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Quand un ministre se sert des Roms pour séduire les électeurs d’origine maghrébine

Récupération. Dimanche, le ministre de la Défense et président du Nouveau Centre, Hervé Morin, a déclaré que les Roms étaient les successeurs des Français d’origine maghrébine dans le rôle du bouc émissaire de la société. Un propos issu et renvoyé à la communauté musulmane en vue des prochaines élections.

La scène s’est déroulée hier, lors de l’université d’été du Nouveau Centre. A l’occasion de son discours de clôture, Hervé Morin, président du parti centriste et membre du gouvernement, a tenu un aparté inattendu :

« Après 50 ans de bons et loyaux services, c’est avec beaucoup d’émotion, mais il est vrai avec un certain soulagement, que les Français d’origine maghrébine ainsi que moi-même sommes très fiers de passer officiellement le relais aux Roms comme boucs émissaires et responsables de tous les maux de la France. »

Ces mots lui auraient été communiqués au travers d’un « texto, plein d’humour », envoyé sur son portable par un « ami musulman, bien intégré, ayant réussi dans les affaires et qui se sent français ». L‘individu est probablement un proche d’Hervé Morin, militant ou sympathisant du Nouveau Centre, puisqu’il est « présent dans la salle » après avoir également « marqué des buts hier soir » en comité plus restreint.

Humour noir

Si Libération se contente de relayer sobrement la déclaration du ministre, Le Monde préfère s’en offusquer vulgairement, qualifiant le propos de « blague de l’Arabe qui se moque des Roms ».

Il n’en est rien : la plaisanterie, circulant depuis une semaine dans la communauté musulmane, accable davantage le pouvoir politique dans sa stigmatisation d’une nouvelle communauté, en l’occurrence les Roms.

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Ahmed Khelifi, ancien candidat Modem aux élections législatives, avait ainsi posté, vendredi dernier, la phrase dans son statut facebook à l’attention de plus de 3000 de ses « amis » dont certains sont précisément des élus Nouveau Centre. Contacté par Oumma, il se déclare consterné par l’usage de cette boutade par Hervé Morin. Selon ce fiscaliste francilien, « la question n’est pas de savoir si les Arabes doivent se réjouir d’avoir passé aux Roms -des citoyens européens libres de circuler dans l’espace Shengen- le relais du bouc émissaire des maux de la France, justifiant ainsi le racisme national. Il s’agit plutôt de se demander si, en faisant systématiquement souffrir la nouvelle vague d’immigration, la France ne chercherait t-elle pas à légitimer et à institutionnaliser le racisme ».

L’homme déplore tout particulièrement la désinvolture souriante d’Hervé Morin à l’évocation de la plaisanterie, racontée, selon le ministre lui-même, « pour détendre » les militants rassemblés. Pour cet ancien membre du Modem, qui veut désormais se consacrer à favoriser l’émergence d’élus locaux issus de la diversité, Hervé Morin n’aurait pas saisi la gravité de la boutade, préférant en rire plutôt que d’en tirer les conséquences.

Mise en concurrence communautaire

Par sa démarcation de la politique ultra-sécuritaire du gouvernement, le ministre prépare sa candidature aux élections présidentielles de 2012. Alors que la rumeur de son départ -lors du prochain remaniement ministériel- s’amplifie, le président du parti de centre-droit tente déjà d’attirer de nouveaux électeurs. Le vote musulman sera, à cet égard, un enjeu majeur aux prochaines échéances électorales, surtout lorsque les écarts de voix peuvent se jouer à un très faible pourcentage.

Aujourd’hui encore, Hervé Morin a affirmé sa différence, à l’occasion d’un entretien avec le Figaro : « Il est toujours mieux d’avoir deux cultures qu’une seule. Il y a longtemps que la France n’est plus seulement rurale, catholique et blanche. Ne négligeons pas la richesse de ces Français, héritiers de l’immigration et non pas issus de l’immigration, car ils sont une formidable chance pour notre pays dans un monde globalisé ». Un électorat, « héritier de l’immigration », qu’il faudra rapidement séduire et conquérir, au risque d’être devancé par Dominique de Villepin ou Francois Bayrou.

Un incident survenu récemment au sein du Nouveau Centre illustre la tentative de rééquilibrage du parti. Début août, des militants divisés du Loiret ont dû se résoudre à proposer l’exclusion d’un des leurs, organisateur d’un apéro islamophobe qui a fait scandale à Orléans. L’intéressé, dénommé Martin Berthelot, a démenti toute connotation raciste dans sa démarche, préférant finalement démissionner du Nouveau Centre. Pour le parti, désormais, l’affaire est close.

Mais, dans l’avenir, de nouvelles turbulences ne sont pas à exclure. Les 20 prochains mois seront sans doute émaillés, de toutes parts et en vue des élections présidentielles, de postures politiques particulières, à caractère raciste ou anti-raciste, et uniquement destinées à flatter de nouveaux électeurs. Quant à Hervé Morin, ministre en charge -depuis déjà trois ans- de la Défense, les Afghans victimes des « dommages collatéraux » de l’OTAN lui seraient sans doute également reconnaissants de ne plus faire d’eux les « boucs émissaires » du terrorisme international.

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