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Oumma.com, un « remarquable site » selon les Etats-Unis (Wikileaks)

Surprise, surprise. Parmi les documents diplomatiques en cours de divulgation par Wikileaks, un télégramme américain fait référence à Oumma.com, un « remarquable site » avec lequel les Etats-Unis partagent les mêmes « valeurs ». Décryptage.

Comment chagriner Bernard-Henri Lévy mais aussi Christophe Barbier, Caroline Fourest, Mohamed Sifaoui ou Alexandre Adler ? En portant à leur connaissance l’un des mémos dévoilés par Wikileaks et issus de l’ambassade américaine de Paris. Ces détracteurs réguliers d’Oumma.com seraient fort troublés d’apprendre que le site, qualifié en janvier dernier de « remarquable » par l’ambassadeur Charles Rivkin, est envisagé par les Etats-Unis comme une plate-forme adéquate pour rencontrer des « activistes politiques et médiatiques » avec lesquels des « valeurs » communes sont « partagées ».

Cet éloge singulier n’est pas exactement une révélation pour l’équipe d’Oumma : nous entretenons effectivement des rapports cordiaux avec le personnel de l’ambassade et ce contact privilégié nous a permis, par exemple, de décrocher l’exclusivité d’un entretien avec Farah Pandith, membre de l’Administration Obama. Mais pour certains faiseurs d’opinion, prompts à caricaturer Oumma en obscure officine, proche des Frères musulmans et –cela va de soi- farouchement anti-américaine, ces qualificatifs vont à l’encontre du cliché qu’ils colportent dès que l’occasion s’en présente. L’éditorialiste-tout-terrain Alexandre Adler avait ainsi exprimé sur RMC l’idée piquante selon laquelle des « messages proches d’Al Qaida » étaient relayés par Oumma. Au passage, il redora notre image intrigante et glamour en révélant que le site était « surveillé en permanence par le ministère de l’Intérieur ». Bigre : Oumma.com, espionné par Brice « Big Brother » Hortefeux, serait-il à la fois le télégraphiste discret d’Al Qaida et un partenaire estimable pour les Etats-Unis ? Voilà un paradoxe qui devrait nourrir d’intéressantes théories du complot du côté de BHL & co.

Sans langue de bois

Plus sérieusement, les mémos de l’ambassade américaine de Paris, loin d’être embarrassants, témoignent d’une étonnante franchise de la part des diplomates américains quant à l’état des discriminations en France. Au lendemain des révoltes urbaines de 2005, un mémo, rédigé par l’ancien ambassadeur Craig Stapleton, déplorait le manque de « volonté de la société française de faire face aux préjugés qu’elle entretient à l’encontre des Noirs et des Arabes ». Un jugement exprimé après avoir évoqué dans le même télégramme les critiques, vues comme complémentaires, de Tariq Ramadan et Alain Finkielkraut sur la désaffection de la « République » à l’égard des banlieues. L’ancien ambassadeur désavoua au passage un commentaire méconnu d’Alain Juppé, alors maire de Bordeaux et actuel ministre de la Défense, sur la « responsabilité » du facteur islamique dans les émeutes. Selon Craig Stapleton, il s’agit là d’un grossier contre-sens : « Les gangs de jeunes exclus qui ont perpétré les incendies de voitures ne sont pas des islamistes, pas plus qu’ils ne sont motivés par la religion. Il est particulièrement trompeur –comme le font souvent les médias- de les qualifier d’« insurgés » ou de jeunes « musulmans ». La colère de ces jeunes s’explique par le fait qu’ils soient pris au piège, sans avenir, confrontés à des préjugés raciaux largement répandus et sans les ressources suffisantes pour acquérir un emploi et le respect qui leur est dû ».

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« Neither whores nor submissives »

Le diplomate a également fait état d’un entretien avec une porte-parole de Ni Putes Ni Soumises : après avoir dénoncé une prétendue emprise des islamistes, celle-ci a indiqué que les émeutiers de 2005 étaient les mêmes personnes qui « tenaient en otage » les quartiers populaires, donnant à croire à l’ambassadeur qu’il existerait une menace redoutable en provenance d’obscurs « truands islamiques ».

Trois mois plus tôt, un autre télégramme lançait, plus généralement, un signal d’alerte : « La France n’a pas seulement un problème d’intégration ou d’immigration ; elle doit aussi agir pour donner une place aux musulmans dans l’identité française ». Les mémos de la période 2005/2010 font globalement état de la même préoccupation pour les Etats-Unis : inciter discrètement les autorités françaises à s’inspirer de l’expérience américaine en matière de lutte contre les discriminations et de promotion de la diversité. Pourquoi un tel intérêt ? L’une des raisons affichées, et qui n’est guère un secret de polichinelle, est la volonté de combattre le terrorisme en s’attaquant à la racine : le sentiment de déclassement social qui pourrait, selon le Département d’Etat, entraîner une dérive de certains jeunes vers le radicalisme et la lutte armée.

Evidemment, il s’agit aussi pour les Etats-Unis de repérer dans la société civile ceux qui, demain, auront un rôle influent dans les sphères politiques, économiques, médiatiques et culturelles. Nouer des contacts et proposer des échanges transatlantiques a toujours été une pratique de la politique étrangère américaine. Seule différence, cette fois-ci : ne plus s’intéresser uniquement aux produits des élites traditionnelles mais sélectionner de plus en plus de jeunes leaders d’opinion de culture musulmane et issus des banlieues. Une politique agressive et efficace mais dérangeante pour les autorités françaises qui payent de la sorte le dédain manifeste de la République à l’encontre de ses enfants les plus typés. Comme le déplorait l’ancien ambassadeur américain dans un mémo du 9 novembre 2005, « le vrai problème est l’échec de la France blanche et chrétienne à considérer ses compatriotes à la peau sombre et musulmans comme des citoyens à part entière ». Cinq ans plus tard, au vu de certains  débats passionnels autour de l’identité nationale, la burqa, le halal, ou la déchéance de la nationalité, le problème n’en est que plus évident.

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