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L’islamophobie, un “racisme respectable”

Pierre Tévanian vient de publier Le voile médiatique. Un faux débat : «  l’affaire du foulard islamique », Editions Raisons d’agir. 144 pages, 6 euro.

Vous dites, dans votre livre Le Voile médiatique, que l’opinion a massivement consenti à la loi interdisant le voile à l’école, mais qu’elle ne l’a pas voulue.

Oui, ce sont deux choses totalement différentes. La volonté se manifeste par une démarche active, une demande, tandis que consentir, ou accepter, c’est simplement laisser quelqu’un d’autre vous imposer quelque chose sans y résister. Pour prendre une image simple, celui qui veut un café entre dans un bar ou un restaurant et demande un café, et s’il n’y en a pas, il s’en va chercher ailleurs. Tandis que quelqu’un qui accepte un café est quelqu’un qui commande un repas sans commander de café. C’est seulement lorsque le restaurateur lui propose un café qu’il est en position de l’accepter. C’est exactement ce qui s’est produit avec la loi sur le voile. Il n’y a eu aucune demande sociale en faveur de la loi sur le voile – ou en tout cas une demande sociale très, très, très faible. Aucun groupe social ne s’est massivement mobilisé pour demander une telle loi. Ni les professeurs, ni – encore moins ! – les parents d’élèves, ni – encore moins ! – les élèves. Ni les féministes ! Ni manifestation, ni pétitions, ni même expression d’une insatisfaction par les canaux habituels d’expression des doléances : les conseils d’administration des établissements concernés, les réunions d’enseignants, les conseils de classe. Je cite toutes les données chiffrées disponibles, notamment le recensement des contentieux par la médiatrice du Ministère de l’Education nationale. Ce recensement établit qu’entre les 1994 et 2004, ce nombre de contentieux avait diminué de moitié, passant de 300 à 150. Ce qui correspond à seulement 15% des élèves « voilées ». Et encore faut-il ajouter que sur ces 150 contentieux, 146 s’étaient conclus relativement aisément par un compromis accepté par les deux parties en conflit.

S’il n’y avait pas de demande, pourquoi y a-t-il eu consentement ? Comment peut-on consentir à une loi qu’on n’a pas souhaitée ?

Précisément, comme lorsqu’on accepte un café : parce d’autres ont proposé, ou plutôt imposé, l’idée d’interdire le voile. D’autres, c’est-à-dire ni les élèves, ni les parents, ni les professeurs, mais la classe politique, relayée par les grands médias. Je cite sur ce point également toute une série de faits et de chiffres qui montrent clairement que l’initiative de ce débat revient à la classe politique. Par exemple, entre l’été 2002 et novembre 2003, sept propositions de loi sur ce thème ont été déposées au Parlement par des élus de presque tous les partis. Ensuite, en mettant en parallèle l’évolution des sondages et celle du « bruit médiatique » (mesuré au nombre de dépêches AFP et d’articles de presse mensuels), je mets en évidence une forte corrélation : plus on parle du voile dans les médias, plus la proportion d’ « avis favorables » à la loi augmente. En avril 2003, après 29 dépêches AFP et 24 articles en trente jours, les avis favorables » dépassent de seulement 4% les « avis défavorables » ; en octobre, après 61 dépêches AFP et 145 articles, cet écart se creuse : 15% ; en décembre, après 132 dépêches AFP et 115 articles, l’écart est de 40%. Et, je le répète, «  avis favorables » signifie consentement, simple acceptation, et non «  demande ». Car enfin, le sondé qui répond « oui » au sondeur n’a rien demandé à personne, il n’a pas éprouvé le besoin de sortir exprimer une demande, il se contente de répondre au sondeur. La demande vient du sondeur  ! Et qui demande au sondeur de porter cette « demande » ? Le commanditaire du sondage, c’est-à-dire un organe de presse !

Alors, pourquoi des gens consentent à quelque chose qui ne les préoccupe pas vraiment ? J’ai envie de répondre : justement parce que cela ne les préoccupe pas vraiment. Plus un sujet nous préoccupe, plus on s’y intéresse, et plus on a de chances d’acquérir une connaissance de première main sur la question, et donc un recul critique par rapport au discours médiatique.

Inversement, plus on est éloigné d’une problématique, plus notre intérêt est superficiel, et plus on prend pour argent comptant ce que raconte notre journal ou notre poste de télévision. À partir de là, il est assez logique, quand on voit la quantité d’articles et d’émissions consacrées au « problème du voile à l’école », qu’un nombre croissant d’individus se soit laissés convaincre que « le voile à l’école » était « un problème » ! Surtout quand on voit la teneur de ces articles et émissions.

Venons-en justement à la teneur de ces articles et de ces émissions. Vous intitulez votre second chapitre « La parole confisquée », et vous pointez ce paradoxe : un espace de parole démesuré a été ouvert autour du « voile à l’école », sans qu’on entende ni les élèves « voilées », ni leurs professeurs, ni les autres élèves.

Oui, je donne là dessus des statistiques édifiantes, sur la composition des plateaux télévisés, ou sur les pages « tribune libre » du Monde et de Libération. Plusieurs tendances lourdes se dégagent : une très nette préférence accordée au point de vue prohibitionniste, mais aussi une très nette préférence accordée à des responsables musulmans de sexe masculin pour représenter le point de vue anti-prohibitionniste. Cela alors que de très nombreuses femmes, célèbres ou anonymes, musulmanes voilées, musulmanes sans voile, maghrébines agnostiques ou athées, françaises de toutes origines et de toutes confessions, avaient pris parti contre cette loi, et ne demandaient qu’à faire entendre leur point de vue. Rien que par leur composition, les plateaux faisaient passer un message : il n’y a que des responsables religieux de sexe masculin pour s’opposer à cette loi ; et contre eux, toutes les femmes maghrébines qui ne portent pas le voile appellent à l’aide le législateur, elles demandent cette loi pour échapper à la tyrannie de « l’Islam des frères ». Des militants et des militantes algériens « éradicateurs » parmi les plus virulents ont eu le monopole de la représentation des « démocrates » et « féministes » algériens, alors que de nombreux démocrates et féministes algériens défendaient un point de vue anti-prohibitionniste. Idem pour l’Iran : Chahdorrt Djavann a été érigée en héroïne et en porte-parole de toutes les femmes iraniennes opprimées, alors que de nombreuses femmes iraniennes, autrement plus légitimes, tenaient un tout autre discours. Je rappelle dans le livre la manière dont le point de vue de Shirin Ebadi a été occulté : Prix Nobel de la Paix, militante féministe ayant combattu le voile obligatoire en Iran, elle s’est prononcée contre l’interdiction du voile dans les écoles françaises. Au nom d’un même principe : la liberté individuelle. C’est cela qu’a dit Shirin Ebadi : les femmes doivent avoir le droit de choisir leur tenue vestimentaire, on ne doit pas les forcer à mettre un voile si elles ne le veulent pas, mais on ne doit pas non plus les forcer à l’enlever si elles veulent le porter. Et son second argument, tout aussi fort, était l’importance de l’école pour l’émancipation des filles.

Idem, enfin, pour les « beurettes », comme les appellent les grands médias : le discours caricatural et extrêmement brutal des Ni putes ni soumises a été présenté comme « la voix des sans-voile », pour reprendre un titre du journal Libération. Sur ce point, je croise plusieurs enquêtes qui, toutes, montrent que le discours des Ni putes ni soumises est en totale déconnection avec le vécu et le point de vue de ces « sans voile », ces filles qui ont grandi dans des familles musulmanes mais qui ne portent pas le voile. Très massivement, plus encore que les garçons et que les autres filles, elles sont hostiles à l’interdiction du voile, et à sa conséquence inévitable : l’exclusion.

Cette conséquence inévitable a également été absente des débats. Vous parlez d’un débat « abstrait et désincarné ».

Oui. Cette occultation va de pair avec l’absence des élèves voilées dans les débats. On a parlé du « voile à l’école », les mots eux-mêmes le montrent : on a oublié que sous ce voile, il y avait des personnes, des adolescentes, des élèves qui souhaitaient poursuivre normalement leur scolarité à l’école publique. Et on a oublié que l’interdiction du voile impliquait, comme toute interdiction, une sanction pour toute personne ne s’y pliant pas. Bref : on n’a quasiment pas prononcé le mot « exclusion », alors que c’est la conséquence la plus patente de la loi. Posée en termes concrets, la question de la loi sur le voile était la suivante : une élève qui refuse d’enlever son foulard à l’école doit-elle être exclue ? Mais la question n’a jamais été posée ainsi, à une exception près, sur laquelle je vais revenir. Les débats ont au contraire été caractérisés par une incroyable montée en généralité : oubliée la salle de classe, oubliés les élèves, le professeur, l’interdiction, le conseil de discipline, l’exclusion, le devenir de l’élève exclue, ou le ressenti de l’élève dévoilée de force, on préfère se focaliser sur « le voile » en général, voire sur des notions aussi vagues que «  l’islam », « l’islamisme », « l’islamisation », « l’islam politique ». Cette désincarnation et cette abstraction ont largement contribué à la production d’un consensus prohibitionniste, en empêchant toute possibilité d’empathie avec l’élève « voilée » menacée d’exclusion. Dire « non au voile » est facile, surtout lorsqu’on a en tête tous les clichés réactivés quotidiennement au sujet du « voile » ou de « l’Islam et les femmes » ; dire oui à l’exclusion d’une élève aurait été beaucoup plus difficile. Je cite deux sondages qui mettent très bien en évidence l’impact des termes de la question sur la réponse donnée par l’opinion publique : en avril 2003, lorsqu’on demande aux sondés de se positionner sur « le voile à l’école », les trois quarts se prononcent « contre » le voile à l’école ; par contre, lorsqu’on leur demande de se positionner par rapport à « l’interdiction », ils ne sont plus que la moitié à vouloir interdire le voile ; enfin, lorsque la question évoque la possibilité de l’exclusion, il n’y a plus que 22% des sondés pour approuver l’exclusion d’une élève qui refuserait d’enlever son voile. Ces chiffres montrent clairement qu’il y avait bien des préjugés défavorables à l’égard du « voile » avant le matraquage médiatique qui a duré de mai 2003 à mars 2004 : 74% de réponses « contre le voile à l’école  ». Mais ils montrent aussi que sans ce battage médiatique (sans cette prolifération de discours évoquant « le voile » mais pas les élèves qui le portent, ni le risque d’exclusion et de déscolarisation), la loi anti-foulard n’aurait jamais été acceptée : sur les 74% de sondés se déclarant « contre le voile à l’école », seuls 22% étaient réellement prêts à assumer les conséquences de la loi : exclure une élève simplement parce qu’elle refuse de se « dévoiler ». Si on reprend ce dernier sondage, en avril 2003, lorsque la campagne médiatique débute, la moitié des Français (46%) est dans cette position particulière : hostile au « voile » comme idée, image, symbole, au point de préférer que l’élève enlève son voile, mais capable malgré tout de suffisamment d’empathie à l’égard d’une adolescente « voilée » pour refuser son exclusion en cas de refus (l’autre moitié se répartissant de manière à peu près égale entre partisans convaincus de l’interdiction, assumant l’exclusion : 22%, et opposants convaincus, se prononçant clairement pour le droit de porter le voile à l’école : 26%). L’impact du battage médiatique a été d’étouffer cette capacité d’empathie, de la neutraliser, et de jouer uniquement sur l’hostilité vis-à-vis du « voile ». Si on parle en termes plus généraux, on peut dire que l’islamophobie préexistait au matraquage sur « le voile », mais que ce matraquage l’a considérablement attisée, et lui a fait franchir un seuil qualitatif.

À tel point que, comme Saïd Bouamama, vous voyez dans la campagne sur « le voile à l’école » la « production d’un racisme respectable ».

Oui, et je cite une multitude de propos édifiants, de la part d’élus de la République ou d’éditorialistes de gauche comme de droite. Toutes les caractéristiques du discours raciste sont là : essentialisation de « l’islam  », assignation d’une signification unique et infâmante au « voile » de toutes les femmes, en tout lieu et en tout temps (qu’il soit porté à Aubervilliers, à Téhéran, Kaboul ou Aubervilliers, qu’il soit imposé, traditionnel, choisi avec la bénédiction de l’entourage ou choisi contre l’avis de l’entourage.), mise à distance et « dénaturalisation symbolique » des Français de confession musulmane, renvoyés à leur « origine immigrée » et au statut d’ « invités » qui doivent se conformer aux « lois de l’hospitalité » ! Sans parler de tous les amalgames entre voile et viol, voile et excision, voile et islamisme, intégrisme, terrorisme, fascisme, nazisme ! Je n’invente rien, je reproduis des citations inouïes. On a pu voir aussi les mêmes organes de presse qui, à juste titre, dénoncent la «  banalisation de la Shoah », n’avoir aucun scrupule à qualifier le voile d’ «  étoile jaune de la condition féminine ». Si ce n’est pas une banalisation !

Un psychanalyste a éprouvé le besoin de clamer dans Le Monde sa « haine » de l’Islam, un écrivain et un éditorialiste membre du Haut conseil à l’intégration se sont vantés d’être « islamophobes ». Là, nous ne sommes plus dans la critique des religions et de leurs dogmes, rites ou principes moraux, critique qui a toute sa légitimité, qui est un droit que je défends  ; c’est une phobie qui a été revendiquée et légitimée ! Pas un discours critique élaboré, rationnel ! Et c’est « l’islam », en bloc, qui est l’objet déclaré de cette phobie, donc cette phobie implique un mépris de toute personne se reconnaissant un lien à « l’islam », quel que soit ce lien, quelle que soit la nature de sa croyance, de sa pratique, quel que soit son comportement. Donc nous sommes bien dans un pur et simple racisme. Mais un racisme respectable, autorisé. Distingué, même ! Progressiste !

Quel bilan tirez vous de cette loi, et du débat qui l’a précédée ? Quelle est, selon vous la responsabilité respective des médias, du monde politique et de la société civile ?

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Cela fait beaucoup de questions. Le bilan de la loi est assurément désastreux, on n’a pas fini d’en mesurer les dégâts. Des déscolarisations par centaines, une profonde humiliation pour toutes les élèves qui ont dû se résoudre à ôter leur voile pour rester scolarisées, une humiliation, plus largement, pour tout l’entourage familial de ces filles, pour l’ensemble des personnes de confession musulmane, mais aussi pour l’ensemble des élèves : leur point de vue, très majoritairement anti-prohibitionniste, a été totalement ignoré, et leurs préoccupations réelles ont été totalement escamotées par l’omniprésence du « débat sur le voile ». Sur le plan idéologique, on l’a évoqué, le développement d’un « racisme respectable » : l’islamophobie, dont on a de nouvelles manifestations tous les jours : dans les mairies, les préfectures, les banques, les universités. Sur le plan politique, également, les dégâts de ce « débat » sont immenses. La gauche est désormais traversée par une fracture immense, qui n’est pas prête de se combler, car elle repose sur des divergences de fond. Je développe ce point dans ma conclusion. Division, diversion : ce « voile » a été une occasion de plus d’occuper le débat public avec des problématiques « culturalistes », en reléguant à l’arrière-plan les problèmes sociaux les plus criants : chômage, précarité, inégalités sociales (et notamment scolaires), discriminations racistes, oppression sexiste. Mais je développe aussi une autre idée : ce débat n’a pas seulement « voilé » les vrais problèmes, il en a aussi dévoilé un : le poids des représentations racistes, ethnicistes ou culturalistes au sein de la société française, y compris dans ses franges les plus à gauche et même les plus antiracistes. Il y a en effet une chose essentielle à remarquer : le référendum du 29 mai a montré que le matraquage médiatique n’est pas un rouleau compresseur irrésistible, et que lorsque les forces politiques, syndicales et associatives se mobilisent, elles sont capables de construire des « espaces publics alternatifs » (via internet, les tracts, les réunions publiques, les discussions de rue.), qui permettent de faire exister, et même triompher, un point de vue opposé au discours dominant. L’exemple du référendum est parlant : le matraquage médiatique en faveur du « Oui » a été aussi intensif que le matraquage pour la loi anti-foulard, et pourtant le « Non » l’a emporté très largement. La question qui se pose n’est donc pas seulement : pourquoi les grands médias se sont-ils à ce point mis au service de la loi anti-foulard ? (question difficile, sur laquelle je propose quelques hypothèses dans le livre), mais aussi : pourquoi un « autre espace public » n’a-t-il pas été possible autour du « voile » comme il l’a été autour du référendum ? En d’autres termes : où étaient les partis de gauche, d’extrême gauche, les syndicats (et notamment les syndicats enseignants), les associations ? Ne soyons pas injustes : quelques individus, et même quelques organisations, ont tenté de se solidariser avec les élèves menacées d’exclusion, mais en nombre insuffisant pour contrebalancer le matraquage médiatique. Pourquoi ? Là aussi, je formule quelques hypothèses, mais on peut difficilement éluder celle-ci : un rapport phobique aux élèves voilées. On ne peut pas expliquer autrement l’incroyable indifférence qui s’est manifestée à l’égard d’adolescentes – voire d’enfants – victimes d’une des formes les plus violentes d’exclusion sociale : la déscolarisation !

Je pourrais m’arrêter là car j’ai indirectement répondu à la question des responsabilités respectives des médias, des politiques et de la société civile. Chacun a sa part de responsabilité : la première responsabilité est bien entendu celle des initiateurs de la campagne, les politiques, plus précisément le PS et l’UMP : s’ils n’avaient pas lancé les hostilités, ni les médias, ni les enseignants, ni personne ne se serait attaqué aux élèves voilées, dont la présence dans l’espace public et l’espace scolaire tendait à se banaliser – et c’est à mon sens justement cette acceptation progressive, cette banalisation, qui a mis en panique une classe politique totalement coupée des processus réels à l’ouvre dans la société française.

En second lieu : les grands médias, sans qui l’initiative politique n’aurait sans doute pas pris. Même s’ils n’ont pas été les premiers initiateurs, leur responsabilité est immense, car ce sont eux qui ont érigé « le voile à l’école » au rang de « problème de société » de premier ordre, dont on parle quotidiennement. Ce sont eux qui ont écarté toutes les voix discordantes, et tous les témoignages qui auraient pu éveiller ou réveiller l’empathie du public à l’égard d’adolescentes stigmatisées et menacées de déscolarisation. Ces sont eux qui ont propagé, sous couvert d’expertise ou d’enquête journalistique, une vision totalement caricaturale de la réalité des banlieues, des « filles voilées », des « grands frères » et des « beurettes émancipées ». Je ne développe pas, tout mon livre s’étendsurcette responsabilité des médias ! Mais en une phrase je peux dire que si les grands médias avaient vraiment fait un travail d’information, montrant la réalité, et notamment celle des premières concernées, l’empathie l’aurait emporté sur les phobies, et le projet prohibitionniste des politiques serait massivement apparu pour ce qu’il était : un projet réactionnaire, brutal, absurde, inhumain (il n’y a eu aucun travail d’information de ce genre, à part quelques articles dans les pages « Société » du Monde, un bon dossier dans Télérama, et l’hebdomadaire Politis, qui est le seul à avoir vraiment, continûment, résisté à la « pensée unique » sur « le problème du voile »). Mais il y a, en troisième lieu, la responsabilité de la société civile, et plus particulièrement de cette frange de la société civile qui était dotée de suffisamment de capital politique ou social pour se constituer en contre-pouvoir et construire un « espace public alternatif », comme cela s’est fait autour du référendum : les enseignants, leurs syndicats, les associations féministes et antiracistes, les partis de gauche et d’extrême gauche. Une partie l’a fait (toute la dynamique associative «  Une école pour tous et toutes », et au niveau des médias, quelques sites comme Oumma.com, « islamlaicité », « Les mots sont importants », et bien sûr Politis, qui a maintenu une ligne très courageuse), mais devant la gravité de l’enjeu, et la force du matraquage médiatique, c’est une mobilisation unanime qu’il aurait fallu, de toute la gauche et de tous les médias alternatifs. Comme pour le référendum ! Quoi que chacun puisse penser du voile ou de la religion, l’enjeu valait cette mobilisation : des filles, de classe populaire pour la plupart, exclues de l’école !

Propos recueillis par la rédaction

Rappelons que Pierre Tévanian participera à un débat dans le cadre des Jeudi d’Acrimed :

Jeudi 20 octobre 2005, à 19 heures, 3 rue du Château d’eau, 75010, Paris.

Métro République.

« L’Islam et le voile médiatiques »

AVEC THOMAS DELTOMBE ET PIERRE TÉVANIAN

Ni l’Islam comme religion, ni le port du voile comme pratique sociale et religieuse, ni la législation sur la laïcité ne sont au-dessus de toute discussion et de toute contestation. Pas plus que ne peuvent l’être toutes les religions, toutes les pratiques sociales et religieuses et toutes les législations. Mais leur mise en scène et leur construction médiatiques, lourdes de tous les amalgames, de toutes les stigmatisations et de toutes les privations de parole, méritent d’être examinées de près.

C’est ce que nous ferons, dans le cadre des Jeudi d’Acrimed, avec notamment (autres intervenants possibles) :

  • Thomas Deltombe, auteur de L’Islam Imaginaire. La construction médiatique de l’islamophobie, 1975-205, Editions de La Découverte, septembre 2005, 22 euros.
  • Pierre Tévanian, auteur de Le voile médiatique. Un faux débat : « l’affaire du foulard islamique » éditions Raison d’Agir, Paris, septembre, 2005,

Entrée : 5,70 euros.

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