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Les autres espions de l’or noir

C’est en pénétrant en Mésopotamie, après avoir vaincu Darius III, qu’Alexandre le Grand entend pour la première fois parler du pétrole. On disait alors « naphte ». Pour l’impressionner, les Perses illuminèrent la rue menant à son palais, « et enflammèrent un de ses valets de chambre ».

A cette époque, en 331 avant Jésus-Christ, le précieux liquide servait de combustible, d’imperméabilisant pour les tentes de nomades, au calfatage des bateaux, et même de… médicament. Si depuis James Bond 007 se parfume au brut, c’est que le pétrole a pris une tout autre importance pour les grandes puissances mondiales.

Le pétrole, excrément du diable

Dans « Les espions de l’or noir » (*), Gilles Munier dresse le portrait d’agents secrets qui ont sillonné les routes sablonneuses du Proche et du Moyen-Orient. Lawrence d’Arabie, Gertrude Bell, St John Philby, Kermit Roosevelt, William Shakespear, Conrad Kilian… Journaliste indépendant, auteur d’une lettre mensuelle sur l’Irak, Gilles Munier connaît fort bien cette région du monde.

Proche de l’ancien régime irakien, il a dirigé la traduction de « Zabida et le Roi », un conte écrit par… Saddam Hussein. Gilles Munier ne s’est pas fait que des amis. Son livre, très fouillé, rappelle que le pétrole est peut-être le « maître du monde », mais qu’il apporte souvent la malédiction sur les peuples détenteurs de cette richesse. L’un des fondateurs de l’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP) l’a même qualifié d’« excrément du diable ».

Les erreurs de Lawrence d’Arabie

Le grand public connaît surtout Thomas Edward Lawrence, dit Lawrence d’Arabie, auteur des « Sept piliers de la sagesse ». Pourtant cet agent secret britannique a (presque) tout raté, choisissant le mauvais cheval, Hussein, le chef des Hachémites, et chérif de La Mecque. Si Londres avait écouté un autre espion, St John Philby, proche d’Ibn Saoud, l’or noir saoudien n’aurait peut-être pas été bradé au profit des Américains.

Philby, fils d’un planteur de café du Sri Lanka (appelé alors Ceylan), arrive à Riyad en 1917 à dos de chameau. Il est major dans le service secret des Indes. A cette époque, le centre de l’Arabie, qui n’est pas encore saoudite, n’intéresse personne. Et aucun dignitaire anglais ne souhaite rencontrer Ibn Saoud. Philby, en revanche, comprend la stature du personnage, et lui verse plusieurs milliers de livres.

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Rencontres avec Hitler et Mussolini

Il conseille aussi au futur roi d’Arabie Saoudite « de ne jamais s’engager avec des compagnies anglaises s’il voulait rester indépendant. Elles étaient bien trop liées à la couronne britannique et confondaient finances et politique ».

En 1930, Philby se convertit à l’islam, prend le nom d’Abdallah, et entre dans le conseil privé d’Ibn Saoud. Il devient concessionnaire de Ford, de Singer, et de la Socony Vacuum, une filiale de Mobil. Il se rapproche de la California Standard Oil. Politiquement, l’espion britannique a des idées très arrêtées et très à droite. Il rencontre Hitler et Mussolini lors d’un voyage en Europe en 1932.

Le père d’un espion soviétique

Philby qualifie même Hitler de « grand homme », dont « la dimension mythique égale celle de Jésus et de Muhammad ». Ce qui lui vaut d’être emprisonné à Londres en 1940. De retour en Arabie, il s’enfonce dans le désert à la recherche de vestiges de civilisations disparues et de traces laissées par les tribus juives des temps préislamiques…

Bref, le personnage est particulièrement déroutant. N’écrit-il pas dans le « Sunday Times » : « La fontaine de la chevalerie arabe a été souillée par le pétrole, la bouche des prédicateurs a été bourrée d’or » ? Philby meurt en 1960 à l’âge de 76 ans au Liban. Qui a-t-il servi finalement ? La couronne britannique ? les Arabes ? les régimes fascistes ? Les Etats-Unis ? La question mérite d’autant plus d’être posée que son fils Harold, plus connu sous le nom de Kim – le célèbre Kim Philby – a été l’un des principaux agents soviétiques en Occident pendant des décennies.

(*) Gilles Munier, « Les espions de l’or noir », Editions Koutoubia, 298 pages.

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