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Entretien avec l’universitaire palestinien Ziad Medoukh, depuis Gaza sous les bombes

Entretien exclusif sur Oumma avec l’universitaire Ziad Medoukh,
poète et écrivain d’expression française et citoyen de Gaza

Responsable du département de français au sein de l’université Al-Aqsa de Gaza, où il officie également en tant que coordinateur du Centre de la paix, Ziad Medoukh est connu pour son attachement aux principes de la démocratie, de la liberté, des droits de l’homme et de la Francophonie. En 2011, Il a été fait Chevalier de l’Ordre des Palmes académiques de la République française, entrant ainsi dans les annales en tant que premier citoyen palestinien à obtenir cette distinction.

C’est depuis Gaza en ruines, entièrement ravagée et lourdement endeuillée par l’incessante pluie de bombes israéliennes, que Ziad Medoukh a accepté de répondre aux questions d’Oumma.

A l’heure où Gaza est la cible d’une offensive israélienne d’une violence effroyable, pouvez-vous nous décrire l’horreur de la situation que vous subissez ? 

Nous sommes en train de vivre l’horreur absolue depuis 10 jours. La situation est catastrophique, avec des pertes humaines considérables : 220 Palestiniens sont morts et, parmi eux, 60 enfants et 40 femmes. On déplore plus de 1 600 blessés et plus de 30 000 déplacés, suite à la destruction totale de leurs maisons et de nombreux bâtiments.

La destruction de la bande de Gaza est massive, c’est la politique de la terre brûlée. Il n’y a plus d’abris vers lesquels courir pour se réfugier, alors que 1 650 raids israéliens ont été dénombrés en dix jours d’une agression d’une violence inouïe. Nous n’avons plus que 3 heures d’électricité par jour, nous souffrons d’un cruel manque d’eau et d’une pénurie de médicaments tout aussi insupportable, tous les passages sont fermés, c’est effrayant !

Une pluie de bombes dévastatrices s’abat sur votre terre depuis une semaine, tuant la population civile. Comment les Gazaouis et vous-même faites-vous face à cette nouvelle tragédie humaine ? L’esprit de résistance vous anime-t-il toujours, envers et contre tout ?

Il y a trois sentiments qui règnent chez la population civile dans la bande de Gaza  : en premier lieu, un sentiment d’inquiétude, face à l’ampleur des frappes aériennes israéliennes et à la destruction massive qu’elles causent, auquel se mêle un sentiment de confiance, car ce n’est pas la première fois que les Gazaouis doivent faire face aux assauts meurtriers de l’armée israélienne – c’est la 4ème offensive militaire en douze ans, après celles de 2009, 2012 et 2014. Notre peuple est solidaire avec toutes les formes de résistance  – et enfin, un sentiment de fierté, car la résistance palestinienne est toujours debout, et est en train de donner des leçons de courage et de dignité à cette armée surpuissante et impitoyable.

Que pensez-vous de la position de la France et de sa sphère politico-médiatique, toujours promptes à rappeler leur « indéfectible attachement à Israël et à sa sécurité », comme l’a fait récemment le président Macron ?

Les Palestiniens de Gaza n’attendent rien d’un monde officiel complice, qui cautionne les crimes de guerre israéliens perpétrés contre les civils palestiniens, et encore moins des médias qui occultent la dure réalité sur place. Le plus important pour nous, ce sont les impressionnantes manifestations de solidarité et les milliers de citoyens de bonne volonté qui ont défilé dans les rues de Paris et partout en France, mais aussi ailleurs dans le monde, pour dire Non à l’injustice et soutenir une cause juste, celle de la cause palestinienne.

Les politiques et les médias ne s’intéressent à la Palestine que quand il y a des clashes. Où étaient-ils et qu’ont-ils fait devant le sort tragique de deux millions d’habitants, vivant dans cette région soumise à un blocus israélien d’une rare inhumanité depuis plus de 15 ans ? Une région martyre, oubliée d’un monde qui n’a rien fait pour aider les Palestiniens de Gaza à supporter cette situation inique et sans précédent, et surtout pour y mettre un terme, ainsi qu’à leur terrible souffrance. Des citoyens gazaouis, qui tentent de survivre dans une région profondément meurtrie et totalement asphyxiée par les conditions de vie atroces et misérables que leur imposent les forces d’occupation israéliennes.

Espérez-vous un sursaut de l’ONU et de la communauté internationale et lequel ?

Pour le moment, après dix jours d’une agression criminelle barbare, nous n’avons aucun espoir dans ce sens, et comment pourrions-nous en avoir, alors qu’aucune décision courageuse n’a été prise par les instances internationales pour condamner, sanctionner et arrêter les massacres.

Ce silence assourdissant du monde officiel encourage l’occupation israélienne à poursuivre, sans relâche et en toute impunité, sa politique d’extermination des Palestiniens. Il y un manque criant de volonté politique et de courage chez beaucoup de responsables internationaux, pour dire Non à l’occupation, à l’injustice et à l’apartheid israélien !

Cette entité illégale profite du soutien inconditionnel des Etats-Unis et du reste du monde. Aucune sanction n’émane des fameuses organisations internationales, lesquelles n’arrivent même pas à dénoncer la cruauté de l’occupation subie par les Palestiniens depuis des décennies, et ce, dans tous les domaines. Depuis 1948, aucune décision internationale n’a été appliquée contre cet Etat illégal.

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Cette impunité totale ne peut qu’inciter l’armée israélienne à commettre des crimes de guerre toujours plus abominables contre le peuple palestinien. Comble de l’odieux, le monde entier est devenu spectateur.

Alors que les vôtres pleurent leurs morts, dont de nombreux enfants, comment entrevoyez-vous l’avenir dans le paysage de désolation qui s’étend sous vos yeux ?

On garde espoir malgré tout pour l’avenir, un avenir de paix et de justice. La Palestine sera libre, et on va reconstruire Gaza de nouveau. Nous le clamons haut et fort : c’est ici notre terre, et nous ne partirons pas !

Mais devant cette terrible injustice qui nous est faite, devant de telles souffrances infligées à notre peuple, nous restons tous impuissants. Nous n’avons d’autre choix que de supporter et de résister, en attendant qu’un changement survienne.

Le sentiment d’enfermement et d’isolement est humainement intolérable ! Et les Palestiniens de Gaza sont, hélas, les mieux placés pour en ressentir les effets destructeurs, eux qui sont enfermés dans leur prison à ciel ouvert depuis tant d’années.

C’est vrai que les Gazaouis, toujours pleins de ressources et de vitalité, impressionnent le monde par leur capacité extraordinaire à s’adapter à toute nouvelle agression, à supporter l’insupportable, au travers d’une solidarité familiale et sociale remarquable et de liens sociaux forts, en ne bénéficiant que d’aides internationales limitées.

La population civile se bat quotidiennement pour survivre dignement sur sa terre, en résistant, et tout simplement en existant. Oui, les Palestiniens de Gaza essaient simplement de mener une vie aussi normale que possible, dans des conditions extrêmement anormales !

Le véritable objectif du funeste dessein israélien, et de sa politique exterminatrice menée contre la population civile dans la bande de Gaza, est de venir à bout de la résistance palestinienne sous toutes ses formes, d’écraser la volonté inébranlable d’une population qui a décidé, coûte que coûte, de rester sur sa terre, d’endurer toutes les souffrances et de patienter, malgré les crimes de guerre et une situation économique, sociale et sanitaire très difficile.

Dix jours après qu’une pluie de bombes meurtrières s’est abattue sur Gaza, on peut dire qu’Israël n’a pas atteint son objectif suprême, puisque notre population, qui fait preuve d’un courage, d’une détermination et d’une dignité à toute épreuve, est toujours debout.

Oui, la cause palestinienne est une cause universelle, celle de la lutte pour la justice ! La solidarité internationale se renforce jour après jour, partout dans le monde, en dépit du silence complice et accablant du monde officiel, et du rôle négatif que jouent la plupart des médias, en occultant sciemment notre terrible réalité. Mais, grâce à la formidable mobilisation populaire en notre faveur, aux grandes actions de solidarité, comme l’emblématique boycott des produits israéliens, nous savons désormais que notre cause juste concerne l’humanité tout entière.

Propos recueillis par la rédaction Oumma

 

 

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