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11 septembre : Dix ans de mensonges ?

Y a-t-il eu complot le 11 septembre 2001 ? Alors que la polémique entre les truthers et des debunkers fait rage, il est temps de jeter un regard critique sur des événements qui ont bouleversé l’ordre mondial, estime Daniele Ganser, professeur d’histoire à l’Université de Bâle. Comme beaucoup d’autres, il réclame une enquête indépendante et internationale. Une nouvelle enquête sur les attentats du 11 septembre 2001. Impartiale et internationale… Daniele Ganser, professeur d’histoire à l’Université de Bâle, y pense depuis l’été 2004. Depuis que ce chercheur sur les questions de paix a lu le 9/11 Commission Report, le rapport officiel de la Commission d’enquête sur les attaques terroristes contre les Etats-Unis.

Un pavé de plus de 550 pages qui a justifié à lui seul la guerre contre le terrorisme, les guerres en Irak et en Afghanistan et la chasse aux sorcières islamistes. Mais un pavé qui n’a pas convaincu ce scientifique qui travaillait à l’époque au Centre d’études sécuritaires de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich.

Trop de questions encore ouvertes. Trop de pistes abandonnées. L’impression d’un rapport orienté politiquement afin de justifier la guerre du monde libre contre l’Axe du mal. L’impression aussi et surtout de lire le scénario trop lisse d’un nouveau Pearl Harbour, d’un blockbuster mettant aux prises le bon président chrétien Bush au méchant musulman Ben Laden.

Bien caché en Afghanistan dans des grottes dignes du réduit national – un mensonge parmi d’autres des Cheney et Rumsfeld – Ben Laden aurait lâché 19 kamikazes sur les USA. On connaît la suite : quatre avions détournés, les deux tours jumelles de New York détruites, le Pentagone touché, 3000 morts le jour même, des centaines de milliers plus tard en Irak et en Afghanistan, mais aussi les prisons secrètes de la CIA, la torture légalisée, des Patriot Acts, des dépenses militaires en hausse partout dans le monde et surtout une traque de plusieurs centaines de milliards de dollars.

Pourquoi la WTC-7 s’est-elle effondrée ?

Mais revenons à 2004 et à Ganser. « Je me souviens avoir fait part à mes collègues de mes étonnements par rapport à la version officielle. Je ne comprenais pas, par exemple, pourquoi le rapport n’évoquait même pas la tour 7 du World Trade Center (WTC). Elle s’était effondrée vers 17 h, soit sept heures après les tours jumelles. Sans raison : aucun avion ne l’avait touchée. »

Etonnant oubli effectivement pour un bâtiment qui abritait le siège de l’Organisme fédéral de réglementation et de contrôle des marchés financiers (SEC) ainsi que des bureaux secrets de la CIA. Les autorités américaines expliqueront que ce monstre de 170 mètres de hauteur avait été touché par des débris projetés par le crash et qu’il y avait eu des feux, puis une grosse explosion de cuves d’huile de chauffage au sous-sol.

Le problème, c’est que jusqu’au 11 septembre, aucun incendie n’avait réussi à détruire une tour à ossature métallique dans le monde et surtout pas à provoquer son effondrement à la vitesse de la chute libre. Fallait-il y voir dès lors une démolition contrôlée par des explosifs ? Des ingénieurs comme Hugo Bachmann, professeur émérite d’analyse structurelle et de construction de l’ETH de Zurich, y croient dur comme l’acier des tours vendu un peu à la sauvette à des recycleurs coréens et chinois sans que les enquêteurs aient vraiment pu l’analyser. Comme si l’administration Bush ne voulait pas laisser de traces, notamment celles de nanothermite, un explosif militaire qui aurait été retrouvé sur place.

« Ils m’ont pris pour un fou et m’ont conseillé de me taire, que ce ne serait pas bon pour ma carrière », sourit Daniele Ganser dont le parcours scientifique le fait passer pour un « type sérieux ». Né en 1972 à Lugano, il a étudié à Bâle, Londres et Amsterdam avant de travailler pour le très libéral Avenir Suisse.

« Il était impossible de remettre en cause la vérité d’évangile de la commission. Il fallait croire et ne pas questionner cet événement historique comme on le ferait avec d’autres », poursuit Ganser qui sait, en outre, ce dont les Etats, même démocratiques, peuvent être capables. Il a publié une recherche historique sur le terrorisme manipulé (Les armées secrètes de l’OTAN, Ed. Demi Lune).

« Après tout, le Rainbow Warrior de Greenpeace avait été coulé en 1985 par les services français », rappelle-t-il. Mieux même, par deux agents, les faux époux Turenge, qui étaient d’ailleurs de faux… Suisses.

Terrorisme par délit d’initié ?

Bref, Daniele Ganser est dès lors classé dans le camp des sceptiques sans que cela pèse trop sur sa carrière. Mais que remettent en cause finalement ces truthers ? La liste de leurs doutes sur des incohérences ou des omissions étonnantes est longue. Il y a notamment ces transactions financières suspectes qui ont eu lieu peu de jours avant les attentats du 11 septembre 2001, notamment sur les titres d’United Airlines et d’American Airlines, les deux compagnies dont les avions ont été détournés et dont les cours se sont effondrés après le crime.

« Il s’agissait d’options de vente sur actions, dont la détention permet de parier sur la chute de cours boursiers. Tant le secteur aérien que le secteur financier furent concernés », indique Marc Chesney, professeur d’économie à l’Université de Zurich, avant de regretter l’absence d’un rapport digne de ce nom à ce sujet. Or le « butin » est estimé à plusieurs centaines de millions de dollars, voire plusieurs milliards.

D’autres, dont Robert Fisk, correspondant au Moyen-Orient du quotidien anglais The Independent et un des seuls Occidentaux à avoir rencontré Ben Laden, se demandent pourquoi les débris du vol 93 se sont dispersés sur des kilomètres alors que l’appareil est censé s’être écrasé dans un champ (a-t-il été abattu par un avion de chasse ?), comment les poutres des tours – dont le point de fusion est à 1480 degrés – ont cédé alors que le kérosène brûle au mieux à 820 degrés.

Fabrizio Calvi (11 septembre la contre enquête, Fayard) se demande, lui, pourquoi le rapport officiel n’évoque pas le rôle d’Ali Mohammed, taupe d’al-Qaida à l’intérieur de l’armée américaine et de la CIA. C’est pourtant lui qui met au point le modus operandi de l’attaque.

Bush ne savait-il vraiment rien ?

Les sceptiques estiment également que les attentats du 11 septembre n’ont pas pris l’administration Bush par surprise. Pour les truthers, le président Bush a même menti lorsque, après les attentats, il a juré sur l’honneur, la larme à l’oeil, que les attaques n’étaient pas prévisibles et qu’il n’avait rien pu faire pour sauver la vie des 3000 martyrs de l’attaque islamiste.

En fait, les signaux d’alerte étaient au rouge depuis quelques mois. Les services secrets allemands, égyptiens, jordaniens, pakistanais, israéliens, français, anglais… et même talibans avaient tiré le signal d’alarme. Aux USA aussi, des alertes retentissent. En juin 2001, la FAA (Federal Aviation Administration) met en garde les compagnies aériennes contre de possibles détournements. En juillet 2001, un agent du FBI de Phoenix avertit que des partisans de Ben Laden prennent des leçons de pilotage dans un but terroriste et recommande de les traquer. Puis la CIA intercepte des messages islamistes prédisant une attaque « à grand spectacle » dans un proche avenir.

Le président Bush en est informé. Il reçoit le 6 août 2001 une note de renseignement de la CIA intitulée Ben Laden est décidé à frapper aux Etats-Unis qui lui annonce la couleur : des islamistes se trouvent aux USA et préparent des détournements d’avion. Un vieux scénario à vrai dire.

En 1995, l’incendie de l’appartement qu’occupe à Manille Ramzi Ahmed Yousef, le cerveau du premier attentat contre le World Trade Center en 1993, permet d’éventer l’opération Bojinka. Ce complot visait à faire exploser des avions de ligne à destination des USA ainsi qu’à détourner des appareils pour détruire les tours jumelles ou le quartier général de la CIA.

Des apprentis pilotes kamikazes étaient en formation aux USA alors qu’un certain Khalid Sheikh Mohammed était une des chevilles ouvrières du projet terroriste. Considéré comme le cerveau des attaques du 11 septembre 2001 et soumis à la torture (simulation de noyade) lors de ses interrogatoires, il sera jugé par un tribunal militaire d’exception, à Guantanamo Bay. A huis clos.

Derrière Ben Laden, l’Arabie Saoudite ?

Se sachant en danger, pourquoi les USA n’ont-ils dès lors pas pris des mesures pour éviter la catastrophe ? Tout simplement parce que le terrorisme islamiste n’était plus une priorité pour l’administration Bush, répond le journaliste Fabrizio Calvi. « La cible de Bush au début de sa présidence, c’était l’Irak et son pétrole. Il voulait renverser Saddam Hussein. » Ben Laden n’est donc plus l’ennemi public numéro un qu’il était à l’époque du président Clinton. Une preuve ? Le Saoudien, pourtant recherché par toutes les polices, mais étrangement pas pour les attentats du 11 septembre, s’est fait soigner en juillet 2001 dans l’hôpital… américain de Dubaï pour une infection rénale. Il en profite pour rencontrer sa mère notamment ainsi que le représentant local de la CIA, relève Richard Labévière. Et pour cause : « Ben Laden est l’enfant légitime des services saoudiens et de leurs parrains américains. » Un enfant traité dès 1979 par les services américains pour collecter de l’argent et enrôler des volontaires pour la résistance contre l’envahisseur ( ???) soviétique. Eh oui, le terrorisme islamiste est aussi une invention américaine comme on l’oublie trop souvent.

Ben Laden ne retourne sa veste qu’en 1990, au moment où les troupes américaines entrent en Arabie saoudite pour la guerre du Golfe. « Notre pays est devenu une colonie des Américains », expliquait-il à Robert Fisk. Un avis partagé par des princes saoudiens qui ont financé et protégé Ben Laden. « Les attentats du 11 Septembre étaient motivés par la simple présence des forces américaines en Arabie saoudite », abonde Jacques Baud, spécialiste suisse en politique de sécurité. Un message que Bush recevra cinq sur cinq en 2003.

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Complot ou incompétence ?

Mais cela n’explique toujours pas les ratés du 11 septembre. Pour Calvi, la catastrophe – totalement évitable – est due aux erreurs d’aiguillage, à l’incompétence, à la bureaucratie et à un réel manque d’imagination des services américains. Il y avait alors une guerre des services entre le FBI, la NSA, l’armée et la CIA. Une guerre qui affaiblissait la capacité de réaction du pays.

Ensuite, les responsables de la sécurité ne faisaient pas confiance aux néoconservateurs qui avaient les clefs de la Maison Blanche en janvier 2001. Et ces derniers le leur rendaient bien… Autre bombe que vient de lâcher Richard Clarke, tsar de l’antiterrorisme US sous Clinton et Bush : les attentats auraient pu être évités si la CIA avait averti le FBI de la présence aux USA des kamikazes Khalid Al-Mihdhar et Nawef Al-Hazmi. Or l’agence s’est tue. Elle voulait les retourner.

Mais y voir un complot serait aller trop loin, souligne Fabrizio Calvi. « Si cela avait été le cas, des centaines de personnes auraient été dans la confidence. Il y aurait eu des fuites. » Or, comme Anne, il n’a rien vu venir de concret.

« En cas de complot, seule une poignée de personnes sait ce qui se passe, rétorque Daniele Ganser. Les autres exécutent ce qu’on leur a ordonné de faire. Sans savoir qu’ils participent à une action plus vaste. » En outre, une opération d’influence de ce type n’aurait pas été une première pour les USA. En 1962, le plan Northwoods devait amener l’opinion publique américaine à soutenir une guerre contre Cuba en faisant en sorte qu’un faux avion charter américain soit abattu par la chasse de Castro.

Alors, complot ou pas ? Bush s’est-il tricoté un nouveau Pearl Harbour ? « Un événement catastrophique et catalytique » qu’appelaient de leurs vœux en 2000 les Dick Cheney, futur vice-président, ou Donald Rumsfeld, futur ministre de la Défense, dans un rapport intitulé « Reconstruire les défenses de l’Amérique ». L’enjeu : faire des USA « la puissance dominante de demain ».

Dès lors, est-ce qu’une partie du gouvernement aurait laissé agir Ben Laden ? Ou pire, aurait organisé le coup en utilisant l’épouvantail Ben Laden qui jura après le 11 septembre n’y être pour rien alors que le FBI n’a jamais recherché le Saoudien pour sa participation dans les attentats américains ?

Après tout, ce gouvernement a menti sur la présence d’armes de destruction massive pour justifier la guerre en Irak en 2003. Tout comme le président Johnson avait utilisé un faux accrochage entre des navires nord-vietnamiens et américains pour justifier l’intervention US au Vietnam.

Fisk, attablé dans un restaurant de Beyrouth, sourit. « Comme je l’ai écrit à plusieurs reprises, l’administration Bush a quasiment tout raté. Alors comment aurait-elle pu cacher une telle affaire ? »

Tout le monde est d’accord sur un point : le doute autour du 11 septembre est surtout dû à la faillite de la commission d’enquête qui s’est appuyée sur des informations obtenues sous la torture ou a écarté des témoignages susceptibles de contredire ses thèses. Notamment ceux des survivants qui disent avoir entendu de grosses explosions dans les tours lors de leur effondrement.

« Ses impasses sont telles qu’elles lui valent le surnom de “commission des omissions”, ironise Fabrizio Calvi. Il est évident qu’une nouvelle enquête sérieuse serait nécessaire. » Mais le pire fut sans doute la nomination de Philip Zelikow au poste de directeur exécutif de la commission. Ce dernier était un proche de Condoleezza Rice et il fit son possible pour embrouiller les pistes… « Notre commission a été mise en place pour échouer », lâcha même son président Thomas Kean, amer.

A qui profite le crime ?

Si les USA voulaient utiliser le 11 septembre pour asseoir leur suprématie, avouons qu’ils ont échoué. Pour Fabrizio Calvi, la crise financière et la chute libre du dollar s’expliquent en grande partie par ces dépenses militaires inédites dans l’histoire du monde. L’empire a contre-attaqué. Mais il est aujourd’hui à bout de souffle.

Reste que le crime a néanmoins profité au complexe militaro-industriel mondial. Les dépenses militaires américaines ont bondi de 81% depuis 2001 pour s’établir à plus de 700 milliards de dollars en 2010. Tout comme les investissements dans la sécurité. Dans le même temps, des mesures limitant les libertés individuelles et permettant des actes de torture dignes de la Gestapo sont passées comme des lettres à la poste. Sans oublier que l’Occident a fermé les yeux sur une islamophobie ignoble qui a vu naître un meurtrier comme Anders Behring Breivik.

Mais s’agit-il là de la cause ou de la conséquence du 11 septembre ? C’est là que la discussion légitime sur cet événement historique, mais encore trop polluée par les disputes sans fin entre les truthers paranos et les debunkers obtus, doit avoir lieu. Le refuser serait aussi stupide que d’affirmer que tout a été dit sur les crimes nazis après le procès de Nuremberg.

« En dix ans, la société occidentale s’est construit des murailles juridiques, politiques et sécuritaires souvent en contradiction avec les valeurs qu’elle défendait avec succès depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La question de la délimitation entre besoin sécuritaire et valeurs de liberté n’a pas fait l’objet d’un débat », abonde Jacques Baud. Que le vrai débat autour du 11 septembre commence…

Comment l’ambassade américaine intervient en Suisse pour faire taire les truthers Plutôt seul au début, Daniele Ganser a été rejoint depuis par des centaines, des milliers de sceptiques. Des hurluberlus complotistes ou des anti-américains primaires comme les appellent les debunkers, les démystificateurs ?

S’il est vrai que certains veulent nous faire croire que les petits hommes verts sont responsables des attentats du 11 septembre, il y a dans le lot des travaux troublants, réalisés par des architectes, des ingénieurs, des pilotes, des pompiers, des militaires, des policiers, des journalistes…

Des quidam, bien plus nombreux aux USA qu’en Europe, qui comme David Ray Griffin, professeur américain de théologie à la retraite et un des fers de lance du 9/11 Truth Movement, se sont dit qu’un gouvernement qui avait traîné les pieds à constituer la commission d’enquête pouvait aussi avoir camouflé une partie de la vérité. Ils voulaient ainsi replonger dans les faits pour savoir si la croisade « bushienne » contre l’Islam radical était « juste ».

C’est le cas du conseiller national vert bernois Alec von Graffenried qui a signé la pétition 911untersuchen.ch comme une centaine de personnes. Mise en ligne tout dernièrement par Stefan Schaer, un journaliste bernois, elle revendique… une nouvelle enquête. Tout comme l’ONG Human Rights Watch qui veut traduire les pontes de l’administration Bush pour crimes de guerre et torture après le 11 septembre.

« Je n’adhère à aucune théorie du complot, et je me considère comme un ami des Etats-Unis. Mais devant les soupçons actuels, il faut en avoir le cœur net », souligne l’élu. Reste que faire part de ses doutes est loin d’une sinécure. « On me reproche de faire partie de fous qui croient à des théories aberrantes. Comme si poser des question n’était pas possible sans “s’asseoir dans le même bateau” que des psychopathes… »

Des pressions que Daniele Ganser connaît. « L’ambassade américaine à Berne intervient systématiquement pour faire taire ceux qui remettent en cause la version officielle. » Et l’arrivée du président Barack Obama n’a rien changé à l’affaire.

Patrick Vallélian

L’Hebdo de Genève

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