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Les accusations de Jean-Charles Brisard, spécialiste autoproclamé du terrorisme

Auteur du best-seller « Ben Laden, la vérité interdite » (co-écrit avec Guillaume Dasquié), paru en novembre 2001, le Français Jean-Charles Brisard, installé en Suisse, passait pour un spécialiste international du terrorisme. Mais ses accusations systématiques contre des musulmans sont démenties les unes après les autres.

La justice française vient de blanchir Yeslam Binladin, le demi-frère d’Oussama Ben Laden. Cet homme d’affaires de 56 ans, qui commercialise des produits de luxe, est installé à Genève depuis une vingtaine d’année. « Les investigations menées n’ont pas permis de caractériser des opérations de blanchiment ou de financement d’activités ou de réseaux liées à Oussama Ben Laden », souligne le juge Renaud Van Ruymbeke dans son ordonnance de non-lieu du 27 décembre 2006.

Cette victoire du citoyen suisse Yeslam Binladin apparaît comme une nouvelle défaite pour Jean-Charles Brisard, longtemps présenté comme un expert international du financement du terrorisme.

Yeslam Binladin est depuis plusieurs années l’une des cibles favorites de Jean-Charles Brisard. En 2001, dans « Ben Laden, la vérité interdite », vendu à près de 200 000 exemplaires, l’ “expert“ affirmait que la compagnie Avcon Air Charter, dont Yeslam Binladin serait actionnaire, « offre des cours de pilotage à ses clients dans la même école que celle fréquentée en Floride par plusieurs des “kamikaze“ avant les attentats du 11 septembre 2001 ».

Pure affabulation, mais qu’importe, plus c’est gros, plus ça plait ! Autre “révélation “ plus récente : Yeslam Binladin aurait demandé à sa banque à Genève de virer 241 millions de dollars sur un compte ouvert par Oussama Ben Laden en personne à Karachi au Pakistan. On n’imaginait pas que le fondateur d’Al-Qaida puisse être aussi imprudent pour s’exposer ainsi.

Pour Yeslam Binladin, il ne s’agit pas d’erreurs grossières mais de mensonges. « Brisard n’a jamais cessé de répandre de fausses accusations contre moi. Il a fait du 11 septembre son fonds de commerce », dénonce-t-il. Mêmes accusations de la part de Tariq Ramadan, joint par téléphone à Londres.

Ainsi, Jean-Charles Brisard a poussé le bouchon jusqu’à prétendre qu’Omar Abdel Rahman, le “cerveau“ de l’attentat de 1993 contre le World Trade Center, était… l’oncle de Tariq Ramadan. « Les spécialistes autoproclamés du terrorisme se permettent de vous refaire une famille », ironise Tariq Ramadan. Rappelons que la société Al-Taqwa, installée dans le canton du Tessin, une autre cible de Jean-Charles Brisard, accusée d’avoir financé les attentats du 11 septembre, a elle aussi bénéficié d’un non-lieu le 31 mai 2005.

Dans d’autres affaires, Jean-Charles Brisard a été contraint d’avouer de lourdes erreurs. Le 14 mars 2006, il doit se rétracter face à la société DMI Administrative Services à Genève, qu’il avait associé au financement du terrorisme. « Jean-Charles Brisard, dans le cadre de la procédure pénale suisse dirigée contre lui à l’instance de DMI Administrative Services SA à la suite du témoignage du 22 octobre 2003 devant la Commission bancaire du Sénat des Etats-Unis, diffusé sur le site de cette Commission, tient à préciser, lorsqu’il mentionne dans ce témoignage DMI, ses filiales ainsi que les organes du groupe, qu’à aucun moment il n’a voulu laisser entendre que ces entités aient pu, directement ou indirectement financer ou participer au financement du terrorisme, et regrette que ses propos aient pu être mal interprétés », écrit-il dans une « Rétractation-Correctif » paru dans la presse suisse.

Nouveaux aveux en novembre 2006, Jean-Charles Brisard (et Guillaume Dasquié) doivent présenter des excuses au cheik Khalid Bin Mahfouz et au cheik Abdulrahman Bin Mahfouz dans la presse internationale. Evoquant le livre « Ben Laden, la vérité interdite » et le rapport « Le financement du terrorisme » (écrit par Jean-Charles Brisard seul), publié en décembre 2002, ils reconnaissent que ceux-ci « contiennent des allégations extrêmement sérieuses et diffamatoires concernant le cheik Khalid Bin Mahfouz et le cheik Abdulrahman Bin Mahfouz, alléguant de leur soutien au terrorisme par le biais de leurs entreprises, familles et œuvres de bienfaisance et par voie directe.

A la lumière de ce que nous savons aujourd’hui, nous acceptons et reconnaissons que l’ensemble de ces allégations vous concernant et concernant vos familles, entreprises et œuvres de bienfaisances sont entièrement et manifestement fausses ». Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié se déclarent « conscients du très grave préjudice que ces allégations ont causé à vos réputations ».

Plus grave encore, Jean-Charles Brisard avait distribué en 2002 à la presse son rapport sur le terrorisme, assurant qu’il lui avait été commandé par le président du Conseil de sécurité des Nations Unies. Démenti cinglant d’Alfonso Valdivieso, le président du Conseil : il n’a jamais demandé de rapport à Jean-Charles Brisard. « Actually, I personally never met with or spoke to Mr Brisard and it is completely false that I in my capacity as President of the Security Council or as President of the 1267 Committee or in any capacity within that Organization had commissionned him on a personal or official basis to write a Report on terrorism », écrit Alfonso Valdivieso depuis Bogota (Colombie) le 12 mars 2004.

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Pourquoi les médias et la justice ont-ils porté aux nues ces spécialistes autoproclamés du terrorisme ? « Au moment de la chute du mur de Berlin, il existait de nombreux “kremlinologues“ qui ont pu nous expliquer ce qui se passait. En revanche le 11 septembre 2001, il n’y avait pas de spécialistes à la fois du monde arabe et du terrorisme. Certains ont comblé le vide en se prétendant “qaïdologues“. Le problème, c’est que la plupart d’entre eux n’ont jamais vu un islamiste de leur vie », commente le chercheur Ali Laïdi (*).

Jean-Charles Brisard ne serait pas un cas unique. « En Grande-Bretagne, on s’est aperçu qu’un de ces “spécialistes“ du terrorisme islamiste n’avait, en fait, passé qu’une seule nuit dans un pays arabe ! », constate Hasni Abidi, fondateur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève (CERMAM). « Toutefois, ajoute-t-il, on a atteint les limites : pourquoi les autorités judiciaires ont-elles avalé pendant si longtemps les élucubrations de ces pseudo-spécialistes ? ».

(*) Ali Laïdi, « Retour de flamme. Comment la mondialisation a accouché du terrorisme ». Calmann-Lévy.

A propos de l’article “Les accusations de Jean-Charles Brisard, spécialiste autoproclamé du terrorisme” paru le 21 février

Jean-Charles Brisard répond

Le juge français Renaud Van Ruymbeke a été saisi en décembre 2001 d’une information judiciaire contre X pour blanchiment concernant des sociétés de Yeslam Bin Laden. Cette information faisait suite à une dénonciation de Tracfin, cellule de lutte du ministère français de l’économie contre le blanchiment. Le non-lieu intervenu dans cette affaire ne saurait donc constituer en aucune manière une « défaite » pour moi, dans la mesure où je n’ai jamais été associé, de près ou de loin, à sa genèse. Ayant par ailleurs gagné l’ensemble des procès intentés par Yeslam Bin Laden à mon encontre, il est totalement erroné de prétendre que j’aurais commis des « erreurs ».

La présentation faite de l’accord intervenu avec la société DMI est également inexacte, puisque j’ai simplement corrigé l’interprétation erronée faite par DMI de mon intervention devant le Congrès des Etats-Unis en 2003, laquelle avait été mal interprétée par cette société. Je n’ai donc à aucun moment « reconnu de graves erreurs » comme l’impute votre article.

Enfin, s’agissant de la présentation d’excuses à un homme d’affaires saoudien, cette démarche résulte de la rétractation de sources qui, à l’époque, fondaient les soupçons à son égard.

Jean-Charles Brisard

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