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 “Pour en finir avec Dieu“ de Richard Dawkins: culte des amalgames et gageure intellectuelle

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Introduction

Cet article est né d’une prise de conscience sur la gravité des idées contenues dans le livre « Pour en finir avec Dieu » de Richard Dawkins1, biologiste, éthologiste et théoricien de l’évolution britannique. Ce livre qui est paru en 2006 a été vendu à plus de deux millions d’exemplaires et traduit en trente et une langues.

Les idées contenues dans ce livre sont graves et controversées pour trois raisons principales : la première raison est que ces idées sont apologétiques et non scientifiques. La seconde raison a trait au fait que Dawkins lance ses arguments sans citer ceux de ses adversaires potentiels qui sont les croyants et les religieux. La dernière raison que ma lecture de ce livre a permis de révéler est la propension de l’auteur à s’adonner à un culte de l’amalgame. L’un des amalgames les plus visibles et les plus rédhibitoires est celui qui conjugue l’incroyance et la religion. En un mot, il existe pour lui une religion incroyante qui est celle des scientifiques. A vrai dire, cette religion est paradoxalement celle des athées comme Dawkins lui-même. Avant d’aborder clairement l’ensemble des amalgames cultivés par ce dernier, écrivons d’abord quelques mots sur l’aspect apologétique et non objectif de ses propos.

La propension apologétique et essentialiste de l’athéisme de Dawkins

En revenant aux deux premières autres raisons (la propension apologétique de l’auteur et l’occultation des arguments des croyants), elles sont reflétées dans les premières pages du livre : selon lui, « l’hypothèse Dieu » est une hypothèse scientifique sur l’univers, et qu’il faut l’analyser avec le même scepticisme que n’importe quelle autre. Si cela est vrai, pourquoi alors la théorie de l’évolution n’est pas considérée elle aussi comme une simple hypothèse scientifique qu’on pourrait tester et même réfuter. Il se passe aujourd’hui comme si cette théorie n’est plus considérée comme une théorie scientifique.

Elle est devenue une « religion » à part entière impossible à critiquer. Parler de la théorie de l’évolution est presque rédhibitoire aujourd’hui. On retourne donc l’argument de Dawkins contre lui-même : il faudrait alors accepter des critiques contre la théorie de l’évolution avant de considérer Dieu comme une simple hypothèse.

J’ai déjà écrit un article sur les anomalies scientifiques de la théorie de l’évolution en s’inspirant de la vision du philosophe Thomas Kuhn2.

Si la théorie contient des anomalies, alors celle-ci devrait céder la place à une autre théorie, surtout si ces anomalies engendrent une crise. Même si la théorie de l’évolution devient une science normale, des anomales dans cette théorie pourraient donner lieu à une nouvelle science normale. Or, de nombreux scientifiques et même des institutions universitaires n’entendent pas les choses ainsi.

Sur un plan strictement scientifique, lorsque Dawkins cite la définition de Phillip Johnson « Le darwinisme est l’histoire de la libération de l’humanité de l’illusion que sa destinée est contrôlée par une puissance supérieure à elle », il tombe dans son propre piège : est-ce qu’une telle mission ou un tel objectif peuvent être considérés comme « scientifiques ». Rien n’est plus douteux. La science ne vise nullement à prouver que Dieu n’existe pas. Elle cherche à expliquer le monde de manière aussi précise que possible. Expliquer les phénomènes du monde naturel ou du monde physique et vivant n’a rien à voir avec des conjectures sur l’inexistence d’une puissance supérieure à la nature. En aspirant à atteindre un tel objectif, le scientifique quitte le cadre d’action de la science, il trahit sa finalité. En revanche, la théorie du « Dessein intelligent » peut être considérée comme scientifique parce qu’elle explique pourquoi les paramètres de la physique possèdent des valeurs précises.

Sur un autre plan, Dawkins parle du caractère marginal ou du faible poids des athées en citant l’exemple des Etats-Unis. Selon lui, il semble triste de ne pas voir un puissant lobby d’athées exercer son influence dans la politique et dans les affaires scientifiques à l’instar du lobby des Juifs pro-israéliens ou du lobby des évangélistes. Mais en réalité, les athées sont assez influents en Europe et dans une grande partie des Etats-Unis sauf au sud de ce pays. Certes, leur nombre est pratiquement insignifiant dans le monde musulman. Cependant, dans les milieux académiques et universitaires occidentaux, les athées tendent à influencer les programmes d’études et les projets de recherches, alors que les scientifiques croyants ne peuvent même pas écrire un article qui parle de l’existence d’un Dessein intelligent sans qu’ils ne se fassent taxer de non-scientifiques.

Je dois dire que les athées utilisent parfois des paradigmes ou des phrases de dimension essentialiste. C’est-à-dire qu’ils se fixent eux-mêmes leurs buts indépendamment du contexte ou de la signification précises de leurs affirmations sensées être scientifiques.

Voyons un exemple : Dawkins évoque les propos de Robert M. Prisig «Quand une personne souffre d’une illusion, on appelle cela de la folie. Quand beaucoup de gens souffrent d’une illusion., on appelle cela de la religion3 ». Ainsi, Prisig vise directement la religion en la qualifiant d’illusion collective. Se faisant, il parle de psychiatrie ou de questions d’ordre psychologique.

Or, il n’y a strictement rien à voir entre ces questions et la définition de la religion. Ces sont là des affirmations essentialistes mais aussi infalsifiables et donc non-scientifiques. Comment prouver que la religion est une illusion collective alors que bon nombre d’inventions humaines existent uniquement dans l’esprit comme les Etats, l’argent et les marques d’entreprises. Certaines choses se manifestent uniquement dans notre esprit, ce qui confère à ces choses une signification en raison des affections, des croyances et des convictions qui les entourent. C’est ce que j’ai retenu du livre de Harari Sapiens4. Alors que des pans entiers de notre civilisation sont des croyances pour éviter de dire « illusions », alors la religion, même si celle-ci est une croyance, elle marque néanmoins collectivement et individuellement les esprits.

L’amalgame entre l’incroyance et la religion

Ensuite, Dawkins entretient un amalgame suspicieux entre l’incroyance et la religion en prétendant qu’il existe une religion pour les non-croyants. « On observe souvent chez les scientifiques et les rationalistes une réaction quasi mystique devant la nature et l’univers sans lien avec la croyance au surnaturel5» disait-il. Il suggère même qu’un prêtre qu’il aurait connu dans sa jeunesse et qui avait choisi de devenir prêtre parce qu’enfant, il a été subjugué par le spectacle offert par un beau jardin aurait, selon lui, certainement changé de carrière en lisant le livre de Darwin, Origine des espèces et notamment son dernier passage «…Le résultat direct de cette guerre de la nature, qui se traduit pas la famine et la mort, est dans le fait le plus admirable que nous puissions concevoir, à savoir : la production des animaux supérieurs…..6 ».

Toutefois, un tel amalgame est vide de sens. Les scientifiques et les rationalistes, et j’évoque surtout les fondateurs de la science moderne, ont réellement réagi devant la nature, le natura rerum, non de manière mystique, chose difficile à définir lorsqu’on se penche sur la pensée de Dawkins et qui est tout aussi vague et incertaine, mais plutôt en étant animés d’une foi religieuse et d’une croyance en une transcendance divine.

Le philosophe et mathématicien, Alfred North Whitehead, dans son célèbre ouvrage Science and the Modern World (1926)7, considère la science comme un moyen de révéler l’œuvre du Divin dans les phénomènes de la Nature. La foi en l’existence d’un ordre de la Nature et dans la Raison, qui sont des dons du Créateur et qui peuvent affranchir l’esprit humain de l’arbitraire, sont, selon lui, les puissantes forces qui sont à l’origine de la science.

Dans son Harmonie Cosmique, l’astronome Kepler dit : « Je te remercie mon  Dieu, notre créateur, de m’avoir laissé voir la beauté de ta création et je me réjouis des œuvres de tes mains. Vois, j’ai achevé l’œuvre à laquelle je me suis senti appelé, j’ai fait valoir le talent que tu m’as donné ; j’ai annoncé aux hommes la splendeurde tes œuvres8». La nature profonde de la vérité scientifique pour Kepler n’est autre que la spiritualité. C’est autre chose qu’une simple survivance de la grande et puissante religiosité du Moyen âge.

Isaac Newton a intégré dans son œuvre scientifique l’espace et le temps absolus qui n’avaient aucune signification autre que métaphysique au centre desquels il avait vu Dieu. A défaut de tels concepts, sa mécanique céleste s’effondrait. Il a renoncé également à connaître la nature de la gravitation en tant qu’action à distance. Les difficultés intellectuelles engendrées par les concepts d’espace et de temps absolus ont amené Newton à « insérer un chapitre spécial – le fameux General Scholium– à la fin de ses Principia, dont voici un extrait : « Le Dieu suprême est un Être éternel et infini, omnipotent et omniscient ; sa durée va de l’éternité à l’éternité ; sa présence de l’infini à l’infini ; il gouverne toutes choses et connaît toutes choses qui sont ou peuvent être créées. Il n’est pas l’éternité ou l’infinité, mais il est éternel et infini ; il n’est pas la durée ou l’espace, mais il dure et il est présent ; il dure pour toujours et il est présent partout et, du fait qu’il existe toujours et partout, il constitue la durée et l’espace. Dieu ne subit rien du mouvement des corps, les corps n’éprouvent aucune résistance de la part de l’omniprésence de Dieu9 »

Le philosophe qui a très bien compris la nature du Divin qui est sous-jacente aux travaux scientifiques de Galilée et de Kepler est René Descartes. Après avoir acquis la certitude sur l’existence de Dieu dans sa troisième méditation, il ne trouve aucun autre moyen de distinguer la vérité de l’erreur hormis la bénédiction divine. « Aussi longtemps que je pense seulement à Dieu en dirigeant toute mon attention sur Lui, je ne peux discerner aucune cause à l’erreur et à la fausseté. Mais quand je me tourne à moi-même, je deviens conscient que je suis sujet à d’innombrables erreurs10».

Descartes ajoute que dès lors que l’existence de Dieu est prouvée (il donne d’ailleurs des preuves de son existence), toute une théorie de la connaissance serait ainsi bâtie. Dieu nous donne la capacité de connaître les choses du monde d’où notre certitude que ces choses existent.

Sa théorie du doute ne se situe pas en rupture avec l’existence de Dieu puisque ce dernier nous donne la faculté de corriger nos erreurs. Il est animé de la meilleure intention pour nous offrir la connaissance la plus nette et la plus claire possible du monde11.

Ce qui est étonnant avec Descartes c’est qu’il a perpétué la dualité entre l’esprit et la matière qui a été énoncée par les philosophies platoniciennes et aristotéliciennes depuis l’Antiquité malgré les difficultés engendrées par les relations entre les deux entités (comment un esprit immatériel puisse faire fonctionner et mouvoir des parties de mon corps mêmes si ces dernières sont purement matérielles). Cette démarche obéit à des croyances en des vérités éternelles et immuables divines. L’esprit et l’âme sont des attributs de Dieu et Descartes ne peut se permettre de les négliger. Pour Descartes, il y a trois substances, Dieu, l’esprit et la matière.

Par conséquent, lorsque les philosophes et les scientifiques sont confrontés aux phénomènes de la Nature, ils expriment des convictions de nature religieuse et plus précisément une croyance en une puissance transcendantale au monde qui n’est autre que Dieu. Je vois mal comment ils peuvent éprouver un sentiment mystique qui est en même temps un sentiment non religieux, voire athée. Quant aux scientifiques modernes, ils doivent éprouver la même chose, sauf qu’ils sont de plus en plus intimidés par les milieux athées et sont donc contraints de dissimuler leurs convictions.

Le passage énigmatique et pseudoscientifique de Dawkins sur l’évolution

S’agissant du prêtre que Dawkins a connu jeune et qu’il cite dans son livre, il spécule sur ce qu’il aurait choisi comme carrière s’il avait connu le livre de Darwin et notre auteur se plait à nous présenter la conclusion de l’Origine des espèces et plus particulièrement ce passage cité en haut qui fait référence aux animaux supérieurs et à la loi de l’évolution de Darwin.

Nous citerons le reste de ce passage afin de savoir ce que Dawkins veut vraiment nous dire. «…N’y a-t-il pas une véritable grandeur dans cette manière de présenter la vie, avec ses puissances diverses insufflées primitivement dans un petit nombre de formes, ou même dans une seule ? Or, tandis que notre planète, obéissant à la loi fixe de la gravitation, continue de tourner dans son orbite, une quantité de belles et naturelles formes, sorties d’un commencement si simple, n’ont pas cessé de se développer et se développent encore12 ».

Ce qui est étonnant avec cette référence de Dawkins à ce passage de l’Origine des espèces de Darwin c’est qu’il ne nous donne pas de détails et ne développe pas ses propres idées sur ce sujet. Il ne commente pas ce passage et laisse les pensées de Darwin s’exprimer d’elles-mêmes en voyant une portée poétique à ce passage. Il l’insère au début de son livre pour impressionner le lecteur.

Or, ce passage révèle des idées qui sont loin d’être évidentes sur le plan scientifique et méritent une analyse critique. Ce passage tiré du livre de Darwin reflète toute la vulgate des évolutionnistes à passer de la microévolution à la macroévolution et à défendre l’hypothèse de l’ancêtre commun des animaux et des plantes. Lorsque Darwin évoque les « animaux supérieurs », « le petit nombre de formes » et « le commencement simple », il fait référence à son hypothèse controversée sur l’ancêtre commun : l’observation de Darwin sur les oiseaux des Iles Galápagos qui sont des îles volcaniques et qui n’ont jamais été reliés à l’Amérique du Sud est à l’origine de cette hypothèse.

Le savant anglais a observé que les pinsons vivants dans les trois Iles sont
différents alors que les pinsons de l’Amérique du Sud sont une seule espèce. En
sachant que toute la faune et la flore de ces Iles y sont parvenues par voie de mer
(1000 km sépare l’Amérique du Sud de ces Iles), il conclut que l’ancêtre des
pinsons trouvés dans les trois Iles est l’oiseau vivant en Amérique du Sud13.

C’est à partir de cette inférence qu’il a établi sa loi sur l’ancêtre commun à toutes les espèces ainsi que son hypothèse inférentielle stipulant que
toute la vie sur terre ait commencé par une forme unique de vie14.
Or, ces inférences sont douteuses sur le plan scientifique.

Tandis que Darwin n’a découvert qu’une microévolution d’une même espèce, il se base sur un tel constat part pour établir une loi de macroévolution, ce qui est une induction erronée.

La grande diversité des espèces ne peut pas être expliquée de cette manière. Le pinson de l’Amérique du Sud est l’ancêtre des pinsons des Iles Galápagos mais il n’est pas l’ancêtre d’autres espèces.

De la même manière, il ne peut y avoir un ancêtre commun à tous les êtres vivants, du moins à tous les animaux vertébrés (poissons, oiseaux, mammifères) et leurs différences ne s’expliquent aucunement par la sélection naturelle. L’idée de l’ancêtre commun a tellement été consacrée par les évolutionnistes qu’on affirme que tous les animaux carnivores descendent d’un type ancestral unique (canidés, félins, belettes, civettes), voire même tous les types de mammifères, d’insectes, d’oiseaux, d’amphibiens et de poissons.

Le concept d’ancêtre commun a été renforcé par des inférences qui ne se basent pas sur le témoignage des traces fossiles. Parmi ces inférences, il y a les types morphologiques communs entre les espèces. Le problème avec ce type
d’inférence est le caractère aléatoire et hasardeux des hypothèses de départ. Le
fait que la sauterelle et la menthe religieuse, d’une part, et le signe et le chien,
d’autre part, partagent des caractères morphologiques communs ne permettent
pas de trouver un ancêtre commun à ces espèces. Alors que dire pour l’ensemble
des vertébrés et des invertébrés ?

L’inférence la plus connue utilisée par les évolutionnistes pour prouver la thèse de l’ancêtre commun est la comparaison entre le développement embryonnaire et l’évolution des espèces en allant jusqu’à affirmer que l’embryon humain ressemble dans certaines de ces étapes à l’embryon des mammifères, voire à l’embryon des reptiles, des amphibiens et des poissons15.
Selon une théorie développée par Karl Ernst Von Baer16, les embryons d’espèces différentes ne peuvent pas être distingués surtout durant les premières étapes embryonnaires à moins d’identifier leur origine. Par exemple, certains caractères et organes apparaissent à des stades donnés de la formation embryonnaire puis disparaissent durant les stades ultérieurs.

Mais en fait, cette théorie repose elle-aussi sur une inférence douteuse. Il est difficile de comparer des étapes embryonnaires liées à la formation d’un
individu d’une espèce à l’évolution des espèces sur terre. Dans le développement embryonnaire, on assiste à la formation d’organes à partir d’un
ovule avec le développement d’une multiplication cellulaire alors que
l’évolution supposée des espèces est provoquée en principe par la pression de
l’environnement selon la théorie de la sélection naturelle. Par conséquent, ce
type d’inférences ne repose pas sur une ontologie unique qui reflète une genèse
univoque de deux processus différents.

Les évolutionnistes recourent également à l’observation selon laquelle certains organismes possèdent des structures rudimentaires qui ne sont pas fonctionnelles comme l’appendice chez l’homme, les dents chez les baleines et les yeux dans les organismes d’animaux des cavernes.

Selon la théorie de l’évolution, ces structures rudimentaires sont les traces des structures qui étaient fonctionnelles chez les ancêtres de ces animaux mais qui ne le sont plus depuis que la sélection naturelle ait provoqué son effet en raison de la spécificité environnementale de la niche écologique dans laquelle vivent ces animaux, ce qui prouve selon eux leur évolution. Toutefois, rien ne prouve que ces structures soient issues de structures plus anciennes. Il est même possible que ces structures possèdent une nature esthétique.

L’ennui avec la théorie de l’évolution est sa propension à utiliser l’utilitarisme (la survie du plus apte). Elle cherche à étudier la fonction des organes d’un organisme par rapport aux exigences de l’environnement en occultant en même temps l’aspect esthétique de ces créatures (couleurs des ailes des papillons et du plumage des oiseaux, formes complexes des coquillages, etc.). Or, la richesse morphologique et picturale des animaux est telle que la pression de l’environnement ne peut pas expliquer entièrement et exhaustivement leur morphologie, la couleur de leurs plumages ou de leurs peaux ainsi que d’autres caractéristiques. Cette théorie a quelque chose de réducteur qui ne reflète par la richesse et la diversité biologique.

Par ailleurs, le concept de macroévolution butte contre d’autres difficultés : par exemple le passage des reptiles synapsid aux mammifères est attestée selon les évolutionnistes par l’existence de fossiles très divers qui montrent les mêmes caractères chez les espèces de reptiles et de mammifères (dentition, morphologie du crane et queue17). Cependant, une telle hypothèse est insuffisante puisqu’elle ne tient aucunement compte des modes de reproduction très différents entre les reptiles et les mammifères (les reptiles pondent des œufs dans lesquels les petits se développent à l’extérieur de la mère alors que les petits des mammifères se développent à l’intérieur de leur mère) sans compter le revêtement de la peau. De telles comparaisons entre des espèces très différentes ne sont que des conjectures ou de simples inférences.

Il y a également l’évolution de la famille des chevaux, depuis la période de l’Eocène de l’Hyracotherium (Eohippus) jusqu’au cheval moderne (Equus)18 qui atteste, selon ces spécialistes, d’une évolution. Toutefois, on peut apporter deux réserves à cette hypothèse : d’abord, comme les pinsons de Darwin l’Equus n’est pas une espèce différente de son ancêtre, l’Eohippus. Il s’agit plus d’une microévolution que d’une macroévolution.

Enfin, l’évolution de l’artiodactyle ongulé de l’Eocène en baleines est attestée par les spécialistes de l’évolution à travers l’existence de plusieurs espèces intermédiaires. Cependant, toutes ces espèces intermédiaires (Mysticètes, Dorundon) sont plus des baleines que des ongulés. Par ailleurs, il s’agit ici d’une simple conjecture puisque les ongulés ne partagent pas les mêmes caractéristiques morphologiques avec les baleines.

Par conséquent, il n’est pas vraiment évident pour le prêtre cité par Dawkins de se convertir à la religion de l’évolution au lieu de devenir un prêtre. Aucun homme ne peut émotionnellement et rationnellement adopter cette théorie de manière spontanée. Si l’hypothèse de l’ancêtre commun et celle de la macroévolution ont été si bien diffusées et ont pénétré les milieux scientifiques et profanes c’est en raison d’une campagne massive des athées et d’un investissement humain et matériel considérable auxquelles il faudrait ajouter des méthodes inquisitoriales pratiquées à l’encontre des croyants. Les propos parfois « calomnieux » de Dawkins dans son livre contre la religion, les croyants et Dieu reflète ces méthodes. Alors que la théorie de l’évolution ne va pas de soi, les idées et les thèses de Dawkins s’éloignent du « scientifiquement correct ».

Le Dieu des scientifiques athées

Revenons maintenant à l’enchaînement des idées de Hawkins concernant l’amalgame qu’il commet entre l’incroyance et la religion : cet auteur cite souvent des affirmations qui soutiennent sa thèse athée et c’est de l’une des affirmations d’Albert Einstein qu’il emprunte cet étrange paradigme : la religion de la non-croyance.

Mais d’abord, regardons de près les autres citations d’auteurs connus. Il y a d’abord, celle de Steven Weinberg, déclaré par Dawkins comme athée : « certains ont de Dieu une vision si large et si souple qu’ils ne peuvent le trouver partout où ils le cherchent. On entend dire que « Dieu est l’être suprême », « Dieu est le meilleur de nous-mêmes », ou « Dieu est l’univers ». Bien sûr, comme n’importe quel autre mot, ont peut donner au mot « Dieu » le sens que l’on veut. Si vous voulez que « Dieu est l’énergie », vous pouvez le trouver dans un morceau de charbon19 ».

Il y a là une grande liberté d’interprétation de l’existence divine qui vise à égarer le lecteur et le priver d’un ancrage solide pour maintenir sa croyance. En réalité, Dawkins veut réfuter l’idée d’un « Dieu personnel » qui est, selon lui, le concept-phare des religions monothéistes. On pourrait même croire que cette notion de « Dieu personnel » se rapproche d’une conception anthropomorphique du Divin, ce qui est à vrai dire assez problématique pour les religieux.

Le débat sur les attributs divins entre les Mut’azilites et les Ash’arites musulmans durant le Moyen-âge l’atteste. Un grand effort chez les religieux chrétiens et musulmans a été consenti pour prendre leurs distances avec les conceptions anthropomorphiques. On ne peut toutefois en débattre ici.

Le plus important est de dire qu’au-delà de la question des attributs divins, les philosophes musulmans et chrétiens du Moyen-âge avaient de Dieu une idée beaucoup plus raffinée et profonde que ce Weinberg s’est amusé à décrire et qui revient à dire, selon sa propre vision, que le mot Dieu peut désigner n’importe quoi dans l’univers, voire l’univers lui-même ou dans son entier comme dans le panthéisme. On va en discuter.

Mais pour le moment, on souhaite s’arrêter un peu sur la conception philosophico-théologique de Dieu des Musulmans et des Chrétiens : Plusieurs philosophes et théologiens ont admis l’idée d’un Dieu comme « premier moteur » comme l’a proposé Aristote ou comme « première cause » de l’enchaînement des causes dans le monde.

La véritable conception de Dieu des philosophes croyants

Al-Kindi par exemple propose une création ex nihilo du monde par Dieu et sa soumission à l’ordre divin du plus petit élément jusqu’aux astres les plus lointains. Dieu a imprimé l’ordre et l’harmonie dans l’univers par sa volonté et sa bonté. Tous les êtres lui obéissent20. Cette image d’un monde crée et organisé par le Divin ressemble à ce qu’avait proposé Saint Thomas. Lui aussi croit à une « cause créatrice » qui a tout produit comme effets dans le monde et qui a crée les formes des existants. Al-Kindi a finalement donné la plus belle référence à Dieu exactement comme l’a fait Saint Thomas plusieurs siècles plus tard.

Saint Thomas exploite la concordance entre la raison et l’existence de Dieu pour démontrer que la raison humaine est basée sur la perception sensible qui se transforme conformément à la philosophie aristotélicienne en connaissances de l’intellect (nihil est in intellectu quod non sit prius in sensu) et de ce fait, les sens sont un don de Dieu et ne peuvent donc tromper l’homme. Voici comment Saint Thomas réagit aux phénomènes de la nature.

Il va au-delà est entreprend de prouver l’existence de Dieu non pas seulement par la révélation mais aussi par la raison humaine qui permet de connaitre Dieu par la connaissance de ses effets sensibles.

Il évoque en premier lieu l’argument du premier moteur21 : Tous les corps sont soit en mouvement, soit ils sont immobiles. Mais tout mouvement d’un corps est provoqué par un autre corps. Afin d’éviter une régression à l’infini, il est nécessaire d’admettre l’existence d’un moteur qui n’est mis en mouvement par aucun corps. Ce premier moteur n’est autre que Dieu.

Il considère que le mouvement éternel est une erreur de la philosophie qui doit être corrigée grâce à la révélation. Il lui ajoute la première cause est l’impossibilité de chercher des causes à des causes à l’infini, la contingence selon laquelle la nécessité des choses imparfaites s’explique pas la perfection d’un être suprême qui est Dieu, la nécessité de l’existence d’une perfection ultime et maximale qui compense les perfections limitées des choses dans le monde et enfin l’ordre du monde qui ne peut exister que grâce à une intelligence qui le maintien et qui l’anime. En effet, Saint Thomas adopte une métaphysique en grande partie puisée de l’aristotélisme pour appuyer la révélation dans son second livre majeur La Somme théologique.

Cette réflexion se justifie par le fait que les êtres premiers, objets de la science première, ou êtres immatériels sont les principes ou les causes des autres êtres22. Ce lien entre les êtres supérieurs ou premiers et les autres êtres qui sont étudiées par la philosophie universelle lui permet de bâtir toute sa métaphysique en mettant l’accent sur les effets sensibles de Dieu qui est l’être le plus élevé et qui est la cause première des autres êtres. L’être immatériel et supérieur est connaissable par ses effets sensibles qui sont les seuls choses que l’homme perçoit. Par ailleurs, l’être immatériel et supérieur est la cause des autres êtres et de ce fait il est éternel puisqu’il y a une première cause et un premier être ultime qui est Dieu.

A l’époque des lumières, Leibniz au même titre que Descartes avait de Dieu une conception très intelligente et cohérente. Il construit astucieusement sa métaphysique en rendant l’existence de Dieu comme indispensable. Ce n’est pas un Dieu personnel dont l’image symbolique est calquée sur l’existence humaine mais en rendant l’existence de Dieu comme indispensable pour l’existence du monde sans confondre entre les deux existences comme le fait Einstein.

Leibniz ne croit pas qu’une substance possède une extension. Ainsi, il voit le monde comme un assemblage d’une infinité d’entités ou de substances qui n’ont ni extension, ni existence matérielle appelées monades23.

Ce sont des âmes parce que Leibniz reconnait l’existence de l’esprit et refuse l’existence de la propriété d’extension qui implique, selon lui, une pluralité.

Ce qui est intéressant dans cette métaphysique est que pour Leibniz les monades n’interagissent pas entre elles. Elles sont mutuellement indépendantes. Mais comment peut-on observer les monades ?

Pour Leibniz ceci est a priori impossible parce que les monades sont renfermées sur elles-mêmes, elles sont immatérielles et n’interagissent avec rien24. C’est là où ce grand penseur introduit Dieu dans son système. Il affirme que si les monades sont perceptibles, c’est tout simplement parce que Dieu le permet25. Les monades ne possèdent intrinsèquement aucune propriété permettant de les rendre perceptibles. Bien plus que cela : si nous avons l’impression que les monades interagissent entre elles comme par exemple lorsqu’un corps percute un autre selon ce qu’on peut appeler une théorie physique du contact et du choc c’est parce qu’il y a, selon lui, une harmonie préétablie. Les monades sont assemblées par Dieu très précisément et chacune se comporte d’une manière qui donne l’impression qu’il y a un effet sur l’autre monade. Mais en fait chaque monade a agi indépendamment des autres monades.

Cette théorie de l’harmonie préétablie des monades fait rappeler la vision atomiste des Ash’arites musulmans. Chaque phénomène, entité ou corps, voire le temps lui-même sont composés d’atomes indépendants les uns des autres. Qu’est ce qui fait qu’un atome puisse être la cause et un autre un effet de cette cause ? Ce n’est autre que l’action de Dieu. C’est Dieu qui assemble les atomes de telle manière qu’ils ont une relation de causes à effets. Ce n’est pas une relation intrinsèque et automatique.

Leibniz admet une conception de la matière et des substances semblable. Si les monades semblent interagir entre elles c’est parce que le Créateur a décidé de par son libre-arbitre de faire agir chaque monade séparément de l’autre mais de manière harmonieuse avec toutes les autres monades26. Ni la matière au sens physique du terme, ni l’espace, ni le vide n’existent pour Leibniz. Les monades remplissent chaque point situé entre elles et elles sont agencées en trois dimensions du point de vue de l’observateur, ce qui donne l’illusion que l’espace existe27.

Ce qui est important est que Descartes et Leibniz qui sont les plus grands philosophes de l’époque moderne ont placé Dieu au cœur de leurs systèmes et les scientifiques comme Kepler et Newton, deux fondateurs de la science moderne, ont fait de même.

Il ne faut pas oublier que Newton qui fut l’inventeur de la théorie de la gravitation universelle ne pouvait expliquer pour quelle raison la gravitation qui est une action à distance ne provoque pas l’écrasement des planètes entre elles ?

« Le Dieu surnaturel » de Dawkins : une gageure intellectuelle

On est loin ici de cette conception limitée d’un « Dieu personnel ». On se retrouve avec ces philosophes dans un système de pensée où Dieu n’est pas seulement créateur du monde mais également comme le garant de l’existence du monde et de sa perception (Leibniz) ainsi que de la possibilité de la connaissance humaine (Descartes).

On a démontré que la réaction d’un homme doué des meilleures qualités intellectuelles et morales devant l’existence et le déploiement merveilleux des mondes physique et vivant ne se limite pas à une attitude mystique qui est de surcroit non-croyante. Bien au contraire, les plus belles constructions philosophiques et métaphysiques de l’humanité ont été basées, selon leurs auteurs, sur l’existence et les pouvoirs de Dieu.

Ce Dieu et non seulement créateur, il est la «cause première », le « premier moteur », « le garant de l’existence du monde et de la possibilité de l’entendement et de la connaissance humaine ». Il n’est pas exclusivement « personnel » et « surnaturel » De telles conceptions sont à la fois anthropomorphiques et construites à l’image de l’homme ou par rapport à lui. Celui qui parle d’un Dieu personnel, il révèle une nature humaine et non pas divine.

S’agissant du terme préféré de Dawkins « un Dieu surnaturel », il reflète une confusion entre Dieu comme « agent » ou comme « cause » et ses effets. Certains effets de Dieu comme les miracles par exemples sont surnaturels puisque ces derniers ne peuvent être expliqués par la science et par le principe de causalité. Mais la plupart des effets de Dieu comme les entités physiques et vivantes sont loin d’être surnaturels, ils sont éminemment naturels. Quant à la nature de Dieu, lui-même, à supposer que nous puissions la connaitre, ses manifestations rendent possible le monde au-delà de sa création. Ses manifestations cosmiques ont été bien étudiées par Descartes, Leibniz et Newton. Elles sont donc rationnelles et scientifiques.

Finalement Dawkins confond entre une infime partie des effets de Dieu qui sont surnaturels avec la plupart de ses effets naturels pour ne pas parler de son ontologie qui est, selon les grands philosophes de l’histoire, éminemment rationnelle.

La religion athée des scientifiques célèbres : une critique

Dawkins évoque ensuite une prétendue confusion entre la religion einsteinienne (pour ne pas dire scientifique) et la religion du surnaturel. Ainsi, il affirme « Einstein a parfois invoqué le nom de Dieu (et il n’est pas le seul scientifique athée à le faire), ce qui prête à confusion et fait le bonheur des adeptes du surnaturel en mal d’interprétations tendancieuses, et désireux de récupérer l’illustre penseur dans leurs rangs. La dernière phrase solennelle (ou insidieuse ?) de Stephen Hawking dans une brève histoire du temps « et nous pourrions alors connaître la pensée de Dieu » est mal construite. Elle a fait croire, à tort bien sûr que Hawking est croyant28 » Une telle affirmation laisse entendre de manière insidieuse que les croyants sont à la fois naïfs ou faibles d’esprit.

On ne doute pas que ces deux scientifiques soient athées (surtout pour le second) et alors ? Les religieux qui cherchent l’appui des scientifiques et de ce qu’ils ont dit sur Dieu au-delà de leurs propres travaux scientifiques sont à la fois des naïfs et des faibles d’esprit. Les croyants doivent mener une réflexion sérieuse sur leur religion et sur la science et non pas chercher l’appui des scientifiques célèbres. La foi n’est pas proportionnelle au degré d’intelligence scientifique de certains adeptes. En plus, les scientifiques subissent une pression des athées, telle qu’ils ne peuvent sincèrement s’exprimer ouvertement sur Dieu ou sur la religion.

Par ailleurs, le fait qu’Einstein ou Hawking soient des athées ne veut absolument rien dire et ce, pour une raison simple. Ces deux scientifiques ne sont pas de grands philosophes. Ils sont de grands esprits ayant apporté des contributions majeures pour la science (encore que pour le second, ce n’est pas vraiment vérifié). Néanmoins, ils ne possèdent pas vraiment, une vision philosophique assez profonde, authentique, élargie et cohérente comme ce fut le cas de Descartes, de Newton, de Leibniz, d’al-Kindi et de Saint Thomas d’Aquin à laquelle il faudrait ajouter une très bonne connaissance de la théologie. Elaborer une théorie scientifique ou conjecturer sur des hypothèses scientifiques mêmes complexes est essentiellement un travail technique et non pas philosophique.

Concernant Stephen Hawking, il a affiché clairement ses idées en réfutant l’existence de Dieu d’abord progressivement dans son premier essai, Une brève histoire du temps29puis définitivement dans son dernier livre, Courtes réponses aux grandes questions30. Selon ce physicien et cosmologiste britannique, l’unification de la physique permet de s’affranchir du rôle omniscient et omnipotent de Dieu dans la création de l’univers et dans son maintien en existence. Dès lors que nous savons tout de l’univers, l’omniscience divine perd sa puissance et devient sans intérêt.

Dans son best-seller Une brève histoire du temps, il affirme «  Aujourd’hui, les savants décrivent l’Univers d’après deux théories partielles de base, la théorie de la Relativité générale et la Mécanique quantique. L’un des plus grands efforts en physique aujourd’hui, et le thème majeur de ce livre, porte sur la recherche d’une nouvelle théorie qui les engloberait toutes les deux-une théorie quantique de la gravitation. Nous n’en disposons pas encore et il nous reste un long chemin à parcourir, mais nous connaissons déjà un grand nombre des propriétés qu’elle devra satisfaire…Si vous pensez que l’univers n’est pas arbitraire mais qu’il est régi par des lois précises, vous devrez en fin de compte combiner les théories partielles en une théorie complètement unifiée qui décrira tout dans l’Univers31 ». Dans d’autres pages, il déclare avec un ton optimiste « Les perspectives de trouver une telle théorie semblent bien être meilleures aujourd’hui parce que nous en savons beaucoup plus sur l’univers »32.

Une fois cette étape serait franchie, Hawking passe à une étape « athéiste » : « Si on accepte, comme je le fais, que les lois de la nature sont fixes, alors la question suivante découle d’elle-même : quel rôle reste-t-il pour Dieu33 ». Il déclare également « Je pense que l’Univers a été crée spontanément du néant, selon les lois de la nature34. »

Par conséquent, l’athéisme de Stephen Hawking est clairement affiché et rien ne doit pousser les croyants à s’appuyer sur ses idées concernant Dieu qui de toutes les façons sont athées et n’ont rien à avoir avec la croyance. Nous avons déjà écrit un long article qui vise la réfutation des idées de ce scientifique sur Dieu35. Nous avons attaqué les idées de Hawking sur un plan philosophique. Notre stratégie a été de montrer que lorsqu’on s’appui sur les lois scientifiques pour prouver que Dieu n’existe pas c’est s’égarer puisque les lois scientifiques ne sont pas aussi certaines et inébranlables comme on pourrait le penser.

Par ailleurs, Hawking a développé avec d’autres physiciens un modèle cosmologique sur la gravitation quantique durant les années 1980 qui décrit un univers sans frontière et sans bord et qui remet en cause les débuts de l’Univers (singularité de Planck). Son point de départ est l’intégrale de chemin de Richard Feynman qui définit la trajectoire d’une particule comme une sommation des trajectoires virtuelles possibles en l’appliquant à l’espace-temps.

Ce modèle est basé également sur deux autres concepts mathématiques : un espace euclidien à deux dimensions qui ne tient pas compte de la courbure de l’espace et le temps imaginaire qui est une conséquence de cet espace à deux dimensions. Le temps imaginaire est un artifice mathématique pour éviter tout début à l’Univers.

Ce qui remet en cause un tel modèle qui représente une tentative pour réfuter un début « miraculeux » et ex nihilo de l’Univers, c’est le fait que la réalité physique du Big-bang a été solidement confirmée et a été prouvée expérimentalement grâce à la détection du rayonnement fossile centimétrique. Comment alors traduire ce modèle de Hawking dans une réalité aussi limpide scientifiquement. Une théorie physique est conçue généralement pour prédire un phénomène ou expliquer un phénomène déjà observé. Or le modèle de Hawking entre en contradiction avec les enseignements de la cosmologie sur les débuts de l’univers basée sur la constante de Hubble et les observations du satellite Planck.

Par ailleurs, le modèle de Hawking est un modèle qui est plus mathématique que physique. La notion de temps imaginaire est un pur artifice mathématique. L’histoire des sciences est d’ailleurs marquée par les limites du mathématisme. Par exemple, le théorème de Von Newmann en mécanique quantique et qui est beaucoup plus mathématique que physique a représenté une fausse assurance pour les tenants de l’école de Copenhague sur la complétude de la mécanique quantique. Ce théorème stipule qu’il n’existe rien qui prouve que dans le monde physique, il y a des variables cachées que la théorie quantique la plus consensuelle aujourd’hui, c’est-à-dire celle de l’école de Copenhague, n’a pas prévu. Or, le théorème de Von Newman bien qu’il soit mathématiquement valide n’interdit nullement de compléter la mécanique quantique par des théories à variables cachées. De la même manière, la validité mathématique du modèle de Hawking n’interdit pas de tenir compte d’un début à l’Univers sous forme de singularité.

Par ailleurs, le modèle de Hawking ne repose sur aucune constante physique. Se sont les constantes physiques qui donnent de la substance aux théories physiques. Sans de telles constantes, les théories seraient de simples spéculations. L’exemple de l’électrodynamique quantique (QED) est édifiant à cet égard. Cette théorie a été sauvée grâce à une renormalisation mathématique qui permet d’éliminer les infinis en retenant la valeur donnée par l’expérience à l’électron.

Cet enseignement est important et il est applicable au modèle de Hawking sur l’univers sans bord. Sans une constante physique, ce modèle resterait purement mathématique. Par exemple, l’amplitude de probabilités des trajectoires dans le diagramme de Feynman ne permet pas de supprimer l’infinité de trajectoires de l’espace-temps. Il faudrait tenir compte d’une valeur constante et physique.

Ce qui n’est pas le cas de ce modèle en l’absence d’expériences et ce, d’autant plus qu’il occulte les infinis de la singularité de Planck du début de l’Univers. Les arguments de Hawking en faveur d’un athéisme acerbe qui n’est pas inaperçu et sans incidence dans les temps modernes sont intenables sur le plan philosophique et scientifique.

L’acharnement des scientifiques à défendre un athéisme en cosmologie ne peut être qu’un échec devant les preuves expérimentales de plus en plus nombreuses en faveur de la théorie du Big-bang. Par exemple, les données les plus précises sur l’expansion de l’Univers signifient que ce dernier a un début.

La théorie de l’inflation qui est de plus en plus admise aujourd’hui va dans le même sens sans parler des données précises sur l’âge de l’univers. De telles certitudes sont en harmonie avec l’existence d’un créateur. Devant l’absence persistante de preuves irréfutables sur l’existence de « quelque chose » de physique avant le Big-bang, une naissance ex nihilo de l’Univers insufflée par la puissance divine suprême devient une certitude.

Lorsqu’un autre astrophysicien, lui aussi athée, Lawrence Kraus a écrit un livre sur la naissance de l’Univers36en prétendant que ce dernier a pris naissance à partir du néant, il a commis la même erreur que Hawking. Si rien n’existait avec la Big-bang, d’où viennent les lois physiques que lui et le savant britannique réclame tant la toute puissance ? Les lois physiques doivent contenir certainement une dimension immatérielle qui complète leur dimension matérielle, c’est-à-dire physique. C’est cette dimension immatérielle qui pose le plus de problèmes aux athées. Un électron est attiré par le noyau atomique de charge positive selon la loi de Coulomb modifiée par Bohr dans sa quantification de l’atome. Mais la loi de Coulomb et celle de Bohr ne nous dirons jamais pourquoi l’électron est attiré de cette manière.

Les physiciens athées ont beau s’attaquer aux débuts de l’univers, ils devront inexorablement expliquer cette dimension immatérielle des lois physiques qui va au-delà des débats sur les débuts de l’univers. De plus, aucune loi ou théorie physique n’expliquent pourquoi les constantes physiques ont de telles valeurs fixes et prédéterminées qui sont identifiées par l’expérience, c’est ce que permet la théorie du Dessein intelligent.

Le matérialisme anachronique de Dawkins

Dawkins semble occulter ces choses. Il ne pense pas du tout à ce qui est immatériel dans le monde. Il évoque une définition du naturalisme de l’athéisme de Julian Baggini dans Atheism : A very Short Introduction : « Ce que croient la plupart des athées, c’est bien qu’il n’y a qu’un seul type de matière dans l’univers et qu’elle soit physique, c’est d’elle que proviennent l’esprit, la beauté, les émotions, les valeurs morales, en somme toute la palette des phénomènes qui donne à la vie humaine sa richesse37 ».

Dawkins ajoute à cette définition sa propre vision « Les pensées et les émotions humaines proviennent d’interconnexion extrêmement complexes entre les entités physiques présentes dans le cerveau…..l’athée est quelqu’un qui croit qu’il n’y a rien au-delà du monde physique naturel, pas d’intelligence créatrice surnaturelle qui rôde derrière l’univers observable, pas d’âme qui survit au corps et pas de miracles38 ».

Depuis longtemps, du moins depuis l’apparition de la mécanique quantique durant les années 1900-1920, les physiciens s’accordent sur un point : les objets physiques dont parle Dawkins et notamment les entités qui peuplent le monde microscopique ne sont que les résultats des observations et non d’une réalité indépendante de notre sensorium ou de notre entendement. La définition du monde physique en tant que tel ne repose plus sur le matérialisme.

On voit bien que Dawkins n’a pas renoncé au matérialisme et au réalisme en supposant l’existence d’entités matérielles qui sont à l’origine de tout dans l’univers, même des choses aussi immatérielles que l’esprit et la pensée. Or, c’est l’inverse qui s’est produit : c’est l’esprit qui est à l’origine de tout puisqu’il rend possible l’observation alors que cette dernière est tout ce que nous possédons de la réalité physique.

Niels Bohr, l’un des fondateurs de la mécanique quantique, n’a eu d’autre choix que de définir le phénomène physique de la manière suivante «… des observations obtenues dans des circonstances spécifiées, incluant un compte rendu de la totalité du dispositif expérimental39». Durant les années 1980, une expérience cruciale a été réalisée par l’équipe d’Alain Aspect qui confirme la vision orthodoxe de l’école de Copenhague. La fonction d’onde, l’unité de base de la mécanique quantique, est devenue encore plus abstraite avec les développements ultérieurs de la physique.

Par exemple, la fusion entre la mécanique quantique et la théorie de la relativité restreinte a rendu la notion matérielle de particule encore plus problématique. Les particules sont devenues insaisissables et énigmatiques. Un groupe de physiciens dont les plus illustres sont Dirac (1928), Feynman et Weinberg (1987), et Wald (1994) a tiré un enseignement important à partir de ce constat d’échec concernant la notion de particule en réclamant une approche basée sur la notion de champ. Mais là encore, le champ quantique n’a rien à voir avec le champ classique. Tandis que le champ classique permet de visualiser des phénomènes tels la lumière comme des ondes se propageant dans l’espace, le champ quantique est une expression mathématique qui permet de calculer les probabilités des résultats d’une mesure40.

Ces difficultés incitent à ne plus voir le matérialisme comme le fondement de la physique. Il y a aussi une crise ontologique qui touche à l’essence même des entités quantiques. Ces entités sont-elles des ondes ou des particules ou l’excitation d’un champ, on ne le sait plus ?

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De cette manière, Dawkins n’est pas vraiment en phase avec les développements les plus importants de la physique au 20ème siècle. Il n’est pas également en phase avec la théorie du Big-bang qui laisse entendre qu’il y a un début provoqué de l’univers.

On découvre ici les limites d’un scientifique qui maitrise peut-être son domaine mais qui s’embourbe et s’égare lorsqu’il découvre un autre domaine qui lui est étranger. Dawkins est un biologiste et ne pouvait comprendre toutes les subtilités de la physique quantique ou de la cosmologie. De là à parler de Dieu, c’est manifestement encore plus difficile.

Le panthéisme scientifique d’Einstein est un athéisme qui n’a rien à avoir avec la philosophie croyante de Spinoza

Abordons maintenant les vues d’Albert Einstein que Dawkins admire beaucoup et qu’il considère comme un grand scientifique athée. Il parle même de religion einsteinienne en l’opposant à la religion surnaturelle. Voici un autre amalgame dangereux : la religion en tant que tel n’est pas essentiellement surnaturelle, comme Dieu n’est pas intrinsèquement personnel. Qu’en est-il de cette religion einsteinienne ? Là, Dawkins rappelle quelques citations d’Einstein :

« Ce que vous avez lu sur mes convictions religieuses étaient bien sûr, un mensonge qui est systématiquement répété. Je ne crois pas en un Dieu personnel, et loin de m’en cacher, de l’ai exprimé clairement. S’il est en moi une chose qu’on peut taxer de religieuse, c’est mon admiration sans limites pour la structure du monde dans la mesure où la science peut le révéler41 ».

Il y a aussi cette affirmation « je suis un non-croyant profondément religieux. C’est une religion d’un type quelque peu nouveau. Je n’ai jamais imputé à la Nature un objectif ou un but, ou quoi que ce soit qui puisse passer pour anthropomorphique. Ce que je vois dans la Nature, c’est une superbe structure qu’on ne peut comprendre qu’imparfaitement et qui doit donner à celui qui réfléchit un profond sentiment d’humilité. C’est un sentiment authentiquement religieux qui n’a rien à voir avec le mysticisme. L’idée d’un Dieu personnel m’est totalement étrangère et me semble même naïve42 ».

Mais l’affirmation la plus importante d’Einstein est celle-ci « je crois au Dieu de Spinoza qui se révèle dans l’harmonie bien ordonnée de ce qui existe, et pas à un Dieu qui se préoccupe du destin et des actions des êtres humains43 ».

Ensuite, Dawkins rappelle l’avalanche de critiques émanant d’évêques et de rabbins américains qui ont dénoncé ces affirmations du savant en défendant leur foi. Notre auteur qualifie certaines réponses à Einstein de lâches intellectuellement et il distingue entre les différentes doctrines : déisme, théisme et panthéisme en marquant sa préférence pour la dernière en raison du fait que c’est précisément celle-ci qui a gagné les faveurs d’Einstein.

Là, il se méprend complètement puisque le Dieu de Spinoza que cite Einstein n’est pas le Dieu « métaphorique » et « panthéiste » d’Einstein et de Dawkins. Dans les affirmations d’Einstein, on a l’impression que Dieu n’existe nulle part et tout ce qui existe c’est une intelligence céleste, voir même une simple structure et c’est le sentiment d’humilité ou d’admiration que cette structure suscite en nous qui est la religion d’Einstein.

Spinoza n’a pas utilisé le terme « panthéisme » qui peut désigner beaucoup de choses d’ésotériques comme la divinisation de la matière qui est assimilée à l’univers. C’est pour cette raison que Dawkins s’enfonce dans cette brèche en espérant récolter les fruits de son athéisme. D’ailleurs son intérêt pour Einstein et pour le panthéisme en parlant de religion einsteinienne n’est pas innocent. En insérant le Divin dans l’univers, il le fait disparaitre parce c’est la matière et l’univers qui sont divinisés et non pas Dieu comme une entité, un agent, une cause première, un être suprême immatériel et infini.

Spinoza n’a rien dit de tel. Son système philosophique est beaucoup plus profond et intelligible que les affirmations taciturnes et vagues d’Einstein qui oscillent entre le refus de croire en un Dieu personnel et une admiration de la beauté de la structure de l’univers. Alors qu’Einstein semble ne pas comprendre vraiment la religion ni même la philosophie de la religion, lui qui n’était qu’un scientifique, Spinoza parle de l’univers et de la matière comme des attributs de Dieu.

A ce titre, on peut sortir Spinoza du panthéisme. Ce que Spinoza disait c’est que les corps, les âmes humaines, les choses matérielles et les substances matérielles du monde n’ont pas une existence propre et indépendante. Ils n’existent que grâce à la manifestation du Divin44. Pour Spinoza, il n’y a aucune positivité dans l’existence de la matière ou des âmes individualisées. Les limites, extensions, matérialités qui caractérisent ces substances sont en soi négatives pour ne pas dire finitistes. La positivité est inhérente à Dieu qui est infini.

Ainsi, Dieu n’est pas l’univers lui-même mais ce dernier n’est rien comparé à Dieu, voilà le sens même que voulait atteindre Spinoza. Cette pensée conduit à un certain déterminisme. Tout ce qui arrive dans le monde et dans nos âmes, il arrive tel quel et il est impossible qu’il soit autre chose car tout ce qui arrive découle de la nature de Dieu. Il n’y a donc aucune liberté45. Quant aux choses mauvaises, elles n’ont de signification que par rapport à la structure globale du monde.

Dans son livre l’Ethique, Spinoza développe même la notion « d’amour intellectuelle de Dieu »46. C’est dans cette notion que nous retrouvons toute la profondeur du concept de vérité éternelle et immuable provenant de Dieu qui a animé toute la carrière de Kepler, Galilée et Newton et que nous retrouvons ici dans toute sa plénitude chez Spinoza. L’amour intellectuel de Dieu implique une certaine plénitude dans la découverte de la vérité qui ne peut être qu’éternelle et immuable puisqu’elle fait partie du monde divin. Cette notion participe également au processus selon lequel tout ce qui existe dans le monde fait partie d’un univers conçu par Dieu. L’amour de quelque chose d’éternel et d’immuable qui n’est autre que Dieu est plus durable selon Spinoza que l’amour des choses qui sont loin d’être éternelles.

Même dans son éthique, le Divin est fortement présent au même titre que dans sa métaphysique. « Le plus grand bien de l’âme est la connaissance de Dieu et la plus grande vertu de l’âme est de connaître Dieu47 » affirme Spinoza. Les idées selon Spinoza sont bonnes en elles-mêmes car elles émanent de Dieu. Tout ce qui arrive fait partie du monde intemporel tel que Dieu L’a conçu. Ces pensées magnifiques sont loin de nous révéler le panthéisme.

Dieu est une entité infinie, immatérielle et éternelle vers laquelle nous devons nous tourner pour découvrir la plénitude et le bonheur. C’est ce que Spinoza voulait dire. Einstein l’a manifestement mal compris. Il n’a pas saisi le sens profond de ces idées, lui qui ne s’intéressait qu’au monde physique.

Sans croyance, ni foi, ni conception philosophique de portée métaphysique comme celle de Spinoza mais aussi celles de Leibniz, de Newton et de Descartes, on ne peut comprendre Dieu. Les attributs divins destinés aux hommes comme le pardon, la mansuétude, la sagesse et la bienveillance existent bel est bien sans aller jusqu’à parler d’un Dieu personnel, affirmation étriquée et anthropomorphique.

D’ailleurs, Spinoza parle non seulement de de l’amour intellectuel de Dieu mais aussi des idées qui permettent de faire face aux passions et aux émotions.

Découvrir qu’il y a une nécessité dans ce monde, pour ne pas dire un déterminisme permet aux idées d’avoir une emprise sur les émotions et les empêcher de devenir des passions car celles-ci naissent lorsque nous prenons conscience de notre impuissance devant le déploiement des causes extérieures. Or, ces causes sont déterministes et émanent de Dieu.

Par conséquent, les passions sont de fausses émotions48. Mais lorsque certaines émotions s’éloignent de ces bonnes idées, elles deviennent négatives. Pour Spinoza, les émotions qui dépendent du temps comme le regret, un sentiment lié au passé et l’espoir qui aspire au futur sont négatives car le temps selon lui n’existe pas.

Le regret est faux parce qu’on ne peut rien changer au passé et l’espoir est présomptueux et ignorant puisque les choses et les évènements arriveront dans le futur sans qu’on puisse rien faire49. Lorsque l’esprit humain se conforme à la nature divine il devient heureux et satisfait parce tout ce qui arrive, toutes les substances matérielles et les désirs humains ne sont que des fragments qui font parties du tout, ce qui est nécessaire au bien du monde50. Aucune chose dans le monde n’existe pour elle-même et elle n’est pas non plus auto-suffisante. Une émotion qui voit les choses et les parties du monde comme existantes par elles-mêmes et indépendantes est nécessairement mauvaise et non réelle. Le mal n’est donc que le résultat des émotions négatives et non de la réalité du monde.

Ainsi nous voyons que la métaphysique et l’éthique de Spinoza sont basées sur une relation entre Dieu et les hommes. On est loin de ces affirmations einsteinienne vides de sens et incapable de nous révéler la grandeur du Divin. La pensée athéiste d’Einstein n’est pas vraiment inspirée du système de Spinoza. Du moins, Einstein avait cru à tord avoir été inspiré par ce grand philosophe. Le panthéisme de ce scientifique est incompréhensible, philosophiquement parlant.

Lorsque Dawkins nous rappelle certaines affirmations parcellaires d’Einstein comme « Dieu est subtil mais il n’est pas malveillant », « Il ne joue pas aux dés » ou « Dieu avait-il le choix quand il a créé l’univers », il ne remarque pas que celles-ci reflètent cette ignorance de leur auteur du fait religieux. Ces affirmations sont même anecdotiques. Par conséquent, Einstein est un athée au même titre que Dawkins qui trahit sa véritable pensée lorsqu’il rappelle ce passage de Carl Sagan : «…si par « Dieu » on entend l’ensemble des lois physiques qui gouvernent l’univers, alors il est claire que ce Dieu existe. Ce Dieu est peu satisfaisant émotionnellement parlant…cela n’a guère de sens de prier la loi de la gravité51 ».

Dawkins semble même perdre patience en accusant toute tentative de confondre ce Dieu métaphorique et panthéiste des physiciens qui est en fait un « non Dieu » ou une curiosité ésotérique des physiciens comme le principe de relativité ou celui d’intrication quantique avec le Dieu de la Bible (mais aussi du Coran et de l’ancien Testament) en la considérant comme une trahison intellectuelle.

Voilà une dernière tendance de cet auteur : c’est une sorte d’allergie ressentie à l’égard du fait religieux et de Dieu.

Conclusion

En un mot, toutes ces idées qui figurent dans ce livre controversé et apologétique de Dawkins sont basées sur un vaste amalgame entre des concepts empruntés de la physique et de la pseudo-philosophe et non de la religion. Certains concepts comme la religion non-croyante, le panthéisme scientifique d’Einstein, le matérialisme athéiste sont problématiques du point de vue scientifique et intenables sur le plan philosophique. Ils ne sont pas également irréprochables en termes d’objectivité et de cohérence.

Nous sommes juste animés par une dernière curiosité : Dawkins, Einstein, Sagan et de nombreux auteurs scientifiques et écrivains ont toujours combattu cette notion de Dieu personnel qui est selon eux « interventionniste, faiseur de miracles, qui lit dans les pensées, punit les pêchés et répond aux prières52 » en déployant un large éventail d’arguments athéistes. Mais ce qui est étonnant et que ce même Dieu est à la fois la « Cause créatrice de l’univers », « le Garant de l’ordre cosmique et de la permanence et de l’universalité des lois de la Nature » et « Celui qui rend possible la connaissance, de la perception humaine ».

Il semble que ces auteurs n’ont pas d’arguments pour réfuter l’existence de tous ces attributs divins. Il est vrai que des philosophes comme Nietzche, John Stuart Mill et Sartre se sont attaqués de manière non décisive et peu convaincante à ces attributs. Mais cela est une autre histoire des athées. Manifestement, il y aura toujours des athées et il y aura toujours des croyants.

Toutefois, ce qui me semble le plus urgent à l’heure actuelle est que les philosophes, les scientifiques et les théologiens des trois religions monothéistes s’unissent enfin dans une vaste union interreligieuse pour lutter contre l’athéisme sous toutes ces formes et ses conséquences pour la religion, la culture et la science.

Après avoir versé dans un amalgame entre l’incroyance et la religion, voilà qu’il change de sujet et s’attaque à ce qu’il appelle le respect non-mérité des religions53 en évoquant des problèmes politiques et sociétaux liés aux conflits entre les religions et les confessions (en Bosnie et en Irak) et l’intérêt porté par les autorités et les tribunaux dans les pays occidentaux aux demandes formulées pour des motifs religieux en évoquant une sorte de soutien à des requêtes faites pour des raisons religieuses et une sorte d’impuissance des gouvernements devant les réactions des Musulmans comme celles exprimées à l’encontre des caricatures du Prophète Muhammad (QSSL).

Là, l’auteur manque clairement de rigueur et de clairvoyance puisque ces sujets ne peuvent être traités de la même manière que le débat entre religion et athéisme. Il se passe comme si Dawkins outrepasse ses prérogatives de chercheur en se mêlant des convulsions et de l’agitation qui règne autour de toutes les manifestations considérées comme religieuses. On ne peut dans cet article débattre de ce sujet étant donné que Dawkins s’amuse souvent à faire des amalgames entre des choses qui ne peuvent être examinés de la même manière et avec les mêmes outils conceptuels.

Nous allons prochainement écrire d’autres articles qui abordent toutes les allégations athéistes de Dawkins et elles sont nombreuses.

Rafik Hiahemzizou

 

1 Traduit de l’anglais par Marie-France Desjeux-Lefort, Perrin, Paris 2018. Titre original. The God Delusion, 2006.

2 https://oumma.com/la-theorie-de-levolution-anomalies-et-questions-sans-reponses/

3 Robert M. Prisig, Zen and the Art of Motocycle Maintenance, An inquiry into values.

4 Yuval Noah Harari Sapiens Une Brève Histoire de l’Humanité. Albin Michel, Paris 2015.

5Op.cit. Dawkins, p.22.

6 Charles Darwin Origine des espèces au moyen de la sélection naturelle, Paris François Maspero, 1980.

7Alfred North Whitehead, Science and the Modern World, Free Press Paperback Edition, 1967. Voir chapitre : The Origin of modern science, p. 1-18.

8Alexandre Koyré Etudes d’Histoire de la Pensée Scientifique, Gallimard 1973.

9Cet extrait du General Scholium est tiré de Van BaneshHoffmann, Histoire d’une grande idée, la Relativité, Éditions Belin, 1985, p. 54.

10René Descartes Meditation on First Philosophy « Philosophical Writings », Traduction à l’anglais par Elizabeth Anscombe et Peter Thomas Geach avec une introduction d’Alexandre Koyré, Prentice Hall, 1971, p.93.

11Bertrand Russel, History of Western Philosophy, Simon and Shuster, 1972, Inc, p.566.

12 Op.cit. Darwin.

13 Ernest Mayr What Evolution is, Basic Books, 2001, p.19.

14 Ibid.

15 Ibid., p.27.

16 Baer, K. E. Von. 1828. Entwicklungsgeschichte der Thiere. Königsberg: Bornträger.

17 Ridley Mark, 1996, Evolution. 2ème Ed. Cambridge, Mass. Blackwell Science.

18 Strickberger, Monroe, W. Evolution, 1990; John and Bartlett Publishers, Sudbury, MA.

19 Stephen Wenberg Dreams of a Final Theory. 1993, Londres Vintage (trad. en français : Le Rêve d’une théorie ultime, Paris Odile Jacob, 1997.

20 Muhammed Abdelhâdi Abu Rid’â Les épitres philosophiques d’al-Kindi, Dar al-Fikr al’Al’arabi, p.61.

21 Émile Bréhier La philosophie du Moyen âge, Un document produit en version numérique par Jean-Marc Simonet, bénévole, professeur retraité de l’enseignement de l’Université de Paris XI-Orsay, p. 290.

22 James C.Doig Science première et science universelle dans le commentaire de métaphysique de saint Thomas d’Aquin, Revue philosophique de Louvain, p.44

23Op.cit. Bertrand Russel, 1972, p. 583.

24 Ibid.

25 Ibid.

26 Ibid., p.584.

27 Ibid.

28 Op.cit. Dawkins, p.24.

29 Stephen Hawking Une Brève histoire du temps. Trad. en français par Isabelle Naddeo-Souriau. Editions Flammarion, 1989.

30Stephen Hawking Bref Answers to the Big Questions, John Murray Publishers, 2018.

31Op.cit. Hawking, 1989, p.31.

32 Ibid., p.200

33 Op.cit. Hawking, 2018, p. 28.

34 Ibid., p.29

36 Lawrence Kraus, A Universe from Nothing: Why There Is Something Rather Than Nothing, Free Press, 2012

37 Baggini J. Atheism : A Very Short Introduction, Oxford, Oxford University Press, 2003.

38 Op.cit. Dawkins, p.25.

39 Bohr Niels Physique atomique et connaissance humaine (Revue par Catherine Chevalley) Editions Gallimard, 1991, p.85.

40 Kuhlmann Particules et champs sont-ils réels, Pour la Science n°432-Octobre 2013.

41 Jammer M. Einstein et Religion, Princeton University Press, Princeton, 2002.

42 Ibid.

43 Op.cit. Dawkins, p.29-30.

44 Op.cit. Bertrand Russel, p. 571.

45 Ibid.

46 Ibid., p.575.

47 Ibid., p.573.

48 Ibid.

49 Ibid., p.574.

50 Ibid.

51 Sagan C. The Demon-haunted World : The Science as a Canddle in the Dark, Headline, Londres 1996.

52 Op.cit. Dawkins p.32.

53 Dans le même chapitre du livre.

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2 commentaires

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  1. Les errements de ce malheureux personnage ne nuisent en aucun cas à L’Islam ou aux VRAIS Musulmans. La réponse à ses propos futiles est dans Le Coran : ” Nulle âme ne croira sans la permission d’Allah. Vas-tu, toi – ô Mohammed – contraindre les gens à croire ? ” Laissons donc ce genre d’égarés à leur divagations car Allah ne leur a point permis de croire!

  2. Religion ne veut pas dire dieu le créateur.
    Cette force intelligente existe avec ou sans religion.

    Dieu le créateur est une évidence et n’a pas besoin de démonstration.

    Religion veut dire adoration, dieu unique et qu’on doit adorer sans intermédiaire.

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