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Le documentaire controversé de Mohamed Sifaoui

L’émission de la télévision suisse romande, Temps Présent, n’a effectivement pas diffusé un document, qu’elle a estimé déséquilibré, sur la personne de Tariq Ramadan. Quelques précisions.

Temps Présent, une des émissions phare de la télévision suisse romande, a annoncé il y a quelques semaines, par la voix de ces deux producteurs Daniel Monnat et Steven Artels, qu’elle ne diffuserait pas un documentaire intitulé “Qui est donc Tariq Ramadan”. Ce reportage a été tourné par Mohamed Sifaoui, journaliste algérien, auteur de “Mes frères assassins – comment j’ai infiltré une cellule d’Al Qaïda” et “Lettre ouverte aux islamistes de France et de Navarre”.

Au départ, le projet prévoyait une version courte pour Envoyé Spécial de FR2 et une version longue pour Temps Présent incluant diverses séquences intéressant plus spécialement le public suisse. Visionnant le sujet à Paris, les producteurs ont constaté que, bien que le document soit bien exécuté, celui-ci posait un problème de déontologie. Ayant émis des réserves, ils ont demandés quelques modifications afin d’équilibrer le sujet. Pour Steven Artels, interviewé par téléphone, “s’il est juste de se questionner sur la véritable personnalité de Tariq Ramadan, il faut le faire dans les règles dictées par l’éthique journalistique…”.

Or, a-t-il encore expliqué, ce document, mis à part quelques petites interventions en sa faveur, n’est pas assez contre-balancé. Selon lui, il manque par exemple des témoignages de représentants des Universités de Fribourg ou de Notre Dame de South Bend aux Etats-Unis. De plus, Tariq Ramadan, pourtant “principal accusé”, ne figure dans le film que sous forme d’archives. Suite à cette projection, les producteurs avaient eu l’idée d’inviter éventuellement Tariq Ramadan sur le plateau lors de la diffusion de ce Temps Présent pour équilibrer le tout.

Comme l’a encore précisé Steven Artels, Mohamed Sifaoui a témoigné contre Tariq Ramadan, en 2003, dans le procès que celui-ci a intenté au Lyon Mag et à Antoine Sfeir, directeur de la revue des cahiers de l’Orient. (Ndlr : ce dernier a été relaxé en 1ère et 2ème instance. Par contre, le magazine, qui avait gagné devant le tribunal correctionnel de Lyon, a perdu en cour d’appel. Dès lors, condamné pour diffamation, le Lyon Mag “choqué par cette décision” avait fait part de son intention de recourir en cassation1) C’est donc dans ce contexte que la TSR a réfléchi. Entre-temps, elle avait décidé de reporter la diffusion du sujet après les votations sur les naturalisations en Suisse afin d’éviter l’accusation de semer un trouble quelconque.

Mais finalement, tout est tombé à l’eau puisque les producteurs français ont refusé de vendre le sujet à la télévision suisse romande invoquant une différence de point de vue rédactionnel. Maintenant, avait conclut Steven Artels, “les téléspectateurs jugeront eux-mêmes, sur FR2, si nous avons eu tort de considérer ce reportage déontologiquement déséquilibré”.

Le soutien de la Suisse, pourtant démocratique…

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Pendant la période du tournage, lorsque Mohamed Sifaoui arpentait les couloirs de Miséricorde à l’Université de Fribourg, le 11 juin dernier, il aurait pu, s’il l’avait désiré, rencontrer notamment un certain nombre d’étudiants parmi la centaine de signataires des deux pétitions en faveur de l’enseignant d’islamologie2. De plus, on peut imaginer sans aucun doute que toutes ces personnes, hormis le fait d’avoir suivi les cours de Tariq Ramadan, n’ont pas un seul discours, une seule opinion et qu’il n’est pas question d’un monolithe de pensées. Ceci, pour la simple raison que ces étudiants, qui se passionnent pour les sciences des religions et autres spiritualités, sont de toutes provenances, couleurs, religions, nationalités, penchants politiques, cultures, âges et conditions sociales.

“En Suisse, ils le soutiennent, pourtant c’est un pays démocratique…” a-t-on pu entendre lors d’un rendez-vous annuel de la presse à Istanbul, en juin dernier.

Cela ne pourrait-il pas signifier qu’en Suisse et à l’Université la pensée unique, fort heureusement, ne fonctionne pas encore ? Une chose est en tout cas plus que probable : si le réalisateur, Mohamed Sifaoui, s’était donné la peine de parler avec une pluralité de personnes, il n’aurait pas eu ce différend avec les producteurs de la télévision suisse. D’autre part, son documentaire en aurait été singulièrement enrichi et aurait mérité son nom. Car le travail d’un journaliste n’est pas celui d’un juge.

Notes :

1 Depuis, selon l’Humanité du 15 novembre 2004, la Cour de cassation a confirmé la décision de la cour d’appel.

2 http://student.unifr.ch/spectrum/fr/about/newsdetail.php ?nid=22

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