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La fraternité Adamique et Abrahamique du Coran (partie 1/2)

Nous publions une conférence du Cheikh Ahmad Kufataro, prononcée à San Francisco (USA) en 1990. Personnalité religieuse éminente, le cheikh Kuftaro est par ailleurs Grand Mufti de Syrie.

Au nom de Dieu, le Généreux, le Miséricordieux

Tous les jours nous ressentons l’urgence pressante de congrès spirituels comme celui-ci en vue de parvenir à une compréhension mutuelle et à une entraide entre les disciples des religions du monde. Ces nobles aspirations à l’entraide et au dialogue sont plus pressantes aujourd’hui que dans le passé, plus insistantes et persistantes, en raison des progrès scientifiques et technologiques que connaissent les médias et les communications. Nos ancêtres considéraient naguère que le monde était trop vaste et trop immense pour le comprendre au-delà de leur environnement immédiat, limité à leurs moyens de communication. Chaque communauté vivait confinée dans son propre monde, dans ses coutumes et dans ses idéologies. Lorsque des communautés entraient en contact les unes avec les autres, il s’en suivait, par incompréhension et par ignorance, des guerres injustes, des épanchements de sang et le carnage de peuples innocents.

Les progrès culturels et l’évolution des moyens de transport ont beaucoup changé depuis lors la situation dans le monde. Notre monde apparemment sans limites, est devenu de plus en plus petit et l’espace a rétréci, de sorte qu’aujourd’hui nous pouvons faire le tour du globe en quelques heures au lieu des années qu’on mettait pour le faire dans le passé. Aujourd’hui des nouvelles provenant des nations du monde entier peuvent être diffusées et transmises instantanément à tous les coins du globe. Notre planète est maintenant comme une seule maison habitée par une seule famille, dont les membres interagissent constamment les uns avec les autres.

Malheureusement, l’injustice, la cupidité et l’agression ont ruiné et maltraité la maison de l’homme et l’harmonie du monde, de sorte que le besoin de s’entraider est devenu plus critique que jamais auparavant. Aujourd’hui les peuples de l’Est ont grandement besoin de la science et de la technologie occidentales. En Occident, les Européens et les Américains ont besoin des ressources et de l’héritage spirituel de l’Est.

L’humanité commence maintenant à s’entraider du fait de besoins sociaux pressants et urgents qu’aucun réformateur désireux de procurer de la prospérité et du bien-être à son peuple ne peut plus négliger. L’expérience d’aujourd’hui se ramène à celle confiée par Dieu dans Sa révélation à Mouhamed :

« O Peuple, nous vous avons créés d’un homme et d’une femme et nous vous avons répartis en nations et en tribus pour que vous puissiez apprendre à vous connaître l’un l’autre. Le plus noble d’entre vous aux yeux de Dieu est celui qui Le craint le plus. Dieu est sage et sait tout. »

T.C., Sourate 49, (Les Appartements Privés), Verset 13.

Le Coran dit aussi :

« Aidez-vous les uns les autres dans la droiture et la piété, et ne vous incitez pas les uns les autres au péché et à la haine. »

T.C., Sourate 5, (La Table), Verset 2.

Imposer l’entente mutuelle et l’harmonie à l’humanité par la force des armes s’est avéré futile ; le monde a souffert gravement de deux guerres mondiales, incluant le nazisme et la barbarie, qui ont dévasté le globe. Une intense compétition pour amasser des armes destructives les a suivies. Les Grandes Puissances se sont lancées honteusement dans une course aux armements qui a conduit les hommes à craindre leurs semblables comme s’ils étaient des loups affamés ou des vipères vénéneuses. Pendant ce temps, des organisations et institutions internationales n’ont pas réussi à apporter la fraternité humaine. La Ligue des Nations, qui s’est effondrée par suite des aspirations avaricieuses des Grandes Puissances, a été remplacée par les Nations Unies et leur Conseil de Sécurité, également sous le contrôle des Grandes Puissances. Le rôle de ces organisations est tellement ambigu et fragile qu’elles se sont contentées d’actes mutuels de flatterie et n’ont pu que conclure des traités à caractère général et conciliant, en d’autres mots, des paroles pour sourds, de la lumière pour aveugles. Leurs résolutions n’ont été, dans leur majorité, que de l’encre sur du papier, en particulier lorsque l’un ou plusieurs des états membres les plus puissants s’y opposaient.

Ni le développement ni le progrès de la technologie n’ont permis à l’homme de parvenir au bien et à l’amour réciproque dont l’humanité manque et a besoin. La technologie moderne est malheureusement contrôlée trop souvent par des peuples et des agences injustes et tyranniques, sans amour, ni foi, ni humanité, motivés par la convoitise, obsédés par l’accumulation de capitaux et désireux d’amasser des gains matériels. Ce sont les mêmes qui ont fabriqué des moyens de destruction, des instruments de torture, des missiles transcontinentaux et des bombes nucléaires.

Malgré tous les progrès que l’homme a fait au cours de ces récentes années, il est toujours l’esclave de son propre ego et de ses instincts les plus bas. A cause de la faiblesse de sa foi rationnelle, l’homme reste dans un état primitif de barbarie et de force brutale. Le Coran décrit cet état :

« Ils ont des coeurs, et pourtant ils ne savent pas s’entendre ; des yeux, et pourtant ils ne voient pas ; et des oreilles, et pourtant ils n’entendent pas. Ils sont comme des bêtes, ils sont même moins éclairés qu’elles. Ainsi ils sont comme des irréfléchis. »

T.C., Sourate 7, (Les Hauteurs), Verset 179.

D’une façon regrettable, l’armement destructif moderne de l’homme concerne ce qui vit, même sa propre vie. Suite aux progrès scientifiques, à la rétrogradation morale et à la détérioration spirituelle sur le globe, le monde et toutes ses beautés peuvent être instantanément détruits pour se transformer en un désert aride et sans vie par la simple pression d’un doigt sur un bouton.

Nous pouvons ici apprécier combien primordial est le rôle de la foi et de la croyance en Dieu, les plus aptes à inspirer et à gouverner le comportement humain. Il est urgent pour l’humanité de s’unir, de s’entraider et de s’aimer, de bannir toute espèce de discrimination, qu’elle soit raciale, ethnique ou tribale et de s’assembler sous le commandement de Dieu. Le Coran dit :

« Votre religion n’est qu’une seule religion, et Je suis votre seul Seigneur. »

T.C., Sourate 21, (Les Prophètes), Verset 92.

Cependant, ce n’est que si la foi marche la main dans la main avec la science et la raison qu’elle peut pénétrer en profondeur dans la conscience humaine et lui dicter en son for intérieur une conduite correcte. Ce n’est que de cette manière qu’elle peut renforcer les vertus et conférer à l’esprit son caractère sublime. L’histoire de l’Est et de l’Ouest a prouvé la validité de cette proposition, toute personne avertie l’accorde. Malheureusement, la cupidité humaine, le désir de puissance, les fantasmes et les caprices ont souvent fait de la religion un moyen et une raison de séparation et de combat alors qu’elle devrait être une source d’amour et de paix. De même, le progrès scientifique et la dégénérescence spirituelle et morale sont utilisés comme instruments pour amasser des fortunes et assurer l’emprise des puissants sur les faibles.

Au lieu de tenir des rencontres de dialogue et de coordination pour que leurs cultures puissent se mélanger et conduire à un accord mutuel d’entraide et de coopération, l’Ouest et l’Est se sont tôt heurtés sous les bannières du fanatisme et de grossières mésententes pendant les Croisades. Il ne pouvait être pire voie, contraire à celle capable d’amener les peuples de l’Est et de l’Ouest à s’aimer ; la combinaison des Croisades avec le colonialisme a été le chemin le plus malheureux par lequel l’entente entre les Musulmans et les Chrétiens s’est disloquée.

N’est-il pas temps que tous les croyants en un seul Dieu, Créateur et Support de l’univers, se rencontrent dans un esprit d’ouverture et de pureté, pour écouter et discuter les messages de tous les Messagers et Apôtres qui ont prêché un même message et ont été envoyés pour remplir la terre d’amour, de compassion et de paix et pour établir sur la raison la conviction et la foi ?

Au nom des Musulmans, qui forment environ un quart des habitants de cette planète, je dis que le Prophète Mouhamed a été envoyé comme Messager et Prophète dans une société d’idolâtres ainsi que de Chrétiens et de Juifs. Il a exhorté ses compatriotes à croire dans le Coran, qui se réfère à l’esprit et à l’enseignement de la Torah de Moïse et à la Bible du Christ. Dieu dit dans le Coran :

« Il vous a révélé le Livre de la Vérité, confirmant les Ecritures qui l’ont précédé ; car il a déjà révélé la Torah et la Bible pour guider les hommes, et distinguer entre le bien et le mal. »

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T.C., Sourate 3, (Al-Imran), Versets 3 et 4.

Par ses actions et ses enseignements, le Prophète Mouhamed a souligné ses liens d’amitié et d’affection avec les Chrétiens ainsi que le but et le sens de son message en accord avec celui qui leur a été révélé, et il a proclamé que ceci s’appliquait à tous les prophètes qui l’ont précédé.

« Nous vous avons révélé Notre volonté comme Nous l’avons révélée à Noé et aux Prophètes venus après lui ; comme Nous l’avons révélée à Abraham, Ismaël, Isaac, Jacob, et David, à qui Nous avons donné les Psaumes. Nous vous avons déjà parlé de quelques apôtres (ici Dieu parlait directement à Moïse) ; mais il y en a d’autres dont Nous n’avons pas encore parlé : des apôtres qui ont apporté des bonnes nouvelles à l’humanité et ont éclairé les hommes pour qu’après leur passage ceux-ci n’aient pas d’excuse devant Dieu. Dieu est Puissant et Sage. »

T.C., Sourate 4, (Les Femmes), Versets 163-169.

Le Coran demande aux Musulmans de révérer tous les apôtres antérieurs, dont vingt-cinq sont cités par leur nom dans le Saint Livre. Cependant, Dieu dit aussi : « Mais il y en d’autres dont Nous n’avons pas encore parlé. », indiquant ainsi que les religions révélées, bien que multiples, ont un seul et unique but. Ensuite le Coran commande aux Musulmans de déclarer ouvertement et clairement qu’ils croient à tous les messagers du ciel.

« Dites : nous croyons en Dieu et en tout ce qui nous a été révélé ; nous croyons à ce qui a été révélé à Abraham, Ismaël, Isaac, Jacob et les tribus ; à Moïse et à Jésus et aux autres prophètes, Nous ne faisons pas de distinction entre eux et Nous nous sommes confiés nous-mêmes à Dieu. »

T.C., Sourate 2, (La Vache), Verset 136.

Puis Dieu presse les disciples des autres religions révélées, en particulier ceux de la Torah et de la Bible, de faire la même chose. Il dit :

« S’ils acceptent votre foi, ils seront guidés droitement ; s’ils la rejettent, ils seront sûrement dans le schisme. »

T.C., Sourate 2, (La Vache), Verset 137.

Le Coran établit de plus que la mission de Mouhamed ne réfute pas celle des prophètes antérieurs, mais plutôt les complète et les précise :

« Dites : Mon Seigneur m’a guidé sur une voie droite, à une vraie religion, à la foi d’Abraham, qui n’était pas un idolâtre. »

T.C., Sourate 6, (Le Bétail), Verset 161.

Les hommes doivent savoir que les apparentes différences entre les religions sont dues aux altérations et à la corruption qui s’y sont glissées par des vices de traduction et de pratique, des explications erronées et des erreurs d’interprétation.

« Ils ont été enjoints de servir Dieu et de ne pas en adorer d’autre que Lui, de faire leurs prières et de payer leur aumône. Cela est la vraie foi. »

T.C., Sourate 98, (Le Signe Evident), verset 6.

Le Prophète Mouhamed a résumé les liens entre lui et les autres prophètes dans la parabole suivante : « La comparaison entre moi et les prophètes qui m’ont précédé est semblable à celle d’un groupe d’ouvriers qui ont participé à la construction d’une maison et l’ont achevée en y laissant une place vide pour une seule pierre ou une seule brique. Des passants en admiration dirent avec étonnement si seulement il n’y avait pas cette brique qui manque. Je suis cette brique et je suis le dernier et le sceau des prophètes. » (Sahih Bukhari, p 16.) Il ne prétend pas être la maison entière, car il dit : « J’en suis une seule brique. » Les missions de tous les prophètes y ont été intégrées. Ainsi, Mouhamed est venu achever, non réfuter ou contredire, les messages de ses frères prophètes venus avant lui.

Mouhamed explique que le but de sa mission est d’apporter la paix, et ceci signifie la trêve entre adversaires qui se battent. Dieu s’adresse à lui :

« Nous t’avons envoyé uniquement par clémence pour l’humanité. »

T.C., Sourate 21, (Les Prophètes), Verset 107.

La clémence n’existe qu’entre frères qui s’aiment. Dans le cadre de sa vocation, Mouhamed a voulu qu’un dialogue libre et fraternel s’établisse entre toutes les religions pour que des liens d’amour se nouent entre elles et que les peuples de la terre soient heureux avant de parvenir au paradis céleste. Il a prêché que toutes les religions n’en font qu’une. Car :

« Il n’y a pas de nation qui n’ait été instruite par un apôtre (c’est à dire qui n’ait eu son instructeur céleste). »

T.C., Sourate 35, (Les Anges), Verset 24.

Il a également considéré que tous les prophètes sont frères et ont à l’origine une foi unique, mais des lois et des canons religieux différents. Quand on lui raconta que les Juifs célébraient le dixième jour du mois de Muharram (le premier mois du calendrier des Musulmans) en jeûnant et remerciant Dieu d’avoir délivré ce jour Moïse du joug du Pharaon, Mouhamed dit aux Juifs : « Nous sommes plus attachés à Moïse que vous. Si je vis ce jour l’an prochain, je jeûnerai ce jour et le jour avant, c’est à dire le neuvième et le dixième jour. » (Sahih Muslim, p.133)

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Réponse au Dr Abdallah

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