B. Réalités du monde islamique (lire la première partie)
1. Une société sous-développée
Parlons d’abord des 43 Etats qui se considèrent musulmans. Le seul critère dont nous disposons objectivement est celui de l’adhésion volontaire à l’ISESCO. Les statistiques disponibles indiquent que la population du monde islamique s’élève à 700 millions d’habitants avec une moyenne de 16 millions par pays. Toutefois, 22 pays ont une population inférieure à cinq millions alors que la moyenne des Etats membres de l’ONU est supérieure à 30 millions d’où la balkanisation du monde islamique. Plus de 300 millions de musulmans résident dans des pays qui n’appartiennent ni à l’ISESCO, ni à l’Organisation de la Conférence Islamique. Le monde musulman représente plus du 1/5 de la population de la planète et du 1/3 de celle du Tiers-Monde. Sur le plan mondial, le monde musulman est le plus pauvre, le moins analphabétisé, le plus dépendant sur le plan alimentaire, dont le taux d’espérance de vie est le plus bas, qui investit le moins dans la recherche scientifique, qui publie le moins de livres par tête d’habitant, qui lit le moins, dont la créativité est une des plus faible, dont l’innovation est presque inéxistante, où la participation de la population est plus réduite, où l’abus des libertés publiques et des droits de l’homme est des plus flagrants, où la femme dispose de moins de liberté, où la corruption est la plus répandue, qui subit le plus de pertes humaines à cause de conflits internes car il est le plus divisé, qui souffre le plus des inégalités des rapports Nord-Sud, et qui fait face à la plus grande campagne organisée par les médias occidentaux contre ses valeurs culturelles et spirituelles. C’est aussi celui qui achète le plus d’armes par tête d’habitant et en même temps celui dont les dépôts à l’étranger son supérieurs à sa dette internationale. Voici toute une réalité crue qui devrait donner à réfléchir et à se préoccuper de l’avenir.
Comment peut-on se considérer comme musulman sur terre si l’on n’est même pas capable de suivre la première directive de Dieu telle qu’elle ressort du premier verset révélé du Coran ’Lis au nom de ton Seigneur…’ Peut-on dire qu’il y a une société musulmane si la majorité de ses membres ne sont pas en mesure d’accéder eux-mêmes directement au Livre Saint sans passer par des intermédiaires ? La grande force de l’Islam n’est-elle pas d’avoir supprimé tout clergé en laissant l’être humain en relation directe avec Dieu ? L’analphabétisme est-il la conséquence de manque de moyens pour l’éradiquer ou n’est-il que le reflet d’un manque de volonté politique ou de la crainte de ce qu’une société musulmane instruite pourrait apporter comme changements dans la gestion de la cité musulmane ?
Sur 540 Prix Nobel décernés depuis 1901 -en dépit de nos réserves sur le mode de son octroi et du choix de ses candidats, seuls trois musulmans en ont été récompensés (Abdus Salam, Anouar Sadate et Najib Mahfouz), soit 0,05% du nombre total des lauréats alors que le monde musulman compte plus de 20% de la population mondiale. Non seulement nous ne développons pas nos ressources humaines qui représentent aujourd’hui, et encore plus demain, le capital principal de la société, mais nous nous offrons même le luxe de retarder l’émancipation de la moitié de la population musulmane, soit plus de 500 millions d’êtres humains, par une politique anti-islamique à l’égard de la femme à laquelle la religion a donné tous les droits.
C’est un des problèmes les plus graves et les plus urgents auquel le monde musulman ne peut trop tarder à trouver une solution rapide et efficace.
2. Les aspects du sous-développement
La situation dans le monde musulman est caractérisée par plusieurs aspects du sous-développement qui se résument comme suit :
a) Absence de données économiques et socio-culturelles sur le monde islamique. Il est surprenant de constater à ce sujet que les meilleurs centres de documentation et de données se trouvent dans les pays industrialisés dont un plus grand nombre est financé par nos pays. Il est une autre réalité amère qui prouve la gravité de notre désintéressement vis-à-vis des affaires qui nous concernent et l’intérêt que les autres leur accordent réside dans le fait que c’est au Vatican qu’on doit la première estimation du nombre de musulmans dans le monde publiée au début des années 1980 à la suite d’un travail qui a mobilisé 600 personnes dans 200 pays et territoires et qui a nécessité un travail de 10 ans.
b) L’histoire de notre récent passé est encore colonisée, notre présent nous échappe en grande partie, et même notre futur est déjà hypothéqué par les études et les scénarios des autres sur lesquels nous nous fions, lorsque nous y avons accès, sans la moindre hésitation. Notre futur risquerait à ce moment là de n’être qu’une copie non-viable du passé des autres. La seule amère réalité à l’heure actuelle est que le monde musulman n’est pas maître de sa propre destinée et que son indépendance reste formelle sur beaucoup de plans. La véritable décolonisation est devant nous. Elle prendra plusieurs décennies.
Il est une autre constatation aussi amère que les précédentes et qui témoigne de notre absence dans la prise en main de notre destinée, c’est qu’il y a 1087 ans, un orientaliste anglais, W.C Blunt publiait à Londres un livre intitulé ’The future of Islam’, et ce n’est que 103 ans plus tard qu’un musulman du Pakistan, Ziauddin Sardar écrivait ’Islamic Futures’ publié également à Londres en 1985.
c) La grande crise dont souffre le monde islamique contemporain découle de l’absence d’une vision claire sur les actions futures des élites au pouvoir et l’inexistence d’une clairvoyance en raison de leur ignorance de la réalité et de ses différents courants d’une part, et de leur crainte et leur réserve vis-à-vis de toute action engagée par les couches de la société par peur de porter atteinte à leurs privilèges et de restreindre leur autorité et leur influence, d’autre part.
Il y a donc un mimétisme aveugle de tout ce qui est dicté par l’Occident, une obéissance totale aux ’conseils’ des services de renseignements étrangers et aux directives des conseillers des pays protecteurs qu’ils soient de l’Est ou de l’Ouest, l’absence totale de toute consultation populaire ou d’expressions collectives sur les aspirations de la société et l’inexistence de toute participation effective à l’élaboration des programmes d’actions destinés à relever les défis, réaliser les objectifs possibles et réalisables et à édifier un Etat de Droit. En effet, les élites au pouvoir ne sont préoccupés que par les mouvements de l’opposition croyant que toute inattention serait à l’origine de leur éloignement du pouvoir. Mais quand il s’agit de résoudre les problèmes de leurs sociétés, c’est alors l’improvisation totale avec des moyens de bord évitant ainsi toute vision globale et à long terme du futur estimant que tout changement qui pourrait intervenir sera résolu en son temps et qu’elles seraient les premières à l’entrevoir.
d) Le taux très élevé des analphabètes : les taux d’analphabétisme dans le monde islamique sont les plus élevés dans le monde et dépassent 80% dans certains pays islamiques et rares sont ceux qui y disposent d’un taux d’analphabétisme au-dessous de 50%. A cette situation grave s’ajoutent l’inexistence de tout programme d’alphabétisation et l’apparition d’un nouveau genre d’analphabétisme au sein des alphabètes à savoir les lavages de cerveau et leur ignorance totale de tout ce qui se passe dans leur pays et leur environnement. Il n’y aura donc aucune perspective d’un avenir meilleur pour le monde musulman sans une lutte effective contre l’analphabétisme qui ne demande pas plus de cinq ans dans le cas d’une mobilisation des bonnes volontés et le déploiement de tous les efforts pour son éradication.
Dans une situation pareille, il est normal que les taux de scolarisation, la construction d’écoles, et d’universités, la formation de médecins et de pharmaciens, la construction d’hôpitaux, de bibliothèques et de maisons d’édition soient faibles.
e) L’absence de recherche scientifique
La recherche requiert un environnement scientifique, de solides bases éducationnelles et le droit à la libre expression des citoyens. Ces besoins sont indispensables pour l’innovation et la création -conditions essentielles pour toute recherche scientifique. Le monde islamique, malheureusement, n’accorde pas beaucoup d’intérêt à la recherche scientifique, et investit des sommes extrêmement faibles dans ce domaine. Ceci est vrai pour l’ensemble du Tiers-Monde. Il en résulte une hémorragie permanente de cerveaux créateurs attirés, d’une part, par l’importance que l’Etranger leur accorde et les possibilités qu’il leur offre, et rebutés, d’autre part, par des sociétés qui bloquent tout épanouissement scientifique.
Je me permets de préciser à ce sujet, qu’il n’y aura aucune place pour la recherche scientifique, et partant, pour le progrès tant que les portes de l’Ijtihad (effort de réflexion et d’innovation dans le droit musulman) ne seront pas totalement ouvertes et qu’on n’aura pas formulé des conceptions modernes de l’Ijtihad -conceptions qui devront sauvegarder à l’Islam sa pure essence, et se débarrasser des obstacles et des entraves dressées par la réaction et qui ont enchaîné la communauté musulmane en l’emprisonnant dans le sous-développement et en la maintenant dans la décadence. Parallèlement à cela, il est nécessaire qu’une véritable pluralité politique soit instaurée et que le droit à la différence et à la multiplicité des opinions librement exprimées devienne une réalité tangible.
f) Une crise des valeurs socio-culturelles de plus en plus aiguë
La vaste majorité de nos responsables jouissent de peu de crédibilité. Leurs politiques au niveau de l’économie nationale sont entachées de népotisme, d’indifférence et de grandes carences administratives. Le transfert de montants exorbitants à l’étranger est devenu chose légitime que les accapareurs utilisent pour assurer de loin, la permanence de leur influence à l’intérieur et protéger leur avenir contre les changements imprévus qui pourraient les surprendre. Cette panoplie peut être complétée par le trafic d’influence, l’injustice sociale, l’effondrement au sein des sociétés musulmanes de l’ordre des valeurs morales.
g) Des modèles de développement importés inadaptés
Nos plans de développement ont pour point de départ l’imitation aveugle de l’Occident, ainsi que la dépendance à son égard en matière d’assistance. Il est regrettable de constater chez les planificateurs dans le monde musulman des conceptions de développement qui marginalisent le rôle de la science et de la technologie. Le développement n’est pas un programme visant seulement à répartir le revenu et assurer les services, mais le développement c’est surtout la science quand elle devient culture, comme l’a si bien fait observer René Maheu, l’ancien directeur général de l’UNESCO.
h) L’absence de l’Etat de Droit et des libertés publiques
Les pays musulmans, dans leur ensemble, sont caractérisés par la tyrannie et l’accaparement du pouvoir. L’opinion est muselée et la personne humaine étouffée. Comment voulez-vous disposer d’un climat propice au développement de la recherche scientifique nécessaire au progrès, et à l’édification de la civilisation dans un tel environnement chargé de répression, d’atteintes aux libertés, et d’insulte à la dignité ? Le droit à la liberté d’expression, d’innovation, de création, le droit à différence et à la liberté de diffusion des idées ne saurait être assuré que grâce au respect des droits de l’homme et au règne de l’Etat de Droit.
i) La médiocrité de la situation réservée à la femme dont on ne reconnaît pas le droit important et essentiel à l’édification de la société. Ce faisant nous nous sommes condamnés à paralyser la moitié de la société dans son droit à l’épanouissement et nous avons ainsi commis le crime d’immobiliser les énergies et les cerveaux de plus de 500 millions d’âmes. Le sous-développement qui règne aujourd’hui dans la société musulmane a, pour une grosse part, pour origine la marginalisation du rôle de la femme. Puisque nous parlons de l’Islam et de son avenir, nous devons préciser qu’il est honteux que certains ignorants continuent à véhiculer des mensonges concernant la femme et qui remontent à une époque révolue qui fut caractérisée par la faiblesse, l’indolence et par des luttes interminables pour le pouvoir.
N’étant pas un spécialiste de la science islamique, je me suis renseigné auprès de gens compétents en la matière sur le statut de la femme en Islam. Ils m’ont affirmé que de nombreux falsificateurs et imposteurs ont forgé des textes de hadith que certains ’doctes’ répètent jusqu’à nos jours défigurant ainsi le vrai visage de l’Islam et faisant obstacle par ces contrefaçons à l’avènement d’un avenir prospère de leur société.
Parmi ces mensonges, citons celui qui conseille de consulter les femmes, mais de ne pas faire cas de cette consultation. Les spécialistes de la science du hadith affirment que ce soi-disant propos attribué au prophète n’est qu’un pur mensonge. Un autre hadith forgé pour la circonstance et qui a été répandu par les tyrans et les faux savants qui voulaient tenir en laisse les énergies de la communauté musulmane prétend que la fille du prophète a consulté son père pour savoir ce qui conviendrait le mieux à la femme et que le prophète aurait répondu ceci, ’qu’elle ne voit aucun homme et qu’aucun homme ne la voie !’.
Il s’agit là d’un hadith fictif, forgé de toutes pièces, comme disent les spécialistes et qui ne saurait nullement être attribué au prophète, surtout qu’il est en contradiction flagrante avec les textes coraniques.
En nous référant aux ouvrages spécialisés du hadith et aux hommes de la science de la Tradition, nous remarquerons qu’un nombre important de femmes étaient des juristes du droit musulman, des transmetteuses de hadith, des combattantes de la foi ayant participé au Jihad, et assumé d’autres fonctions aux côtés des hommes. Nous pouvons en citer à titre d’exemple : Karima bint Ahmed de Merw, qui pouvait réciter tout le corpus du ’Sahih d’Al Boukhari’ et qui reçut pour sa connaissance par cœur de ce corpus les louanges du commentateur de Al Boukhari, Hafidh Ibn Hajar d’Askalon qui l’a citée dans son ouvrage ’al Fath
al Bari’.
Je ne voudrais pas trop insister sur ce sujet, mais je souhaiterais cependant que les éminents savants présents ici puissent éclairer l’assistance sur les traditions prophétiques qui appellent à honorer la femme, à la considérer comme l’émule de l’homme aussi bien dans les choses de la religion que dans les rapports de la vie matérielle.
La preuve de la marginalisation de la femme, c’est sa quasi absence dans ce colloque. Je n’ai pas arrêté d’insister auprès des organisateurs de cette manifestation pour que la femme y soit qualitativement et quantitativement bien représentée, car notre sujet concerne l’avenir de l’ensemble de la communauté islamique. La vision de l’avenir est une tradition en Islam. Le prophète, avant sa mort, au cours du pélerinage de l’Adieu, adressa ses conseils à la communauté en ces termes : ’Je vous recommande de traiter convenablement les femmes’. Est-il donc convenable de maintenir la femme dans l’ignorance, de minimiser son rôle, et mieux encore, d’essayer de l’éliminer presque totalement de la vie publique quotidienne. De quel droit ?
J’attire l’attention des grands savants ici présents, en proclamant tout haut qu’aucun espoir n’est possible pour les sociétés musulmanes sans la participation positive de la femme à qui la religion a assuré tous ses droits. Le problème est beaucoup plus d’ordre socio-culturel que religieux. Il devrait être la priorité de nos priorités, au cas où nous voudrions sérieusement assurer l’avenir de la communauté de l’Islam, l’épanouissement de toutes nos énergies et l’encouragement de nos initiatives pour la compréhension des problèmes actuels et futurs. Il est à souligner que la situation de la femme est encore assez mauvaise dans l’ensemble du monde. Le statut de la femme dans les pays sous-développés est à la fois un indicateur est une preuve du lien intime qui existe entre le développement économique et socio-culturel, d’une part, et la sauvegarde des droits et de la dignité de la personne humaine, d’autre part. Au sein du Tiers-Monde et du monde islamique, c’est le monde arabe comme je l’ai souligné plus haut qui est le plus sous-développé dans les domaines de l’alphabétisation, de l’enseignement et de la recherche scientifique.
La question du statut de la femme dans la société musulmane, et plus particulièrement dans le monde arabe, pose des défis certains qui nécessitent des analyses sociales sérieuses, une autocritique ferme et un ’Ijtihad’ (recherche) hardi. Nous devons revenir à la source afin de réviser, à partir d’une nouvelle lecture du Coran, nos réflexions et en comprendre sans ambiguité les finalités, les objectifs et les priorités qui en découlent afin de pouvoir trouver, à court et à moyen terme, les solutions efficaces aux problèmes de plus en plus aigus du fait de l’accélération de l’histoire.
Je suis convaincu que le problème de la femme dans le monde musulman est un des plus importants que nous affrontons à l’heure actuelle. Nous nous devons de lui trouver des solutions rapides avec la participation des forces vives de nos sociétés et sans poser pour cela à la femme, l’égale de l’homme, une quelconque condition préalable.
3. Problèmes nécessitant une solution urgente
a) Problèmes des minorités islamiques :
Il existe des minorités islamiques qui luttent pour leur survie à l’intérieur de groupements hégémoniques. Ce sont soit des populations qui sont restées fermement sur place après la chute de la civilisation islamique et la disparition du soutien de l’Islam, soit des groupements humains ayant émigré pour gagner leur pain quotidien lorsque l’émigration hors des patries est devenue moins pénible pour ces minorités que de se retrouver étrangères dans leur propre pays.
Parmi ces minorités, citons les ouvriers ayant émigré en Europe occidentale, les populations musulmanes des Etats asiatiques de l’URSS, les millions de musulmans de l’Inde, de la Chine et des Philippines. Si réellement nous aspirons à un avenir de progrès pour le monde islamique, nous devons réfléchir sérieusement au sort et à l’avenir de ces minorités et oeuvrer pour les protéger afin qu’elles puissent ne pas se fondre dans la masse de la majorité et perdre ainsi leur identité.
b) La cause palestinienne :
Il s’agit d’une question stratégique à l’intérieur du monde islamique. Libérer la Palestine de l’emprise sioniste est une obligation plus que nécessaire. Préparer nos forces sous toutes leurs formes est inévitable, si nous voulons réellement libérer ce territoire. Je ne pense pas que la voie dite ’diplomatique’ du style ’Camp David’ permettra de chasser l’occupant . Les israéliens sèment l’effroi et pratiquent l’oppression dans les rangs du peuple de Palestine, particulièrement à Jérusalem et sur les ’territoires occupés’.
Israël a peur de l’avenir et ses dirigeants actuels semblent avoir opté pour des solutions dures visant à priver de leurs moyens de défense, tout Etat arabe de la région qui pourrait remettre en question la suprématie militaire d’Israël, tout en continuant leurs programmes d’expropriation et d’anéantissement des Palestiniens propriétaires légitimes de leurs terres. Israël bénéficie d’un soutien inconditionnel de l’Occident qui rend toute solution pacifique honorable fort difficile. Israël développe, avec l’aide des Etats Unis et d’autres pays industrialisés, sa maîtrise des sciences atomiques et ceux de l’espace, parallèlement à notre propre défaillance dans ces domaines, alors que le monde islamique dispose de 45% des réserves en uranium dans le monde et de milliers de ’cerveaux immigrés’ dans ces secteurs.
III. Les perspectives
Ce qui semble caractériser l’ordre mondial actuel, c’est le déséquilibre qui existe entre le Nord et le Sud : moins de 20% des populations du globe possèdent plus de 80% des richesses matérielles qui s’y trouvent. C’est là une véritable injustice à l’égard des faibles qui ne pourra pas durer éternellement. En plus de cela, le modèle de développement industriel adopté par l’Occident ne saurait à son tour se perpétuer indépendamment de la situation du Tiers-Monde. Le Nord sera obligé de baisser son utilisation de l’énergie d’environ 20% au cours des 10 ou 15 prochaines années, car sa dilapidation de l’environnement vital (sur-utilisation de la biosphère) atteint aujourd’hui 40% et il s’agit là de la survie même de l’Humanité et de la Planète.
Bien que la session extraordinaire de l’Assemblée Générale de l’ONU sur le développement ait adopté récemment une résolution pour l’assistance au développement, n’oublions pas que la politique de l’aide a déjà prouvé son peu d’efficacité et son inutilité ainsi que ses méfaits à la lumière d’une expérience qui dure depuis plus de trente ans.
Il y a toute une série de questions qui mériteraient un examen approfondi dans le cadre de nos préoccupations prospectives telles que : l’hypocrisie internationale qui ne cesse de croître et dont sont complices des instances gouvernementales au Nord comme au Sud ; l’absence de coopération Sud-Sud dont une des conséquences est l’augmentation de la dépendance du Sud à l’égard du Nord ; et le rôle des musulmans dans les études prospectives.
Je me suis contenté d’un bref exposé des défis les plus graves auxquels la Communauté islamique devra faire face en ce qui concerne son devenir, en présentant à la fin de cette étude (voir annexe) des données statistiques sur le monde islamique. La lecture de celles-ci est véritablement édifiante et dégage, pour celui qui voudra approfondir ce sujet, les genres de défis et de transformations importantes dont nous subirons passivement les conséquences si nous n’agissons pas tout de suite pour y faire face avec sérieux.
La population du monde musulman dépasse un milliard d’êtres humains (dans les tableaux ci-dessous nous avons utilisé les chiffres minima). Le nombre de musulmans atteindrait entre 1.635.000.000 et 1.850.000.000 d’âmes en l’an 2020 et représenterait ainsi plus du cinquième du total de la population mondiale. Je souhaiterai maintenant, à la lumière de ces données, attirer l’attention sur deux importantes questions :
1. Le nombre des musulmans est en constante augmentation. Ceci inquiète l’Occident et les gens du Vatican qui surveillent de près cette évolution, car le nombre des musulmans a dépassé celui des catholiques. Afin de prendre conscience du poids de ce facteur démographique et comprendre pourquoi il dérange nous nous bornerons à trois données statistiques :
i) La population du monde musulman est égale, sinon supérieure, à ce qu’était le total de la population mondiale en 1830.
ii) Dans trente ans le nombre des musulmans sera égal à ce qu’était la population mondiale totale au début de ce siècle.
iii) Selon des statistiques de source occidentale (1) , en 1980, les adeptes du courant spirituel judéo-chrétien représentaient 31% et celui de l’Islam 18%. En l’an 2025, le taux du premier passera à 25% alors que celui de l’Islam s’élèvera à 31%. Les projections des mêmes sources pour la fin du XXIème siècle indiquent que le taux du courant judéo-chrétien sera de moins de
20%, alors que celui de l’Islam atteindra plus de 40%. A ce rythme, dans 4 ou 5 générations les musulmans représenteront près de la moitié de la population mondiale.
2. Les taux importants du 3ème âge en Occident : ce qui amènera l’Occident dans les 10 prochaines années, pour combattre la vieillesse démographique, à faire appel à un nombre croissant de migrants spécialement parmi les esprits créatifs et innovateurs, afin de conserver le niveau de son développement économique. Ce qui effraie davantage encore l’Occident c’est la jeunesse du monde musulman. Cette jeunesse est un acquis non durable qu’il faudra savoir fructifier d’une manière positive.
IV. Conclusion
Notre crise est, avant tout, une crise née d’une absence de vision de la part d’une classe dirigeante qui ne sait pas faire appel aux compétences et aux pensées éclairées dont nos pays disposent. Bon nombre de ces élites sont marginalisées ou devenues culturellement aliénées dans leur propre pays. Elles sont parfois forcées de s’imposer des formes d’autocensure quand elles ne sont pas récupérées par les gouvernements en place.
Cette crise est également spirituelle et morale, née de la méfiance à l’égard de certaines valeurs contradictoires entre un ordre statique ne sachant pas comment évoluer pour faire face aux défis nouveaux, d’une part, et un ordre de valeurs importées et non adaptées aux réalités de nos sociétés. C’est peut-être ce qui explique la désorientation de nos jeunes et ce qui nourrit leur méfiance à l’égard de nos générations.
Il existe, en somme, chez nous, un grand vide que tentent de combler de nombreux courants non musulmans. Citons entre autres, cette nouvelle secte dénommée ’francophonie’ actuellement prêchée dans les pays du Maghreb et qui vise à effacer notre langue et notre culture pour nous imposer une langue qui n’est parlée que par 4% de la population mondiale.
Cette situation nous dicte de prendre les devants pour remédier à notre présent et réfléchir sérieusement à notre avenir. La nature, comme on dit, a horreur du vide. Le même phénomène s’applique au monde musulman de l’Est et de l’Ouest. Notre vide est celui de la connaissance, de la science, de la créativité et de la liberté. Les solutions résident dans la mobilisation de toutes les valeurs islamiques dynamiques capables de combler ce vide humain.
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