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Les deux facettes du plan arabe de reconstruction de Gaza

Réunis dans le cadre d’un Sommet extraordinaire au Caire, les pays arabes ont adopté le 4 mars dernier un plan pour la reconstruction de Gaza. Le plan censé être réalisé en cinq ans devrait coûter environ 53 milliards de dollars. Le plan en question a été concocté deux semaines auparavant par cinq pays arabes réunis en mini-sommet à Jeddah (Arabie saoudite, Egypte, Jordanie, Emirats arabes unis, Qatar).

Le point le plus important dans ce plan consiste dans le rejet de tout déplacement contraint des Palestiniens de Gaza, ce qui a laissé penser les observateurs que le plan est une réplique au plan de Trump visant à vider la bande de Gaza de ses habitants pour y construire une nouvelle Riviera.

Un autre point non moins important rappelle l’attachement des pays arabes à la solution des deux Etats comme pierre angulaire du processus de paix dans la région du Moyen Orient. Cependant ce dernier point est cité à titre de perspective à moyen terme sans agenda politique précis.

Cette facette du plan de reconstruction arabe de Gaza pourrait laisser penser à une proposition réaliste au regard des rapports de forces dans la région et à la perspective funeste d’une expulsion massive des Palestiniens de Gaza et peut-être aussi de Cisjordanie qui signifie l’enterrement de la cause nationale palestinienne. Les médias à la solde des pétromonarchies réactionnaires du Golfe ont insisté sur cet aspect tenter de faire passer le plan pour une bouée de sauvetage du peuple palestinien.

Le revers de la médaille

La réalité est tout autre. Le revers de la médaille fait craindre le pire pour la cause nationale du peuple palestinien. Le plan de Trump visant à vider la bande de Gaza de ses habitants et les signes avant-coureurs d’une expulsion massive de plusieurs centaines de milliers de Palestiniens de Cisjordanie ont eu un effet traumatisant sur les régimes égyptien et jordanien qui ne peuvent en aucun cas supporter les conséquences déstabilisatrices d’un tel, exode sur leur territoire.

Ce n’est donc pour les beaux yeux des Palestiniens que les régimes arabes se sont empressés d’adopter un plan alternatif qui prévoit une reconstruction de Gaza tout en gardant en place sa population. Mais pour faire bonne mesure et amadouer Trump et Netanyahou, les pays arabes ont conditionné leur plan de reconstruction par la mise sur la touche du Hamas.

Le plan arabe prévoit en effet l’administration de la bande de Gaza par une autorité composée de personnalités technocratiques et apolitiques durant six moins en attendant de préparer le retour de l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbbas.

L’Egypte et la Jordanie ont été désignées pour former la future police qui devrait maintenir l’ordre dans l’enclave. En résumé, le plan arabe devrait réaliser pacifiquement ce que l’armée israélienne n’a pas réussi à faire au bout d’une guerre dévastatrice de 15 moins.

Un plan jugé « imparfait » et « dépassé »

Mais visiblement, les pays arabes n’ont pas fait assez aux yeux du gouvernement israélien. Quelques heures après l’annonce du plan arabe, le porte-parole du ministère des affaires étrangères israélien, Oren Marmorstein, a estimé sur X que le plan égyptien « ne tient pas compte des réalités de la situation ». Le plan, a-t-il déclaré, reste « ancré dans des perspectives dépassées ».

Le gouvernement de Benyamin Nétanyahou, rejette notamment la perspective d’un retour de l’Autorité palestinienne dans la bande de Gaza dans la mesure où elle laisse penser que la création d’un Etat palestinien, est toujours d’actualité, ce dont il ne veut pas entendre parler.

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Le plan arabe a également été rejeté par la Maison Blanche. Mardi, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, Brian Hughes, a qualifié la proposition égyptienne d’impraticable, estimant la bande de Gaza « inhabitable ». « Le président Trump reste fidèle à sa vision de reconstruire Gaza sans le Hamas », a-t-il ajouté.

Par la suite, l’envoyé spécial de Trump au Moyen Orient, Steve Witkoff, a qualifié la proposition arabe de « premier pas de bonne foi » avec « de nombreuses caractéristiques convaincantes ». Quelques heures plus tard, cependant, la porte-parole du Département d’État, Tammy Bruce, est revenu à la charge en qualifiant la proposition « d’inadéquate ».

Comment expliquer qu’un plan aussi minimaliste puisse être rejeté par le gouvernement israélien et l’Administration Trump ? La raison se trouve dans le décalage existant entre la position des régimes arabes et les réalités géopolitiques auxquelles ils devraient faire face. Au lieu de tirer les plans sur la comète et parler de reconstruction, les pays arabes auraient du d’abord imposer le respect par l’Etat d’Israël du plan de cessez-le-feu entré en vigueur le 19 janvier dernier et dont la seconde étape, qui devait commencer 42 jours après l’entrée en vigueur du plan, a été gelée par le gouvernement israélien sous des prétextes fallacieux.

En effet, de l’aveu des médias israéliens eux-mêmes, tout indique que le gouvernement israélien, sous la pression de son aile d’extrême-droite et grisé par le soutien inconditionnel de l’Administration Trump, ne veut plus entendre parler d’un cessez-le-feu définitif suivi du retrait de ses troupes de la bande de Gaza.

Tout au plus, le gouvernement israélien cherche à proroger la première étape du cessez-le-feu en vue de faire libérer le maximum de prisonniers israéliens pour avoir les mains libres en vue de reprendre la guerre et cette fois-ci si possible jusqu’à l’expulsion massive des Palestiniens de l’enclave au prix d’un nettoyage ethnique assumé ouvertement par les ministres israéliens.

Le décalage des régimes rabes par rapport à la réalité

Les régimes arabes qui ont adopté le plan de reconstruction de Gaza ont fait comme si l’objectif principal du gouvernement israélien était la capitulation du Hamas et non pas la capitulation du peuple palestinien tout court qui est sommé d’abandonner sa terre s’il tient à sa survie. Otage de son aile suprémaciste juive, le gouvernement Netanyahou cherche à mettre à profit ce qu’il croit être un nouveau contexte géopolitique favorable pour réaliser le vieux rêve sioniste du grand Israël qui ne tolère pas en son sein les Palestiniens comme l’a annoncé déjà implicitement la loi sur le caractère juif de l’Etat d’Israël.

La seule chose qui reste aux pays arabes pour sauver la face et surtout la stabilité de leurs régimes est de compter sur l’argent des pétromonarchies du Golfe en vue d’amadouer l’Administration Trump et infléchir la position intransigeante du gouvernement israélien. L’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et le Qatar ont promis d’investir plus de 1000 milliards de dollars aux Etats-Unis. Ce geste sera-t-il suffisant ?

Au-delà des investissements arabes exigés et attendus par Trump, la question politique la plus importante qui risque de dessiner les contours géopolitiques de la région dans les années à venir se rapporte aux contradictions qui pourraient compromettre l’inquiétante convergence d’intérêts qui apparaît chaque jour davantage entre l’Etat colonialiste et expansionniste d’Israël et les régimes réactionnaires arabes dont indique qu’ils sont prêts à enterrer la cause palestinienne mais qui hésitent encore par crainte de sacrifier leur stabilité.

 

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