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Déconstruire le Conseil Français du Culte Musulman pour construire l’islam en France

Dans un ouvrage récent paru en 2013[1], je soulignais l’urgence de  la mise en place d’un « Grenelle de l’islam de/en France associant tous les acteurs concernés (CFCM, intellectuels, société civile, politiques, experts….) ». A l’époque, j’indiquais alors que cette option permettrait la mise à plat de l’ensemble des problématiques sociétales articulées autour de la deuxième religion du pays. Elle constituerait aussi un gage de bonne volonté envers nos concitoyens de référence musulmane et aurait le mérite de dépassionner les débats sur la place de l’islam dans la Cité.
Aujourd’hui, cette option est déjà dépassée, obsolète :   il s’agit ni plus ni moins de sonner le glas d’une institution inefficace et non représentative de l’islam de France. Il y a bien longtemps que le CFCM est devenu une  coquille vide sous l’emprise de vieux mandarins soucieux de préserver leurs acquis, toujours aux premières loges lors des remises de médailles,  sans aucune vision à long terme. Mise cette instance mise sous tutelle des pays d’origine, minée par les conflits internes, l’érosion de la crédibilité et de la légitimité de ce Conseil sont un rempart contre l’édification d’un islam français autonome,  bien intégré dans le paysage sociologique de notre pays.
L’avion CFCM  a fini par s’écraser dans le Triangle des Bermudes de la médiocrité et des ambitions personnelles.  La pratique des chaises musicales, voire un changement d’appellation de cette instance moribonde n’y feront rien. Il est temps de faire table rase des coqueluches médiatiques autoproclamées, au discours certes rodé, qui confisquent le débat constructif. Les musulmans de France méritent une meilleure représentation ; la république, sans s’immiscer dans les affaires internes du culte musulman au nom même des principes laïques, doit aussi prendre ses responsabilités en impulsant une nouvelle dynamique qui promeut le renouvellement sur des bases  de compétences de nouveaux visages  musulmans  à la hauteur des enjeux sociétaux. L’instauration d’une nouvelle structure représentative, transparente, élue démocratiquement sur la base de compétences, ne constitue  plus une doléance  mais une exigence encore plus  impérieuse aujourd’hui dans le contexte anxiogène de notre pays.
La question criante de l’islam des prisons et de ces jeunes délinquants de droit commun qui en ressortent fanatisés pour le plus grand mal de tous doit être traitée en urgence  avec son corollaire : celui du mode de recrutement des aumôniers pénitentiaires largement insuffisants. Cet aspect relève autant du volet qualitatif que quantitatif. Certes, les quelques 190 aumôniers, à peine, intervenant dans le prisons françaises sont largement dépassés par la demande, face à une importante population carcérale de pratique ou de culture musulmane.
Les responsables du CFCM n’ont de cesse d’insister sur cet aspect. Mais il est un volet sur lequel ces mêmes responsables cultuels et les pouvoirs publics sont très peu regardants. La seule compétence n’a jamais constitué  le critère central (cela est tout aussi vrai pour les aumôniers militaires), les accréditations des  services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIB) s’appuyant sur l’avis de l’aumônier national des prisons qui coopte ses futures recrues souvent sur la base d’affinités personnelles, de « copinage »,  de luttes d’influence internes (la plupart des aumôniers dépendant  d’associations ou d’organisations elles-mêmes affiliées).
Au-delà du soutien religieux, l’aumônier pénitentiaire joue un rôle  central dans l’accompagnement psychologique de ces jeunes au parcours tortueux. Tout mettre en œuvre  pour que ces derniers ressortent de prison en « meilleur état »   qu’ils en sont entrés constitue un enjeu de taille. Cela est indissociable de la formation de ces mêmes aumôniers et autres cadres cultuels musulmans, lesquels doivent maitriser le Texte et le contexte. Quoi de plus  affligeant de constater par exemple le gouffre béant entre certains prêches en arabe littéral par des imams non francophones, pendant l’office  du vendredi notamment,  et les fidèles ?
Ces derniers  non traduis préalablement  et souvent incompréhensibles génèrent  des musulmans frustrés et dépités abandonnés parfois aux charlatans, muftis improvisés et autres gourous qui essaiment sur la toile.  La formation des imams « importés »  des pays d’origine  (langue française, connaissance des institutions…)  et au respect d’une laïcité d’inclusion doit se compléter avec celle de cadres cultuels français maitrisant  parfaitement les bases théologiques islamiques (exégèse, écoles rituelles, Sunna, Sîra….) l’Islam en tant que civilisation et culture, ses relations fructueuses avec l’occident, sans négliger une connaissance approfondie de la langue arabe.
Les musulmans de France n’attendent pas seulement un énième aggiornamento ;  les élites musulmanes doivent prendre leur responsabilité devant la nation et l’histoire dans le cadre d’un débat démocratique national ; la république, quant à elle,  ne saurait indéfiniment se cacher derrière une laïcité galvaudée  pour les besoins d’une temporisation périlleuse.
L’islam français ne peut plus être abordé par nos décideurs politiques  tel une variable d’ajustement de la politique intérieure.  Selon l’adage,  « Qui veut peut ». De la volonté de chacun,  de tous,  découle une nécessaire réforme en profondeur, une révolution de la gestion et de la représentativité de l’islam français dans le respect des valeurs démocratiques.  Faisons preuve individuellement et collectivement de sagacité en ayant à l’esprit une formule empreinte d’une grande sagesse universelle : « N’accuse pas le puits d’être trop profond, c’est ta corde qui est trop courte ».

 


[1] Dictionnaire de l’islamophobie, Bayard, 2013
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