populations en liesse. Ce massacre fut en partie le déclencheur de la lutte de libération nationale où, là encore, cette France des Lumières se distinguera par d’innombrables massacres de populations civiles et pratiquera la politique de la terre brûlée, anéantissant au napalm toutes les dechras et hameaux isolés qu’elle ne pouvait occuper militairement.
Cette même France récidivera au Rwanda en 1994, en se faisant complice d’un massacre à grande échelle commis par un gouvernement criminel qu’elle armera et soutiendra politiquement contre la population Tutsi. Comme le rapport de la commission Duclert, récemment publié en France, le reconnaît sans ambages, tant le commandement militaire que le gouvernement français savaient pertinemment ce qui se passait sur le terrain, et avaient les moyens pour empêcher le génocide. Diplomatiquement, la France soutenait vigoureusement le gouvernement à majorité Huttu, tandis que militairement, c’est l’armée française qui entraînait l’armée régulière et était de plus présente sur le terrain. Son « inaction » est, en fait, une complicité flagrante qu’aucun argument ne peut absoudre.
Nous ne pouvons nous empêcher de mentionner le massacre de Srebrenica, en Bosnie, en juillet 1995, qui se passa au cœur même de l’Europe, où plusieurs milliers de civils, hommes et adolescents bosniaques, furent assassinés par les milices serbes, et ce, bien que la ville fût déclarée « zone de sécurité » par l’OTAN. Les Casques bleus néerlandais, présents sur les lieux, ne firent rien, si ce n’est de séparer les hommes des femmes, avant que les Serbes ne fusillent les hommes, tandis que l’aviation de l’OTAN n’intervint pas non plus parce que les troupes néerlandaises se trouvaient dans la zone !
Enfin, nous conclurons en évoquant le premier grand massacre du XXIème siècle, comme il fut caractérisé par Human Rights Watch, celui commis par la junte militaire égyptienne, dirigée par le Général Sissi, contre un rassemblement pacifique de civils qui protestaient contre le coup d’Etat perpétré contre le président élu, Mohamed Morsi. Cela se passa au Caire, sur la place Rabia Addawiya, un certain 14 août 2013. Quelque 1000 à 2000 civils non armés y furent massacrés sous tous les objectifs, les images de cette tuerie nous arrivant pratiquement en direct.
Comment la France post-coloniale légiféra-t-elle sur l’Impunité ?
La France non seulement ne veut pas entendre parler d’excuses et encore moins d’une repentance pour les crimes de sa politique coloniale, en particulier ceux commis durant la guerre d’Algérie, mais elle a en plus offert une généreuse amnistie à ses criminels de guerre, y compris ceux qui opérèrent un putsch manqué contre la Cinquième République et mirent en place l’organisation terroriste de l’OAS. Cette amnistie pénale, avec prescription des crimes, s’est effectuée par étapes, en édictant des lois qui complétèrent celles mises en place dans la foulée des accords d’Evian, et culmine avec celle de 1982 voulue par Mitterrand pour soi-disant en finir avec les « séquelles des événements d’Algérie ». Les Salan, Jouhaud et autres furent réintégrés dans leurs fonctions, avec rétablissement de leurs honneurs militaires et civils, alors qu’ils avaient été condamnés en 1962 à la détention à perpétuité. Et bien sûr, pas de Tribunal de Nuremberg pour les massacres de civils algériens.
Les disparus de la Décennie Noire en Algérie, une Tragédie nationale occultée
L’Algérie, trente ans après les douloureux évènements des années 90, n’a pas résolu de manière satisfaisante les cas de quelque 10 à 20 000 disparitions forcées (quelque 7000 dossiers de disparitions recensés par la très officielle CNCPPDH dirigée par F.Ksentini). Elle est le cinquième pays au monde en termes de cas non résolus, selon le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires (GTDFI) des Nations Unies.
Notre pays, certes, vit une crise économique et sanitaire sévère, à laquelle s’ajoute une crise aiguë de légitimité institutionnelle, avec ses instances dirigeantes mal élues et une Constitution qui, dans n’importe quel autre pays au monde, aurait été considérée comme rejetée par la vox populi. Il est cependant urgent d’entendre la voix des familles des victimes de ces disparitions, citoyennes et citoyens ordinaires, mères, épouses et enfants qui ne peuvent faire le deuil d’êtres chers, sachant que quelque part la vérité se cache, mais leur reste inaccessible, par décision politique pusillanime probablement travaillée par un sentiment de culpabilité et de mauvaise conscience.
Certains de ces citoyens, qui se sont regroupés dans divers collectifs et associations non reconnus par l’Etat, tels que la CNFD (Coordination Nationale des Familles de Disparus), Djazairouna, SOS Disparus, continuent à se battre courageusement contre l’oubli, criant leur douleur dans chaque petit espace qui leur est toléré.
Alors que la justice continue aujourd’hui d’ouvrir les dossiers de corruption économique, tels que l’affaire Khalifa et ses multiples rebondissements, celui du dossier Chakib Khalil et autres, certains datant de la même période, il est impensable que ceux liés aux affaires de disparition de personnes ne soient plus disponibles. De plus, l’Algérie est tenue par ses obligations internationales, et par les traités qu’elle a ratifiés, de faire toute la lumière sur cette tragédie nationale indélébile.
Ainsi, tous les organes des Nations unies et les tribunaux internationaux ont établi qu’aucune amnistie ou mesure similaire ne devrait accorder l’impunité aux auteurs d’atteintes graves aux droits humains. Du point de vue moral, le droit à la vérité est primordial. Les enseignements de l’Islam, s’il faut invoquer la religion qui est de par la Constitution la religion de l’Etat, sont on ne peut plus clairs : l’impératif de justice et de recherche de la vérité, autant qu’il peut être atteint, est cardinal et inabrogeable aussi clairement que Dieu est Vérité.
Finalement, comme ce fut le cas avec l’Afrique du Sud, le passage d’une situation d’impunité lors de la période d’apartheid à une culture de transparence et d’ « accountability » (nécessité de rendre des comptes), qui représente une pièce centrale de la bonne gouvernance, est la voie royale vers une réconciliation. Sans cela, les peines et rancœurs restent enfouies, et un sursaut salvifique véritable de la société pour un nouveau départ ne peut s’opérer. Il y a un véritable acte de catharsis et de pédagogie sociale dans l’établissement des faits, dans la vision des visages contrits des assassins et bourreaux dans les deux camps, lors de leur reconnaissance publique des massacres de civils, des exécutions extra-judiciaires…
Sans remonter à la chaîne de commande qui a instauré un tel système monstrueux, à l’ombre des institutions légitimes de l’Etat, comme ce fut le cas en Afrique du Sud, les consciences ne pourront être apaisées, et on restera alors dans une situation d’attente perpétuelle, accompagnée d’un blocage systémique à tous les niveaux. Car c’est une réalité humaine profonde que l’on ne réconcilie vraiment que par la vérité.
Pour ce faire, comme dans le cas de l’Afrique du Sud, il faut une justice d’airain, qui soit toutefois sereine et véritablement indépendante, une justice dont le but ultime n’est pas de se venger mais d’apaiser et réconcilier, et ce, en pratiquant l’art du pardon institutionnel pour les dérives d’acteurs étatiques et le pardon des victimes pour les autres, autant que faire se peut… Un passé mal assumé, surtout si c’est pour faire du « lavage express », est un boulet aux pieds pour une société. Difficile acte d’acrobatie entre deux exigences assez antagonistes ! On pourrait trouver ce point d’équilibre, si on mettait en avant l’intérêt supérieur de la Nation. L’Afrique du Sud, elle, avait un Mandela !
Nous avons parlé de l’Algérie, mais les autres pays arabes ne sont pas en reste. Les disparitions forcées en Syrie ne se sont jamais arrêtées. Elles ont été menées de manière implacable et en en toute impunité. L’Egypte n’est pas en meilleure situation, les disparitions se poursuivant jusqu’à ce jour avec un zèle renouvelé. Le Maroc la suit de très près : après les horreurs des bagnes secrets de Kalaat M’gouna et de Tazmamart, durant les années 70 et 80, à l’époque du roi Hassan II, c’est au tour de centaines de Sahraouis d’être portés « disparus », sous le règne du fils, Mohamed VI.
Farouk Ksentini, président de la CNCPPDH déjà mentionnée, a reconnu que «ces disparitions ont bel et bien eu lieu, et qu’elles sont le fait d’agents des institutions de l’État », tout en affirmant que l’État est « responsable mais pas coupable ». Notons qu’en plus de ces disparitions à grande échelle, et de la pratique systématique de la torture, un climat de guerre civile régna dans des zones rurales, où des dizaines de milliers de personnes furent victimes de massacres commis par des groupes armés, souvent adhérant à une vision extrémiste takfiriste de l’Islam, sans parler de manipulations de tout bord, le tout au milieu de déplacements forcés de populations des zones de confrontation armée.
Les Disparus d’Argentine et l’héroïque courage des « Folles » de la place de Mai
Depuis plus de 40 ans et de manière ininterrompue, des mères courage défilent en rond sur la place de Mai, à Buenos Aires, en souvenir de leurs enfants, maris et proches kidnappés et tués par la dictature militaire qui régna en Argentine, entre 1976 et 1983. Cette dictature sanguinaire, largement soutenue par les Etats-Unis dans le cadre de la guerre froide, fut responsable de quelque 30 000 civils disparus, dont 400 bébés arrachés à leur mère. Nombre de femmes étaient enceintes, avant qu’elles ne soient exécutées.
Sous le général président Videla, l’auteur du coup d’Etat contre Eva Péron légitimement élue, et travaillée par l’emprise d’une idéologie national-catholique, la junte s’opposa brutalement au mouvement populaire inspiré par les thèses révolutionnaires de la gauche, voire du Marxisme, et crut en son rôle messianique de changer l’ordre des choses en éliminant l’emprise des idées révolutionnaires sur les masses.
L’expérience de la révolution cubaine, en particulier, était pour eux un repoussoir absolu. La dictature argentine, qui fut probablement la plus féroce de toutes les dictatures militaires d’Amérique du Sud, réalisa dès le début de sa prise de pouvoir que, pour réussir dans son projet de social-engineering, il fallait des structures parallèles qui agiraient à l’ombre des structures officielles, ces dernières, même sous sa coupe, n’étant pas assez efficaces.
Elle innova dans de nombreux domaines, le plus spectaculaire étant peut-être son utilisation à grande échelle des « vols de la mort », similaires aux “crevettes Bigeard” pendant la guerre d’Algérie, et au cours desquels les victimes étaient jetées vivantes dans l’océan Pacifique. Cette technique, qui était supposée ne pas laisser de traces, leur fut d’ailleurs enseignée par d’anciens militaires français dans le cadre de l’opération Condor. Pour d’autres, comme dans les camps de la mort du désert d’Atacama au Chili, les corps des victimes étaient broyés et la poussière de leur cadavre était dispersée au vent. La guerre des Falkland que les généraux initièrent pour « détourner de leur impopularité » et perdirent, en plus de la très mauvaise situation économique du pays, sonna le glas de la dictature militaire. L’élection suivante les balaya, et une Commission Nationale sur la disparition des personnes fut établie avec le résultat que l’on sait…
Ces « folles » existent bien aussi en Algérie au niveau des différentes grandes villes d’Algérie, mais il leur est refusé tout statut légal. Leurs rassemblements hebdomadaires se déroulent depuis vingt ans sans discontinuer. Constitués quasi exclusivement de femmes et d’enfants, et toujours accompagnés d’un lourd dispositif policier, ils sont tolérés mais parfois réprimés.
Justice et Vérité : le cas de l’Afrique du Sud
Il est intéressant de considérer la politique de réconciliation qui fut mise en œuvre en Afrique du Sud, après l’élimination du régime d’apartheid. Cette politique fut, sans exagération, une autre première dans l’histoire politique récente. Reconnaissons d’emblée comme l’avoueraient les Sud-Africains eux-mêmes, que la politique de réconciliation est en fait aussi la politique de comment éviter que les non-blancs prennent vengeance sur les blancs qui aurait abouti à un bain de sang d’une ampleur qui dépasserait l’entendement tant les haines étaient profondément ancrées.
L’autre problème posé est l’attitude à adopter envers les hommes et les femmes d’une communauté liée à un régime criminel et inhumain. Comment aussi pardonner aux bourreaux qui vivaient et circulaient toujours librement en Afrique du Sud, et sous quelles conditions ? Mais aussi, comment rendre justice aux victimes sans faire dérailler le processus de transition et ruiner le pays dont l’économie et le savoir-faire étaient entre les mains de la minorité blanche ? Rappelons que le mouvement de résistance à l’apartheid est en large partie l’héritière de la lutte non violente d’un Martin Luther King, elle-même inspirée par la philosophie de non-violence de Mahatma Gandhi.
Cette politique de sagesse, dont ont fait preuve tant les leaders de l’ANC que le gouvernement blanc, chacun mesurant les graves enjeux et les conséquences redoutables d’un échec, a été un succès sans précédent et constitue une autre première dans l’histoire de l’humanité.
Notons toutefois l’exemple du Prophète, lors de la conquête de la Mecque, qui pardonna aux Mecquois malgré les crimes dont certains de ces derniers s’étaient rendus coupables.
La commission de réconciliation était présidée par l’Archevêque Desmond Tutu, personne d’une probité morale irréprochable, et militant pacifique des droits civiques avec de plus l’aura que lui conférait son prix Nobel de la paix. Ainsi, les bourreaux passèrent-il aux aveux à visage découvert et en toute transparence, avant d’être pardonnés, du moins ceux qui ont pu démontrer que leurs crimes étaient politiquement motivés.
Ces aveux et repentance étaient nécessaires pour que, comme l’exprimait si bien cette mère courage (Joséphine Msweli), qui a vu ses fils kidnappés par les forces spéciales puis exécutés sans laisser de trace : « Je veux que ceux qui ont assassiné mes fils se manifestent. Je veux leur parler avant de leur pardonner. Je veux savoir qui ils sont et comprendre pourquoi ils ont agi ainsi.»
La politique de réconciliation menée en Algérie après les évènements de la décennie noire, et pour laquelle le mot d’ordre était de ne pas savoir et de ne pas chercher à savoir, est clairement aux antipodes de celle menée en Afrique du Sud. C’est en fait une sorte de tampon de l’oubli que l’on a apposé aux événements vécus durant les années 90, une politique de désengagement absolu de responsabilité. Il y manque clairement la dimension morale de justice, ô combien islamique pourtant. Il y a en, effet, dans la vérité crue des faits une rédemption collective.
Le pardon se nourrit de reconnaissance et de regrets de la part du bourreau. Ceci est congruent avec la notion de tawba en Islam, où le pardon divin envers le pêcheur n’est acquis qu’à la condition que la reconnaissance et le regret de la faute s’accompagnent d’une ferme résolution à ne pas la répéter, et d’une réparation des méfaits autant que possible. Et puis, les faits gravés dans la conscience collective ont une valeur pédagogique en ce qu’ils permettent de ne pas répéter les errements passés. Comment peut-on espérer ne pas répéter ces erreurs, si ces dernières ne sont pas connues et reconnues comme telles ? Comment pardonner, quand aucun acte de contrition ne vient accompagner les aveux, pire encore, lorsque personne n’est passé aux aveux ?
C’est matériellement possible d’ériger de tels monuments mémoriels, car les lieux existent ainsi que les témoignages historiques détaillés des généraux bourreaux. Qu’en est-il de la décennie noire des années 90 dont, comme un trou noir qui engloutit tout objet y pénétrant, on a escamoté de l’histoire les disparitions forcées ? Pas d’archives, pas de trace et, en sus, la loi du silence imposée aux survivants.
Au moins, les disparus d’Argentine ont leurs stèles et leurs espaces de commémoration, tel le fameux Musée de la Mémoire de Rosario en hommage aux disparus de la province de Santa Fe. On ne peut faire le deuil avec un acte de décès administratif qui ne pointe aucune date réelle de décès, ni à sa cause, et sans dépouille mortuaire. De manière similaire au bagne de Robben Island, qui attire chaque année quelque 400.000 visiteurs, et au fameux District 6 en Afrique du Sud et son Musée, pourrait-on imaginer, un jour, une situation où les bagnes de Lambèze et Berrouaghia, les grottes des Monts du Dhahra, où eurent lieu les enfumades de tribus rebelles par le maréchal Bugeaud, deviennent à leur tour des lieux de recueillement pour tous les êtres épris de paix, et en particulier pour les pieds noirs et leurs descendants ?
L’histoire, qui travaille dans le temps long, ne sera pas tendre envers ces manquements coupables. Elle saura jeter le sceau de l’ignominie sur tout Etat qui s’est tu, fusse-t-il la Cité idéale de Platon. De par le monde, les parents des victimes demandent une reconnaissance dans le temps court, et en dernier recours, ils s’en remettent à Dieu contre la pusillanimité et la lâcheté des pleutres régimes qui les gouvernent.
Mr le troll Leroy
Vos commentaires sont pénibles et toujours malveillants et tendancieux. Nous comprenons que vous n’aimez pas l’Islam et les Musulmans comme le prouve amplement tous vos commentaires, mais pourquoi fréquenter un site comme Oumma.com alors que vous n’avez aucune sympathie ni même connaissance des sujets traités si ce n’est des poncifs et des rengaines islamophobes. Juste pour déverser votre fiel et votre dose de fakenews pour satisfaire votre coté maléfique?
@ Leroy
La haine est une chose, le mensonge est une autre chose.
Tous les gouvernement sur la planète, même au centre de la Mecque, appliquent l’athéisme politique,
Le degré de l’application change d’un endroit à un autre.
Vous dites le problème est l’islam politique.
Moi, je dis le problème est l’athéisme politique.
Tant que le monde politise l’athéisme traditionnel, je politiserai l’islam.
L’article oublie de mentionner que pendant la décennie noire des années 1990, ce ne sont pas 10 ou 20.000 disparitions qui ont eu lieu, mais que pas loin de 200.000 personnes ont trouvé la mort du fait des Algériens eux-mêmes, sur fond de religion, la meilleure parait-il.