Médecins sans Frontières, Amnesty International, même théâtres d’opération, même combat, et en l’occurrence même constat accablant au sujet de la Libye, dont la foudroyante croisade occidentale devait briser toutes les chaînes, et qui, livrée à elle-même, se retrouve prisonnière de la barbarie à visage humain.
Libérée, la Libye ? A en juger par le chaos qui y règne, et la torture qui sévit de plus belle, il semble bien qu’elle ait troqué ses fers d’hier contre d’autres plus répressifs encore.
Le nouveau gouvernement libyen peut toujours se draper dans une respectabilité immaculée, son autorité morale est souillée par les révélations des atrocités commises sur des prisonniers, anciens partisans de Kadhafi, dont plusieurs ont été torturés à mort.
C'est au tour de Médecins sans Frontières (MSF) de s’en faire l’écho, après avoir soudainement mis un terme à sa mission dans la ville de Misrata, quand des hauts fonctionnaires libyens l’ont approché pour soigner des détenus, victimes de sévices, afin de leur permettre de poursuivre leurs interrogatoires musclés sur certains d’entre eux.
La sonnette d’alarme a été tirée par les ONG, comme le relate le journal britannique The Independent, n’ayant de cesse d’alerter sur les nombreuses violations des droits de l’homme perpétrées par les collectivités locales, qui ont reçu la torture en héritage, et la perpétuent par habitude. Ainsi, les Africains subsahariens, accusés d’être des mercenaires pendant le conflit, sont particulièrement dans la ligne de mire du pouvoir.
MSF a, pour sa part, traité 115 individus dont les blessures portaient les stigmates de terribles supplices, tous ayant fait l’objet d’un rapport circonstancié transmis aux autorités libyennes. Depuis janvier, des patients remis aux centres d’interrogatoires ont été de nouveau martyrisés, à la consternation des représentants de MSF : « Quelques officiels ont cherché à exploiter et à entraver le travail médical de MSF » a vivement déploré Christopher Stokes, directeur général de l’organisation, avant de s’indigner : « les patients nous été amenés pour bénéficier de soins médicaux entre deux séances d’interrogatoires, pour qu’ils soient de nouveau sur pied et en subir d’autres. Ceci est inacceptable. »
Le représentant des Nations Unies en Libye, Ian Martin, hausse le ton également pour dénoncer une hémorragie de violences : « L’ancien régime a certes été renversé, mais pour autant la réalité à laquelle est confrontée la population reste effroyable, et profondément enracinée dans un lourd héritage » a-t-il déclaré.
De son côté, le ministère des Affaires étrangères anglais exige que le Conseil National de Transition libyen se penche urgemment sur les rapports alarmants de MSF : « Les faits relatés par MSF sont choquants, et il incombe aux autorités libyennes d’examiner les lourdes allégations qui pèsent contre elles. Nous condamnons toutes les violations des droits de l’Homme, et nous insistons sur le fait que le gouvernement transitoire doit se conformer aux règles internationales en vigueur et rompre définitivement avec le passé » a indiqué un porte-parole officiel.
Les Zorros du nouvel ordre mondial ont fait de l’élimination du colonel enturbanné, Mouammar Kadhafi, un casus belli, sous l’oriflamme de la "guerre humanitaire", un concept belliqueux à l’oxymore retentissant, mais qui n’a choqué ni les antichambres du pouvoir, ni ému dans les chaumières… Les conséquences désastreuses de leurs hauts faits d’armes sauront-elles à tout le moins éveiller les consciences internationales ?
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