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Quelles sont les retombées internationales de la victoire de Donald Trump ?

Même si elle ne constitue pas vraiment une surprise, la victoire électorale de Donald Trump ne manquera pas d’avoir un impact retentissant, non seulement à l’intérieur des Etats-Unis mais aussi sur la scène internationale. Il est normal que l’élection présidentielle qui devrait décider de la politique de la plus grande puissance mondiale intéresse à ce point le reste du monde. Les retombées de la victoire de Donald Trump sur la scène internationale s’annoncent importantes, même si elles vont varier d’une région à l’autre.

Les Européens sonnés par la victoire de Trump

« L’élection présidentielle américaine que l’Europe attendait aussi tétanisée que la biche devant les phares d’une voiture », comme le soulignait l’éditorialiste du Monde (1) a enfin accouché de la victoire tant redoutée de Donald Trump.

Le quotidien français des affaires, Les Echos, avait averti : « Le protectionnisme fait consensus aux Etats-Unis, côté démocrate comme côté républicain. Mais l’agressivité de Donald Trump effraie les Européens, qualifiés, au même titre que la Chine, de « prédateurs » par un de ses proches conseillers. » (2)

Radio France fait le même constat : « La victoire probable de Donald Trump survient dans un monde différent de celui qu’il a connu en 2016, lors de son premier mandat ; plus fracturé, plus dangereux. Dans ce contexte, c’est l’Union européenne, divisée et fragilisée, qui risque d’en être la première victime. » (3)

Euronews n’est pas moins alarmiste : « Une victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine pourrait bouleverser les relations avec l’UE sur des questions allant du commerce à la sécurité en passant par l’aide à l’Ukraine. » (4)

Le président Emmanuel Macron a posté sur X un message pathétique : “Félicitations Président Donald Trump. Prêt à travailler ensemble comme nous avons su le faire durant quatre années. Avec vos convictions et avec les miennes. Avec respect et ambition. Pour plus de paix et de prospérité“.

Mais la langue de bois diplomatique, à laquelle a eu recours Macron, ne doit pas cacher les craintes que devrait avoir la France et qui sont exprimées plus franchement par l’ancien président François Hollande sur BFMTV : “Avec Trump, ça n’est pas simplement la répétition de ce que nous avons connu dans le premier mandat: il y aurait une augmentation immédiate des droits de douane, donc un protectionnisme comme jamais on l’a connu, dont les Européens – et pas simplement les Chinois – seraient les victimes” (5)

L’Europe ne redoute pas seulement plus de protectionnisme américain qui risque d’être catastrophique pour l’économie européenne.

Elle redoute également la nouvelle forme d’isolationnisme que pourrait cultiver le nouveau président américain. “la guerre en Ukraine s’arrêtera sans doute si Trump gagne, mais au bénéfice de Poutine. Et si Poutine gagne, il ne s’arrêtera pas, il ira un peu plus loin: Géorgie, c’est en train d’être fait, Moldavie nous verrons bien. Mais l’Arménie est déjà sous son contrôle, l’Azerbaïdjan sous sa tutelle.” », avertit François Hollande (6)

Bien entendu, il faut nuancer ces craintes européennes. S’il n’écarte pas complètement le scénario d’une coupure des livraisons d’armes à l’Ukraine, l’analyste du German Marshall Fund, Bart Szewczyk,  estime qu’ « Il est plus probable qu’une administration Trump poursuive les livraisons d’armes à Kiev, mais demande à l’Europe de payer la facture. Le soutien global actuel de l’UE à l’armée ukrainienne est estimé à 43,5 milliards d’euros, selon les données de l’Union, mais ce montant pourrait atteindre 200 milliards d’euros si un tel scénario devenait réalité.» (7)

Dans le cas contraire, il y aurait probablement “le chaos, un mélange de tentatives d’accord de paix, la poursuite des livraisons d’armes, des arrêts et des départs, sans aucune logique ou raison”, prévient l’analyste européen.

Une chose est sûre. Le retour aux affaires de Trump constitue un véritable défi à la politique européenne, qui devrait se rappeler ce que disait Angela Merkel le 28 mai 2017 : « « Nous Européens devons vraiment prendre notre destin en main. Nous devons nous battre pour notre avenir, pour notre destinée, seuls, en tant qu’Européens. » (8)

Mais pour cela, l’Europe doit faire des efforts budgétaires colossaux et surtout surmonter ses divisions, ce qui n’est pas gagné quand on regarde ce qui a été accompli depuis. Les dépenses de défense de l’Allemagne ne dépassent guère 1,3% du PIB, alors qu’elles devraient atteindre 2% selon l’Otan (9)

Seule la Pologne semble prendre au sérieux la crainte de devoir compter sur elle-même en cas de désengagement américain, puisqu’elle a augmenté son budget de défense pour atteindre 4% de son PIB. Mais, ironie du sort, elle le fait en dehors de l’Europe, puisqu’elle est allée s’approvisionner auprès de la Turquie (24 drones Bayraktar TB2) et de la Corée du sud (48 avions de combat F/A-50)

Les retombées sur le triangle Russie-Chine-Inde

Si l’Europe a de quoi s’inquiéter au lendemain de la victoire de Trump, tout laisse penser que Poutine est en train de jubiler s’il peut un instant croire que Trump va joindre l’acte à la parole et couper toute aide militaire à l’Ukraine.

Mais les dirigeants russes qui connaissent l’imprévisibilité de Trump restent prudents, même s’ils sont heureux de voir les Démocrates quitter les commandes de l’Amérique.

Qualifiant de « banalités » les propos de Trump sur la fin de la guerre en Ukraine, le vice-président du Conseil de sécurité de la Russie, Dimitri Medvedev, a déclaré : “L’élection ne changera rien pour la Russie, car les candidats reflètent parfaitement le consensus bipartisan selon lequel notre pays doit être vaincu”.

Il ne peut pas arrêter la guerre. Ni en un jour, ni en trois jours, ni en trois mois. Et s’il essaie vraiment, il pourrait être le nouveau JFK”  a-t-il ajouté (10)

De son côté, le chef de la diplomatie russe, Serguei Lavrov, a reconnu que “Quel que soit le vainqueur de l’élection, nous ne voyons pas comment l’Amérique pourrait changer son orientation russophobe” (11)

Le changement de politique américaine sur le dossier ukrainien, en cas de désengagement ou en cas de pression budgétaire sur l’Europe, peut sans doute permettre à Moscou de respirer.

Mais cela risque de créer des tiraillements malvenus entre les deux alliés russe et chinois, dans la mesure où toute détente américaine, même relative avec Moscou, risque d’être accompagnée d’une tension économique et diplomatique avec Pékin.

La Chine a toutes les raisons de redouter le retour de Trump. « Alors que les hiérarques chinois doivent décider, d’ici au 8 novembre, du montant du plan de stimulation de l’économie, l’élection du candidat républicain outre-Atlantique pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour le pays. En cause : la volonté de M. Trump d’augmenter fortement les droits de douane sur les produits importés de Chine », avertit Philippe Escande, éditorialiste économique au Monde (12)

Sur un autre plan, dans sa guerre technologique avec la Chine, sur le dossier de la 5G par exemple, Trump ne cache pas son désir de s’appuyer sur une alliance avec l’Inde, ce nouveau géant de l’électronique et de l’informatique, qui est aussi le plus grand concurrent économique et un rival géopolitique de la Chine.

La nouvelle politique que Trump est appelé à mener risque de créer des divisions au sein des BRICS+, un groupe qui n’est pas aussi homogène qu’il le laisse paraître.

Les retombées sur le Moyen-Orient

C’est un secret de polichinelle. Le gouvernement Netanyahou n’a rien fait qui puisse aider l’Administration Biden et la campagne présidentielle de la candidate démocrate Kamala Harris et a, au contraire, tout fait pour favoriser la victoire de Donald Trump qu’il pense plus enclin à soutenir sa guerre contre l’ « axe du mal » iranien et ses alliés dans la région du Moyen-Orient.

Quelques heures après l’annonce des premiers résultats de l’élection américaine, Benjamin Netanyahou a félicité Trump :  “Votre retour historique à la Maison Blanche offre un nouveau départ pour l’Amérique et un puissant réengagement envers la grande alliance entre Israël et l’Amérique” (13)

Certes, Trump est connu pour avoir supervisé les Accords d’Abraham qui ont scellé la normalisation entre quatre pays arabes et Israël (Emirats, Bahreïn, Maroc, Soudan), et avait mis tout son poids en vue d’encourager d’autres pays arabes à faire de même (à commencer par l’Arabie saoudite).

Trump a également donné son accord pour transférer l’ambassade américaine à Jérusalem, reconnaissant de facto l’annexion de la ville sainte par l’Etat d’Israël. Il avait également ordonné la sortie de l’Accord sur le nucléaire iranien.

Netanyahou a tout le droit de se réjouir du retour de Trump, s’il attend de lui un « réengagement » décisif dans la confrontation actuelle contre l’Iran et un soutien sans faille à la guerre menée actuellement par l’armée israélienne à Gaza et au Liban.

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Mais l’engagement de Trump aux côtés de l’Etat d’Israël, qu’alimente notamment sa proximité idéologique avec les milieux sionistes chrétiens, a une limite qui risque de peser lourd le jour où il va prendre connaissance du livre de comptabilité, et plus particulièrement des sommes colossales que le Trésor américain a dépensées dans l’effort de guerre israélien durant l’année écoulée.

En effet, le dernier rapport du Watson Institute a révélé que l’aide militaire des États-Unis à Israël durant l’année écoulée s’est élevée à 17,9 milliards de dollars, auxquels il faut ajouter 4,86 milliards de dollars en opérations militaires américaines au Moyen-Orient, notamment au Yémen. (14)

Au lieu de jubiler, Netanyahou devrait méditer cette déclaration à chaud du nouveau locataire de la Maison-Blanche Trump : « Je ne vais pas commencer de guerres, je vais les arrêter » qui a été reprise à la une du Times of Israël (15)

Les dirigeants des pétromonarchies réactionnaires du Golfe, qui n’apprécient guère idéologiquement les Démocrates américains, ne doivent pas pour autant s’attendre à de meilleurs lendemains. Leur avarice risque d’être mise à mal. La nouvelle Administration Trump ne va pas se gêner pour leur faire payer très cher la protection américaine contre l’épouvantail iranien.

Le parapluie américain risque de coûter très cher, et rares sont les pays capables de payer le prix fort exigé par Trump. Comme un malheur ne vient jamais seul, les pays qui attendent de l’Amérique leur salut doivent faire non seulement avec l’imprévisibilité légendaire d’un président fantasque, mais aussi avec sa fascination pour la force, y compris quand cette force émane de pays qui refusent tout rapport de vassalité à l’égard de l’Empire.

A cet égard, il convient de se rappeler la déclaration de Trump datant de janvier 2016, dans laquelle il n’avait pas hésité à faire l’éloge du dirigeant de la Corée du Nord, Kim Jong-un. «Ce gars n’est pas là pour amuser la galerie. Et nous ne pouvons pas nous amuser avec lui non-plus. Parce qu’il a réellement des missiles et l’arme nucléaire.» (16)

Rappelons-nous également la volte-face de Trump dans le cadre du conflit libyen en 2019. Croyant à tort que le général Khalifa Haftar allait pouvoir prendre rapidement Tripoli par la force, Trump l’a d’abord soutenu, avant de se raviser et de se retourner contre lui quand il a a été arrêté dans sa marche vers la capitale libyenne par l’intervention turque. (17)

Aujourd’hui, les choses sont claires. Place désormais à la doctrine réaliste des relations internationales. L’Europe et ceux qui croient à ses balivernes idéologiques n’ont qu’à s’essuyer avec. Les forces déterminées à défendre leurs intérêts stratégiques et leur souveraineté, aussi bien au Moyen-Orient qu’en Afrique du Nord, n’ont pas d’autre choix que de montrer leurs dents.

Dans ce cas, il n’est pas dit que la nouvelle Administration républicaine sera moins pragmatique que l’Administration démocrate acquise à un interventionnisme dont le messianisme idéologique n’a rien à envier au messianisme religieux des milieux sionistes chrétiens.

La guerre économique qui va s’aiguiser entre les grands blocs géopolitiques (USA, Europe, Chine, Inde) peut même constituer, le cas échéant, une opportunité pour les pays du sud global qui ne craignent pas de lutter en vue de négocier une meilleure insertion dans la division internationale du travail, plus équitable et plus solidaire.

Notes :

(1) Le Monde du 06/11/2024

(2) Les Echos du 05/11/2024

(3) Radio France 06/11/2024

(4) Euronews 05/11/2024

(5) BFMTV 04/11/2024

(6) BFMTV 04/11/2024

(7) Euronews 05/11/2024

(8) Le Monde 06/11/2024

(9) Le Monde 06/11/2024

(10) Politico 05/11/2024

(10) Politico 05/11/2024

(12) Le Monde 04/11/2024

(13) The Times of Israël 06/11/2024

(14) Watson Institute for International & Public Affairs, octobre 2024)

(15)The Times of Israël 06/11/2024

(16) Le Figaro 11/01/2016

(17) Le Figaro 02/01/2020

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