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Les convertis, des musulmans comme les autres

Quand, face à vous, l’horizon s’illumine d’une si douce clarté que vous ressentez un ineffable amour vous envelopper, toutes les interrogations prosaïques, toutes les justifications rationnelles, auxquelles vous confronte sans ménagement la société, vous paraissent sans fondement et ô combien vaines. Et pourtant …

Seul cet enseignement éternel et universel du Coran qui révèle l’essence même du secret de nos cœurs devrait avoir droit de cité : « Dieu guide qui il veut. Il est le plus Savant quant à connaître ceux qui sont bien guidés. » S28.V56

Le long cheminement individuel, la quête irrépressible de sens, d’absolu et de pureté qui guident nombre d’entre nous, d’origines culturelles et cultuelles différentes, vers Sa Lumière, doivent-ils être à tout jamais estampillés du sceau de « convertis » ?

Par ailleurs, les convertis auraient–ils toutefois un rôle à jouer dans l’actuel paysage social, en faveur de la déconstruction des mythes et autres amalgames, qui mêlent allègrement foi et traditions séculaires sans discernement ?

Deux points qui méritent aujourd’hui que l’on s’y penche avec un intérêt renouvelé, et que j’ouvre ici au débat.

« Il y a dans la création des cieux et de la terre, et dans la succession de la nuit et du jour, des signes pour ceux qui sont doués d’intelligence ». S3.V190

Voir dans le ciel resplendir les signes du Divin est un privilège unique que nous rappelle avec force le Coran, à travers ce verset que je reçois comme un appel vibrant à l’éveil de la conscience universelle de l’humanité. La foi est une bénédiction qui, tel un astre radieux, éclaire de sa lueur divine chacun de nos pas, chacun de nos actes, chacun de nos jugements, chacune de nos paroles.

Lorsque j’ai prononcé la Shahada, j’ai de fait adhéré pleinement au message universel délivré par le Coran. Par cet acte hautement symbolique, qui a marqué un tournant décisif dans ma vie, j’ai effectivement rejoint les rangs des convertis.

La conversion est la marque solennelle de l’aboutissement d’un parcours initiatique, réfléchi et persévérant, menant à une proximité intime et apaisée avec Dieu.

Cela étant, la terminologie « les convertis », même si elle atteste bien d’une réalité, ne semble-t-elle pas de nos jours par trop partielle et partiale, et encore trop fréquemment source de calomnie, de méfiance et d’exclusion ?

Même si nous sommes tous soumis au diktat de la « normalité » et de la pensée unique, aux prises avec un art consommé typiquement français de coller des étiquettes, de classifier, de segmenter, les convertis d’où qu’ils viennent n’en demeurent pas moins des hommes et des femmes comme les autres, des citoyens comme les autres, et des croyants au même titre que les autres.

Depuis ma propre conversion, je ne cesse de m’interroger sur le bien-fondé d’accoler ce « label », à la connotation très souvent péjorative dans l’inconscient collectif hexagonal, à tout croyant devenu officiellement musulman. Est-il indispensable de distinguer celles et ceux qui font le choix, en leur âme et conscience, de s’accomplir spirituellement et humainement dans notre religion ?

Si je devais esquisser un rapide portrait personnel, je me présenterais tout naturellement et en premier lieu comme française de nationalité, d’origine européenne, et notamment méditerranéenne, puis comme musulmane de confession, par choix et conviction. A aucun moment, je dois le reconnaître, je n’aurais recours à l’appellation de « convertie » pour qualifier ce que je suis intrinsèquement.

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Il est indéniable que ma posture est en partie conditionnée par la forte pression médiatique, qui façonne très habilement l’opinion à grand renfort de clichés plus caricaturaux et blessants les uns que les autres, comme pour mieux discréditer et minimiser un phénomène social dérangeant : les conversions de français(es) de souche à l’islam.

La renaissance indicible à une identité nouvelle que j’ai, pour ma part, profondément vécue comme un retour aux origines véritables, fait-elle pour autant de moi un être illuminé, marginal ou à marginaliser, une excentricité vivante, en rupture totale avec les siens, avec sa sphère socio-professionnelle, pire un renégat, en équilibre permanent entre deux univers, deux rives, deux communautés ?

Je m’empresse ici de tordre le cou à ce préjugé trop largement répandu, qui a pour seul objectif de maintenir délibérément nos concitoyens dans la plus grande ignorance quant à la personnalité et aux motivations réelles de leurs semblables qui, issus du terroir, embrassent de nos jours la deuxième religion de France.

Pourquoi, dans ce même ordre d’idée, passer continuellement sous silence que des grandes figures françaises et européennes, certaines parmi les plus illustres, furent et sont musulmanes ?

M’insurgeant contre tous les stéréotypes qui entachent gravement la représentation du croyant qui se tourne vers l’islam, il nous faut néanmoins prendre en considération que la décision de se convertir, toute personnelle qu’elle soit, puisse interpeller grandement la population française de tradition judéo-chrétienne qui y décèle peut-être une remise en cause cinglante, voire une forme de trahison.

Dans cette droite ligne, il est également compréhensible que franchir le pas de la conversion, lorsque l’on a été éduqué dans une autre religion du Livre, questionne de son côté la communauté musulmane quant à cette nouvelle catégorie de fidèles qui, envers et contre tout, n’écoutent que leur libre arbitre en ralliant l’islam.

« Certes Dieu ne change pas ce qui est en un peuple, avant que ceux-ci ne changent ce qui est en eux-mêmes » S13.V11

Dans la continuité de ce verset qui en appelle à la responsabilité des hommes, s’il y a, paradoxalement, un espace d’expression dans lequel les convertis devraient se présenter et se revendiquer comme tels, sans restriction aucune, c’est bien sur le devant de la scène publique, aussi longtemps que cette démarche volontariste et engagée contribuerait à faire évoluer les mentalités dans le bon sens.

En effet, face aux récents emballements politico-médiatiques qui se focalisent sur les aspects sensibles liés aux us et coutumes dérivés de l’islam, les convertis n’ont-ils pas plus que jamais des responsabilités et des devoirs envers leur communauté de cœur et leur communauté d’origine, à travers une implication active et positive privilégiant l’intérêt général ?

Loin de moi l’idée de réfuter l’existence de certains rituels archaïques à condamner sans hésitation, mais il me paraît tout aussi insupportable de nous contenter d’assister en citoyens passifs aux dérapages verbaux, à la rhétorique de la peur, aux polémiques passionnelles récurrentes, sans tenter d’éclairer le débat social d’une autre réalité de l’islam et de l’enrichir d’une vision sereine, pédagogique, et empreinte de modernité, susceptible de créer des passerelles de compréhension et de fraternité entre tous.

A l’heure où l’Amérique a connu ce sursaut extraordinaire en abolissant, le temps de l’élection suprême, tous les racismes et toutes les ségrégations, il serait consternant que la France du XXIème siècle campe sur ses positions en refusant de puiser dans la mosaïque d’individualités, de talents et de bonnes volontés qui composent la communauté musulmane, et qui sont autant de ressources précieuses de nature à favoriser les valeurs essentielles de l’échange, de l’ouverture, et de la mixité sociale.

Si, à mon sens, les convertis sont bien des musulmans à part entière, cette appellation pour le moins galvaudée qui est censée les caractériser, gagnerait à être revalorisée, actualisée et plus largement humanisée, à l’aune des nouveaux défis qui attendent les français et les occidentaux de confession musulmane.

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