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Comment Nicolas Sarkozy a banalisé le fichage policier des musulmans pratiquants

Identité nationale, burqa, viande halal, prières de rue, nounous voilées, réservations de piscine, obsession envers Tariq Ramadan, instrumentalisation de Forsanne Alizza, expulsion en fanfare d'imams marginaux, entre autres gadgets : l'islam comme objet de terreur exotique a considérablement été exploité par les pouvoirs publics et la majorité présidentielle depuis 2007. Nombre de commentateurs indulgents y ont vu une simple volonté électoraliste de la part de l'UMP, désireuse de récupérer les voix du Front national. C'est ignorer pourtant un aspect fondamental -et jamais débattu- de la politique mise en oeuvre par Nicolas Sarkozy depuis son arrivée au pouvoir : le fichage policier d'une part croissante de la population musulmane française. 

Une information édifiante figure en ce sens dans un ouvrage récemment publié et intitulé "L'espion du président". La brillante enquête menée par les journalistes Olivia Recasens, Didier Hassoux et Christophe Labbé confirme ce qui faisait auparavant l'objet d'une rumeur dans les cercles associatifs musulmans. Extrait issu du chapitre 18: 

« Cristina, fichier de la DCRI, recense tous ceux qui peuvent de près ou de loin porter atteinte à la sécurité du territoire. Concernant la communauté musulmane, Cristina est doté d'un véritabe estomac d'autruche, avalant un peu tout et n'importe qui. Chaque année, les départs à La Mecque, suivis avec attention par les antennes DCRI des aéroports parisiens, sont l'occasion d'y faire entrer de nouveaux noms. Parmi ces pélerins, beaucoup n'ont aucun lien avec un quelconque islamisme radical. La "répression préventive", c'est le leimotiv du Squale en matière de terrorisme ».

Police politique

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Le "Squale" est le surnom prêté à Bernard Squarcini, responsable de la Direction centrale du renseingement intérieur. Cette structure policière est née en 2008 à la suite de la fusion entre les RG et la DST. Quant au fichier Cristina, celui-ci constitue la base de données, classée "secret-défense", dans laquelle figurent les noms des dizaines de milliers de Français, soupçonnés de pouvoir porter atteinte "aux intérets fondamentaux de la Nation". Son domaine spécifique et officiel : la lutte contre le terrorisme associée au contre-espionnage. Sur un plan pratique, le fichier Cristina, amplifiant la collecte des renseignements dévolus depuis 1997 à la DST, est essentiellement géré par ce qui est dénommé -au sein de la DCRI- la"sous-division R". Ce groupe de policiers, dirigé par le commissaire divisionnaire Stéphane Tijardovic, opère dans une opacité totale. Comme le révèle "L'espion du président", ils sont également habilités, sans contrôle d'une autorité indépendante, à mettre sur écoute, par téléphone ou internet, quiconque leur paraîtra susceptible, en raison de sa "radicalité", de devoir faire l'objet d'une surveillance particulière. De même, ils pratiquent au besoin le "siphonnage" à distance des disques durs ou la sonorisation des appartements après avoir commis une effraction indolore de la porte d'entrée. Leur règle selon les auteurs de l'enquête : le "pas vu pas pris".

Le chapitre 18 de l'ouvrage révèle en détail l'instrumentalisation politique de l'anti-terrorisme : lorsqu'il s'agit ainsi d'étouffer une affaire compromettante pour l'Elysée, le patron de la DCRI sait pratiquer la diversion de médias complaisants en faisant "fuiter" tel ou tel pseudo-danger imminent associé à l'islamisme. Quant au fichier Cristina, instauré depuis 2008 et emblématique des dérives du pouvoir, il est le fruit de la rencontre entre le sarkozysme ultra-sécuritaire aux penchants islamophobes et la haute technologie dédiée à la surveillance policière. Contrairement au fichier Edvige, largement débattu en raison de son intrusion dans la vie privée des militants syndicalistes ou associatifs, le fichier Cristina, plus focalisé sur la menace "islamo-terroriste", n'a pas fait l'objet d'une controverse depuis sa mise en place.

Davantage que le discours relatif au halal ou à la burqa, cette inscription policière de plus en plus de musulmans français, devenus soudainement suspects en raison de leur pélerinage à La Mecque, en dit long sur le clan au pouvoir. Un groupe d'hommes -digne par ses pratiques illégales et secrètes d'un cartel- qui n'hésite pourtant pas à pousser des cris d'orfraie lorsque les éditorialites de l'Humanité dénoncent le pétainisme rampant, déjà évoqué l'an dernier par Oummade Nicolas Sarkozy. Un parallèle historique est pourtant envisageable : le dernier homme d'Etat a avoir fiché à grande échelle des individus en raison de leur identité religieuse se nommait précisément Philippe Pétain.

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