La quarantaine épanouie et résolument émancipatrice, connu pour sa capacité d’écoute, son ouverture d’esprit et ses conseils avisés, l’imam Alyas Karmani, ce confident bienveillant et briseur de tabous dans l’âme, est désormais consulté par un nombre croissant de ses coreligionnaires britanniques qui n’hésitent plus à se tourner vers lui pour dévoiler leurs tourments les plus intimes et s’épancher sur la délicate question, entourée d’interdits et de non-dits, de leur vie sexuelle.
S’il y a bien une parole que s’emploie à libérer ce dignitaire religieux progressiste, diplômé en psychologie et auteur d’un doctorat sur les « crises de la masculinité et violence masculine urbaine », mué en « Sex Doctor » dans le cadre d’une émission radiophonique battant des records d’audience sur la BBC, c’est celle qui met des mots sur de profonds dilemmes, préoccupations, ou encore pulsions, voire passions, refoulés et tus la plupart du temps, à la lumière des prescriptions coraniques et des enseignements tirés des Hadiths.
Ignorant les jugements à l’emporte-pièce qui désapprouvent sa démarche qualifiée de « haram » car jugée très « impudique », Alyas Karmani, bien que parfaitement conscient de l’extrême difficulté d’aborder la sexualité avec une communauté qui la « relie explicitement et souvent exclusivement à la procréation », selon ses propres termes, est toutefois encouragé à briser la chape de plomb du silence au vu de sa notoriété grandissante et des sollicitations qui affluent de la part de couples ou de célibataires de confession musulmane, jeunes et moins jeunes.
Avec la franchise qui le caractérise, celui-ci se plaît à répéter que la vocation essentielle d’un imam est « de remplir une fonction pastorale à 80% et de diriger la prière à 20% », déplorant que « la majorité des imams en Grande-Bretagne fasse l’inverse », tout en étant le premier à lever le voile sur ses propres tiraillements et émois de l’adolescence, passée à Tooting dans la banlieue sud de Londres, quand il ne fallait surtout pas « être vu avec une fille et parler de ses sentiments, et encore moins d’une sexualité naissante ».
« Mes coreligionnaires britanniques sont dans un état de déni sexuel », se désole-t-il à voix haute, espérant provoquer un électrochoc, sain et profitable, auprès de l’ensemble de ses concitoyens musulmans, et notamment des fidèles de la mosquée de Bradford qui viennent nombreux écouter religieusement ses sermons du vendredi.
Parmi ses rencontres marquantes, l’imam Karmani se souvient notamment de son entretien avec un étudiant de 23 ans prénommé Gabriel qui l’interrogeait, très inquiet, sur la licéité de la masturbation. Après l’avoir réconforté sur ce point en lui répondant que « c’est un comportement assez normal », le jeune homme, qu’il décrit comme soulagé, lui a lors confié qu’il « était convaincu que c’était haram à 100% ».
Désireux que les musulmans sortent enfin du carcan de la honte pour affronter leur sexualité sereinement et avec maturité, débarrassés des préjugés sclérosants et infantilisants, Alyas Karmani déclare au sujet de la gent féminine que « l’islam lui a donné le droit à l’orgasme il y a 1 400 ans, et qu’une épouse, non satisfaite sexuellement, a un motif raisonnable pour divorcer ».
L’imam qui se double d’un « Sex Doctor » de plus en plus prisé, dont on s’arrache les précieux avis, en privé comme sur les ondes de la BBC, est peut-être en passe de relever son grand défi : « Les musulmans font partie intégrante de la société britannique, et ils doivent impérativement parvenir à un équilibre salutaire ».
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