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Correctif

Je voudrais attirer votre attention sur l'article de Nassim Dembri paru sur Oumma et ayant pour titre : « Qaradâwî a-t-il une responsabilité morale dans l’assassinat de Ramadan Al-Bouti ?  » 

 Au cours de cet article, des propos du cheikh Youssouf Al-Qaradâwi, tirés d’une émission télévisée, ont été traduits en langue française. L’émission en question a été jointe à l’article sous sa version originale, ce qui m’a permis d’écouter les propos du cheikh en langue arabe. J’ai constaté un contresens flagrant dans la traduction de Nassim Dembri  qui nécessite un correctif, afin d’apporter au lecteur non arabophone une information juste et fidèle. Le contresens porte sur le terme qâtala en langue arabe, traduit dans le texte par tuer, ce qui constitue une erreur de taille.

Si l’on revient à l’étymologie du verbe augmenté qâtala/yuqâtilu, schème de 3ème forme et qui implique souvent l’idée de réciprocité et de concurrence1, cette forme propose plusieurs sens2.

 – Elle peut avoir le sens de « maudire », comme dans de nombreux versets du Coran. Exemple : « qâtalahumu Llâh », qui signifie « Que Dieu les maudisse ! » (Coran 63/4).

 – Elle peut signifier « repousser », et tel est le sens voulu dans le hadith rapporté par al-Bukhârî et Muslim au sujet de celui ou celle qui tente de passer devant la personne qui accomplit la salât, le Prophète lui a dit : « qâtilhu ! » que l’on traduit ici par : « Repousse-le3 ! » (et non tue-le !).

 – Elle a enfin le sens de « combattre », et c’est le sens répandu en arabe moderne et dans les medias. Le dictionnaire arabo-français de Kazimirski donne comme signification : combattre quelqu’un. De même, à cette même forme, le dictionnaire Larousse établi par Daniel Reig indique : se battre contre, combattre, faire la guerre à, lutter contre. Il est clair que l’on peut combattre sans pour autant tuer.

Il y a donc une différence sémantique évidente entre la forme simple qatala et sa forme augmentée qâtala. Il convient donc d’être vigilant lorsqu’on traduit ou transmet une information, et ce, afin de ne pas attribuer à quiconque ce qu’il n’a pas voulu dire. Cheikh al-Qaradâwi fait bien la distinction puisqu’il a utilisé ces deux formes verbales lors de son allocution.

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À noter que dans la deuxième vidéo postée sur la même page et sous-titrée en anglais le terme qâtala a été correctement traduit (qâtala : to fight, qatala : to kill).

Il est essentiel de pouvoir rapporter le plus clairement possible les propos d’une personne quand ils engagent sa responsabilité, particulièrement dans ce cas. Cheikh Al-Qaradâwî n’a pas appelé au meurtre des oulémas, et en l’occurrence de Cheikh Al-Bouti (que Dieu lui fasse miséricorde). Ses propos ont appelé à la résistance et au combat, pas au meurtre. La nuance existe, il faut la souligner, quel que soit l’avis de chacun sur le problème syrien. Il s’agit là d’une affaire de conscience et de responsabilité.

1 Cf. Wright W. A grammar of the Arabic Language, Cambridge University Press

2 Cf. le dictionnaire d’Ibn Manzủr, Lisân al-‘arab, racine qatala, vol. 11, p.654, Dâr al-kutub al-‘ilmiyya.

3 Cf. les différents commentaires de ce hadith, en particulier ceux d’Ibn Hajar al ‘Asqalânî, de Nawawiyy et d’Al-Qâdî ‘Iyâd.

 

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