Avec l’arrivée des islamo-conservateurs au pouvoir en 2002, les écoles coraniques pour filles ont essaimé. Sabiha Çimen a pu pénétrer ce monde très fermé. Un reportage récompensé du World Press Photo en 2020.
Entre deux cours de religion, des jeunes filles en tenue islamique jouent à la marelle, chantent, échangent des confidences et font du manège. Des moments de détente bien nécessaires face à la lourde responsabilité qui leur incombe. Scolarisées loin de leurs familles dans des internats coraniques, ces jeunes Turques ont entrepris d’apprendre par cœur et de réciter les 6 236 versets en arabe du Coran, dont elles ambitionnent de devenir les « gardiennes » (hafiz). Agées de 8 à 17 ans, elles vont consacrer trois ou quatre années de leur vie pour atteindre cet objectif.
Répétition, mémorisation, psalmodies vont occuper l’essentiel de leurs journées, depuis 5 heures du matin, pour la première prière, jusqu’à 21 heures. « Un exercice qui demande discipline, dévotion et concentration », explique Sabiha Çimen, qui a saisi les images des futures « gardiennes » du Coran pendant leurs loisirs. Les internats qu’elle a visités, dans cinq villes d’Anatolie, ne se laissent pas facilement pénétrer par les photographes. Mais Sabiha Çimen, 35 ans, y a ses entrées.
Emotion lors de l’examen final
Les internats coraniques pour filles n’ont pas de secrets pour cette native d’Istanbul. « Quand j’avais 12 ans, j’ai étudié pendant trois ans dans une école coranique avec ma sœur jumelle, raconte-t-elle. C’est un cercle étroit, un milieu que je connais bien, car mes sœurs aînées aussi sont des hafiz. » En montrant « les moments de rêves et de hardiesse » de ces jeunes élèves, leur complicité, la photographe espère contribuer à mieux faire connaître la culture islamique, « souvent mal comprise dans les pays occidentaux ».
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