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Au-delà de l’arrêt de l’agression israélienne, les Palestiniens se préparent à une rude bataille diplomatique

Malgré l’intensification des bombardements de l’armée de l’air israélienne de ces derniers jours, plusieurs indices diplomatiques attestent du fait qu’on n’est pas loin de la perspective d’un cessez-le-feu, auquel travaillent discrètement plusieurs parties, y compris les Américains qui viennent pourtant, pour la troisième fois consécutive, de faire obstruction à un projet de texte présenté devant le Conseil de sécurité par la Chine, la Tunisie et la Norvège qui invite les parties à mettre fin aux hostilités.

Les Américains désormais favorables à un cessez-le-feu

En effet, dans un communiqué de la Maison-Blanche, on apprend que le président américain et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu se sont entretenus lundi, échange au cours duquel Joe Biden “a exprimé son soutien à un cessez-le-feu“.  L’appel téléphonique a aussi été l’occasion d’évoquer des « discussions en cours avec l’Egypte et d’autres partenaires pour y parvenir », précise le communiqué.

Si l’Administration Biden, qui a soutenu dès le début « le droit d’Israël de se défendre contre les tirs du Hamas », ce qui équivaut en langage diplomatique à un véritable permis de tuer, s’est subitement convertie à l’idée d’un cessez-le-feu, ce n’est pas, bien entendu, pour des raisons humanitaires, mais par crainte d’une extension du conflit préjudiciable à ses intérêts stratégiques dans la région. Le soulèvement du peuple palestinien dans les territoires occupés et à l’intérieur des frontières de l’Etat d’Israël de 1948, et les signes que la résistance palestinienne ait pu disposer d’un soutien logistique conséquent de la part de l’Iran, sans parler de la nouvelle incursion diplomatique de la Chine dans la gestion du conflit, sont des facteurs qui poussent Washington à revoir sa copie.

Les inquiétudes diplomatiques de la Maison-Blanche sont partagées par les chefs de l’armée américaine. Dans un communiqué de presse rendu public alors qu’il se rendait à Bruxelles pour participer à un sommet de l’OTAN, le chef d’état-major des armées des Etats-Unis, le général Mark Milley, a certes continué à soutenir que la guerre menée par Israël avait un caractère « défensif »  mais il a ensuite averti que « la poursuite des hostilités n’est dans l’intérêt de personne » avant d’ajouter :  «Mon évaluation est qu’il existe un risque d’instabilité plus large et un ensemble de répercussions négatives en cas de poursuite des hostilités. » et de conclure : «Par conséquent, je pense que la désescalade est une approche raisonnable pour travailler à ce stade pour toutes les parties concernées

Les généraux israéliens pressent Netanyahu à arrêter au plus vite la guerre

Il n’y a pas que les alliés américains qui poussent discrètement le gouvernement israélien à accepter l’idée d’un cessez-le-feu. Selon The Jerusalem Post, dans son édition du 16 mai, des généraux israéliens pressent de leur côté Netanyahu d’arrêter au plus vite la guerre dans la mesure où ils craignent qu’une escalade incontrôlée conduise à une offensive terrestre très risquée : « Le cabinet de sécurité israélien devait se réunir dimanche après-midi pour discuter de la poursuite de l’opération dans la bande de Gaza au milieu de la pression internationale croissante pour commencer à travailler en faveur d’un cessez-le-feu avec le Hamas. Samedi, de hauts responsables de la défense ont poussé le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Benny Gantz à commencer à travailler en faveur d’un cessez-le-feu qui mettrait fin à l’opération de Tsahal. Ceci est basé sur une compréhension que l’armée a atteint la plupart de ses objectifs depuis le début de l’opération lundi soir. » 

Certes, Netanyahu paraît faire la sourde oreille et déterminé à continuer sa guerre contre Gaza mais face à cette posture martiale qui s’explique sans doute aussi par des motivations politiques et électoralistes, visiblement ses généraux ne sont pas du même avis « Mais les responsables de la défense ont déclaré que la poursuite de l’opération pourrait aboutir à une erreur qui entraînerait Israël dans un conflit plus large, y compris une offensive terrestre dans la bande de Gaza qui n’est actuellement pas populaire au sein de l’establishment de la défense. » peut-on lire dans le quotidien israélien. 

La volonté des alliés américains et des généraux israéliens d’en finir au plus vite avec la guerre est bien entendu partagée par plusieurs pays de la région qui comptent par ailleurs parmi les alliés des Etats-Unis, à commencer par l’Egypte, la Jordanie et le Qatar sans parler de la Turquie. Ces pays ont objectivement intérêt à la fin des hostilités pour des raisons différentes. La Turquie et le Qatar sont des alliés du Hamas et cherchent à utiliser la carte palestinienne en vue de consolider leur position géopolitique dans la région. L’Egypte et la Jordanie n’ont guère de sympathie pour les Frères musulmans dont le Hamas est une expression politico-militaire sur la scène palestinienne, mais ils redoutent par-dessus tout une escalade incontrôlable qui mettrait en danger leur stabilité. L’Egypte, voisine de Gaza, craint tout particulièrement que la destruction du Hamas ne finisse par enfanter une multitude de groupuscules plus radicaux.

Une rude bataille diplomatique attend les Palestiniens 

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Tous ces éléments militent par conséquent pour un cessez-le-feu imminent dans les prochaines 48 heures. Entre-temps, il faut s’attendre malheureusement à des tueries et des destructions plus conséquentes à Gaza. Mais comme l’a écrit le quotidien israélien Haaretz, malgré les « exploits tactiques » de son armée, le gouvernement israélien n’a aucune stratégie en vue, tout au plus il va s’acharner sur Gaza pour détruire le maximum d’infrastructures et gagner un nouveau répit dans ce qui s’apparente à une opération de vengeance primaire. Reste la question fondamentale. La résistance palestinienne saura-t-elle tirer des dividendes stratégiques à la hauteur des sacrifices consentis par le peuple palestinien et de ses attentes légitimes ? 

Certes, la priorité aujourd’hui est à l’arrêt de la guerre d’agression israélienne contre Gaza mais la résistance palestinienne, sûre de son droit et de la disponibilité du peuple palestinien, saura faire face aux pressions des pays arabes qui la pressent à accepter un cessez-le-feu à tout prix et exigera l’arrêt immédiat des expulsions à Jérusalem-Est qui ont été le détonateur du conflit. 

Cependant, la bataille diplomatique qui attend les Palestiniens, au lendemain du cessez-le-feu, ne sera pas moins rude que la bataille politico-militaire que les avant-gardes du peuple palestinien sont en train de mener actuellement à Gaza, El Qods et sur l’ensemble du territoire de la Palestine historique.

La prise en charge des questions urgentes à caractère humanitaire et social ne doit pas faire oublier l’essentiel : l’arrêt immédiat de la colonisation dans les territoires occupés et de la judaïsation de Jérusalem-Est, l’annulation de la décision inique de Trump reconnaissant Jérusalem comme capitale exclusive de l’Etat d’Israël, dans le cadre du soi-disant « Accord du siècle », au mépris du droit international, et surtout la reconnaissance du droit du peuple palestinien à établir son Etat indépendant et souverain avec Jérusalem-Est comme capitale, conformément aux résolutions pertinentes des Nations Unies.

Pour gagner cette bataille diplomatique, les Palestiniens auront à compter sur leur unité nationale, qui est leur bien le plus précieux dans cette étape cruciale de leur histoire, et sur la mobilisation populaire, une mobilisation qui vient de montrer, une fois de plus, qu’elle peut faire la différence stratégique en faisant reculer des forces incomparablement plus puissantes.  

 

 

 

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