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Eton veut présenter des excuses publiques à Dillibe Onyeama, un ancien élève victime du racisme à la fin des années 60

De l’eau a coulé sous les ponts depuis que l’auteur et éditeur nigérian, Dillibe Onyeama, est sorti d’Eton College, l’école prestigieuse et non moins arrogante de l’élite anglaise, diplômé et auréolé de son titre de gloire – le premier Noir à y avoir terminé son cursus scolaire – mais pas totalement indemne… C’était il y a cinquante-et-un ans de cela, en 1969 précisément.

Trois ans après avoir franchi, sans se retourner, la porte cossue de l’un des fleurons de l’enseignement britannique, fondé par Henri VI en 1440, le jeune homme de 21 ans qu’il était alors révélait au grand jour un talent d’écrivain. Un talent indéniable qui lui a valu des compliments flatteurs, mais aussi et surtout de très fortes inimitiés et la fureur de Michael McCrum, le directeur de l’époque, ainsi que de la caste des nantis dont la progéniture y était scolarisée de père en fils, parfois sur plusieurs générations.

Dire que son ouvrage au vitriol « Nigger at Eton » paru en 1972, où il apparaît cloué sur la croix sur la couverture, et dans lequel il dénonçait le racisme ordinaire des hautes sphères, derrière les murs épais de la plus célèbre des « public schools », provoqua de violents remous sur la rive nord de la Tamise, est un euphémisme…

Pour avoir exprimé une vérité très dérangeante, et grandement offensé cette institution intouchable, ses vénérables sages, la famille royale et des hommes d’Etat britanniques, la sanction tomba aussitôt comme un couperet : il y était désormais persona non grata, marqué au fer rouge de l’indésirabilité.

Inscrit à Eton dès sa naissance, en 1951, par son père Charles Dadi Umeha, juge à la Cour suprême du Nigéria et à la Cour internationale de Justice, Dillibe Onyeama ne s’attendait certes pas à ce qu’on lui tressât des lauriers pour avoir courageusement dévoilé ses quatre années de scolarité douloureuse, faites d’humiliations, de railleries et d’insultes à caractère raciste. Dans les enceintes feutrées de l’internat pour garçons le plus huppé du royaume, le racisme anti-Noirs, lui, n’usait pas de mots feutrés pour faire mal, pour rabaisser, pour mortifier, pour déshumaniser.

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« Pourquoi es-tu noir, toi et les tiens ? Combien d’asticots grouillent-ils dans tes cheveux ? Ta mère porte-t-elle un os dans le nez ?», a relaté Dillibe Onyeama dans son livre, en faisant part de sa souffrance face à ce harcèlement quotidien systématique qui alla crescendo au fil des mois, lui devenant à ce point insupportable qu’il le poussait à réagir en montrant les poings.

« Quand j’obtenais de bonnes notes, ils se déchaînaient encore plus contre moi. On m’accusait alors d’avoir triché, en me narguant ou en m’injuriant », a-t-il raconté péniblement, avant de confier sa profonde détresse : « J’ai acquis une réputation de violence. Une fois, je me suis même fracturé la main en frappant un de mes harceleurs. C’était une institution raciste ».

Un demi-siècle s’est écoulé, et il aura fallu que l’indignation s’empare du Royaume-Uni, après le supplice insoutenable infligé au défunt George Floyd, écrasé sous le genou de l’oppression policière la plus effroyable, pour que Dillibe Onyeama, le paria d’Eton College, se voit dérouler le tapis rouge par son nouveau directeur, Simon Henderson. Celui-ci, qui s’est dit « absolument consterné» par sa scolarité cauchemardesque, aspire à présent à lui présenter des excuses publiques pour les abus racistes inqualifiables qu’il y a subis. Il a annoncé mardi qu’il s’apprêtait à l’inviter.

« Nous avons fait des progrès importants depuis que M.Onyeama était à Eton. Cependant, nous devons avoir l’humilité institutionnelle et personnelle de reconnaître que nous avons encore beaucoup à faire », a-t-il concédé dans un communiqué. Et de poursuivre : « J’inviterai prochainement M.Onyeama afin de lui présenter des excuses, au nom de l’école que je dirige, et pour lui dire qu’il sera toujours le bienvenu à Eton. Le racisme n’a pas sa place dans une société civilisée ».

La réaction de Dillibe Onyeama était très attendue. On ignore encore s’il acceptera, à 69 ans,  l’invitation à revenir sur les lieux de son calvaire, et à contempler à nouveau le château de Windsor qui se dresse fièrement face à eux. Il a sobrement déclaré : « Même si, aujourd’hui, les excuses ne sont plus nécessaires, elles obligent toutefois à reconnaître que les préjugés fondés sur la couleur ou la race déshumanisent leurs victimes d’une manière encore plus terrible que les formes ordinaires de préjugés ».

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Un commentaire

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  1. Le racisme britannique était presque tolérable en regard de apartheid américain à la même époque. Au début des années 60, cet apartheid était imposé par la loi! On allait en prison pour avoir participé à des festivités organisées par des noirs. Comprenez que même les blancs étaient arrêtés au motif d’absence de racisme. On doit à JFK la suppression de ces lois surréalistes, que ce dernier a d’ailleurs hésité à abroger.
    En Angleterre, tout comme en France, le racisme était le fait des citoyens, pas de l’état, du moins, officiellement. Ca fait une sacrée différence.
    Enfin, s’agissant du racisme ordinaire, les choses n’ont guère progressé. D’autant moins que les théories qui dénoncent le racialisme prônent désormais l’apartheid.

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