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Sarkozy, un vizir au double langage

… Le Calife ayant dîné entre la prière du Maghreb et celle de l’Icha, Shéhérazade reprit son histoire où elle l’avait laissée : Sire, dit-elle, le voyageur qui avait accompli le voyage en France n’avait pas fini son histoire, et il vécut encore de bien étranges expériences. Voici ce qu’il raconta à votre prédécesseur…

… Je me trouvai là lorsqu’il s’agit pour les Français de se trouver un nouveau Sultan. Je ne voudrais pas, Commandeur des Croyants, laisser à penser que la forme héréditaire du gouvernement de Votre Majesté n’est pas la plus parfaite, mais je dois à la vérité de dire que les propos entendus dans de pareilles circonstances ne manquent pas de laisser s’interroger sur la rationalité d’un peuple qui dit avoir tant fait pour la Raison.

L’un des vizirs du Sultan qui allait être déposé briguait depuis longtemps l’ambition de prendre la place de son maître. Cette idée le dévorait. Il aurait fait n’importe quoi pour cela, même se laisser pousser la barbe, s’il n’avait pas dit un jour qu’il pensait à cette idée « pas seulement en se rasant »… Il fut donc désormais obligé de continuer à se raser afin de laisser croire qu’il avait de la constance dans les idées. Car en réalité, la constance dans les idées n’était pas son trait de caractère dominant, comme je vais le montrer à Votre Majesté.

Je dois vous préciser, Commandeur des croyants, que ce vizir avait tenté de se forger une réputation d’ami de l’islam en réunissant d’autorité différentes organisations, qui n’attendaient qu’une douce violence pour se laisser faire… L’habile vizir sut leur donner plus : les ors officiels – qui ne lui coûtaient rien et qui font tellement plaisir à ceux qui n’y sont point habitués… Dans ce pays rongé par le démon de l’écriture, il faut en outre savoir que pour asseoir sa réputation d’homme d’Etat, il faut écrire un voire plusieurs livres…

Peu importe que votre gestion soit catastrophique, vous serez jugé d’autant plus compétent que vous aurez une bonne plume… Ainsi, l’un des séides du vizir, caïmacan d’une ville de province des extrémités de l’Empire et dont l’ambition était de passer pour un homme de culture, n’hésita pas à écrire qu’il existait « l’émergence d’une identité islamique internationale, cristallisée un moment par Saddam Hussein… » A ces mots le Calife éclata de rire, et toute la Cour avec lui ! « Mais comment, mon ami, peut-on écrire de pareilles sornettes ? » s’écria-t-il. « Tout le monde l’ignore » répondit le voyageur qui n’avait pu effectivement réussir à percer ce mystère.

Reprenant le cours de son récit, il expliqua que le vizir ambitieux avait essayé de se poser en ami des musulmans en proposant de leur accorder de nouveaux droits. Cette idée pouvait paraître généreuse ; elle était d’une habileté diabolique : en l’exprimant, il pouvait effectivement passer pour l’ami des musulmans ; en réalité, lorsque la loi existante était bafouée au détriment de ces mêmes musulmans, il se gardait bien d’en demander l’application, faisant semblant de ne rien voir… Il jouait ainsi sur tous les tableaux, plaisant à la fois aux musulmans par de bonnes paroles, et à leurs adversaires par de mauvais actes, persuadé qu’il était qu’il resterait assez de croyants suffisamment naïfs pour penser que les paroles valaient les actes…

Les adversaires des croyants semblaient pourtant bien nombreux… Peut-être, se dit le vizir, devrait-on finalement s’entendre avec eux plus qu’avec ces fidèles si faciles à berner ? Les circonstances allaient lui en donner l’occasion. Le Prophète ayant été caricaturé dans la presse de ce pays, deux associations pourtant présentées comme antagonistes, intentèrent un procès au journal qui les avait publiées.

Elles ne recueillirent que le mépris des bien pensants : « Voyez ces musulmans intolérants qui sont incapables d’apprécier la liberté d’opinion » disaient-ils, tandis que le journal attaqué fut soutenu subitement et fermement par le vizir ambitieux, se drapant pour cette occasion dans les grands principes avec d’autant plus d’ardeur et de dignité qu’il les laissait bafouer en silence par ailleurs.

La Calife s’étonna : Tu voudrais me faire croire, dit-il au voyageur, que ce vizir, qui a l’air habile homme, n’accordait point ses paroles et ses actes et s’imaginait que personne ne s’en apercevrait ? J’ai bien peur, Sire, que ce ne soit le cas répondit le voyageur. En effet, au même moment où étaient publiées ces caricatures, à la fin de l’année 2005 et au début de l’année 2006, la France fut condamnée à deux reprises par la Cour européenne des droits de l’homme pour atteinte à la liberté d’expression dans des affaires mettant en cause différentes Eglises.

La presse de ce pays, si désireuse de défendre la liberté d’expression dans l’affaire des caricatures, n’a pas jugé utile de publier les jugements de la Cour dans ses colonnes… Cette affaire ne sembla pas troubler les prétendues convictions du vizir, montrant par là qu’il n’en avait guère, à moins de penser que la liberté d’expression ne peut s’exercer qu’à l’encontre des musulmans, ce que je me garderai bien d’affirmer.

Le voyageur se tut un instant. Tout le monde semblait d’ailleurs perplexe. Se raclant la gorge, il reprit d’une voix peu assurée : Ô ombre de Dieu sur la terre, je crains que vous ne me fassiez jeter dehors si je poursuis cette histoire, tant elle est incroyable… Je t’assure de ma protection, lui répondit le Calife. Je suis curieux d’entendre la suite de l’histoire de cet extravagant vizir, mais je discerne mal ce qu’il aurait pu faire de pire que tu n’aies déjà raconté.

Hélas, Sire, comme le dit un jour le duc de La Rochefoucauld, « tout arrive en France », et cela est bien vrai. Si le pire n’est jamais sûr, il est toujours probable avec ce vizir… Cesse de nous faire languir ! interrompit le Calife, et dis nous la suite de l’histoire. Eh bien Votre Majesté se souvient sans doute du caïmacan dont j’ai parlé tout à l’heure, qui avait écrit des sornettes…

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Le Calife approuva d’un signe de tête.

Ce caïmacan, disais-je, poursuivit le voyageur, dirigeait une grande ville, avec sa complice, la perfide Fatiah Hanom, ville qui comptait de nombreux fidèles. Certains d’entre eux avaient eu l’idée de construire une mosquée ; je vous ai déjà raconté l’histoire (1) mais Votre Majesté ayant de nombreux soucis, je me permets de la lui rappeler : alors qu’en France construire est un droit, le caïmacan et sa complice mirent non seulement le dossier de permis de construire au fond d’un tiroir, sans le faire instruire par leurs bureaux, mais en plus, ayant trempé leur calame dans une fiole de vinaigre en folie, ils écrivirent aux fidèles les mots suivants, leur demandant un islam républicain et français : « … islam républicain signifie aussi s’inscrire dans la laïcité française, c’est-à-dire ne pas affiche de signes ostentatoires d’appartenance à une religion et notamment à respecter la place de la femme dans notre société. Le port du voile n’étant pas le meilleur signe de respect de la laïcité et de l’épanouissement de la femme. Enfin, puisque nous en sommes à faire un bilan, nous conservons très vivant le souvenir de M. B*** [l’ancien recteur de la mosquée] et de ses collaborateurs nous exposant combien ils s’investissaient dans les quartiers […] votre place [dans notre ville] et ce projet de nouvelle mosquée, auraient tout de même du avoir des effets positifs quant à l’influence de vos responsables sur les populations que vous côtoyez. »

Oui, je me souviens de cela, dit le Calife d’un air songeur en se caressant la barbe ; mais je ne vois pas le rapport avec l’histoire de ton vizir…

J’y viens Sire, répondit le voyageur : devant de tels errements, divers courriers furent envoyés au vizir, dont l’un par la beya qui avait dirigé la ville avant le caïmacan, pour attirer son attention sur les violations à la liberté de religion que commettaient ses séides. Et quelle fut la réponse du vizir prétendu ami de l’islam ? Il répondit par écrit que « les collectivités locales s’administraient librement », confondant de façon étrange la liberté d’administration et la violation du droit, se proclamant toujours, néanmoins, ardent défenseur de l’islam et laissant se poursuivre des injustices à son encontre…

Mais tu ne me racontes pas là l’histoire d’un vizir s’exclama le Calife dans un éclat de rire : c’est celle d’une chauve souris ! « Je suis oiseau, voyez mes ailes, je suis souris, voyez mon poil ! » Finalement, ce vizir est un adepte du double langage que l’on reproche aux musulmans de tenir dans ce pays, ajouta-t-il… C’est exactement cela Sire, répondit le voyageur, mais ce n’est pas tout… Tu veux donc nous surprendre jusqu’à l’aube dit le Calife ?

Voyant là une invitation à continuer, le voyageur poursuivit ainsi : Votre Majesté aura sans doute de la peine à l’imaginer mais ce vizir, dont la famille était originaire d’un province des confins de l’Europe, longtemps ottomane, semblait être si peu assuré de son identité dans sa nouvelle patrie, qu’il se crut obligé d’annoncer, s’il devenait sultan, la création d’un vizirat « de l’immigration et de l’identité nationale »,après avoir resserré les conditions du regroupement familial contre ces mêmes immigrés, desquels il semblait s’exclure. Mais l’existence d’un tel vizirat n’aurait-elle pas eu pour effet d’interdire l’entrée de ce pays au père du vizir demanda le Calife interloqué ?

Je l’ignore Sire, mais je peux le supposer répondit le voyageur. C’est bien là ce qui est le plus étrange, d’autant qu’en reprochant aux immigrés – Votre Majesté doit comprendre que l’on ne désigne en réalité par ce mot que ceux qui sont de religion musulmane – de ne pas être assez bon Français, d’égorger des moutons dans les baignoires, il déclarait parallèlement lors d’une visite aux Etats-Unis qu’il se sentait souvent « un étranger dans son propre pays » et, faisant peu de cas de la solidarité ministérielle et de la solidarité nationale, il y regrettait que la France ait mis son veto à la guerre contre l’Iraq…

Mais ce vizir, a-t-il réussi à continuer longtemps à faire croire aux musulmans qu’il était leur ami ? Et d’ailleurs, est-il finalement devenu sultan ? et en plus avec leurs voix ? interrogea le Calife…

Le jour survenant, Shéhérazade s’interrompit pour laisser le Calife se reposer quelques instants…

(1) Cf. Oumma.com du 23.06.2006

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