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Le djihadisme sous-produit de la mondialisation

Le monde arabe paraît vivre le phénomène de la mondialisation dans une situation de schizothymie. S’il s’est investi avec enthousiasme dans le champ économique avec d’importants placements dans les économies occidentales, il développe une crispation à l’égard du volet culturel qu’il perçoit comme une invasion culturelle, un facteur de subversion, sinon de perversion.

Au nom de l’authenticité et de la fidélité au patrimoine, tous les grands débats de société, que cela soit le débat sur la parité hommes femmes ou le débat sur la liberté de création intellectuelle notamment, sont occultés ou se déroulent, quand ils existent, à coups d’anathèmes. Les mésaventures de l’universitaire égyptien  Nasr Hamed Abou Zeid, convaincu du « crime d’apostasie », de même que les dérives du djihadisme erratique de Jabhat An Nosra et de l’Etat Islamique aussi.

1- Un désert culturel arabe

L’avènement d’un néo-islamisme pro-américain en guise de substitut à la démocratie, loin de répudier ces pratiques, n’a fait que les empirer en ce que le premier geste des nouveaux maîtres de Tripoli libérés par l’Otan, aura été, non de lancer un grand chantier de travaux publics et de relance de la société civile pour réhabiliter le pays sinistré par quarante ans de dictature, mais de destituer la statue de Gamal Abdel Nasser, la bête noire de l’Occident, l’artisan de la première nationalisation réussie du tiers- monde, la nationalisation du canal de Suez.

Fait symptomatique de cet état de fait est la production dans le champ intellectuel qui confine le monde arabe à un désert culturel. Le patrimoine intellectuel arabe renferme quatre millions de manuscrits, infiniment plus que les soixante mille manuscrits grecs ou les quarante mille manuscrits latins, mais bon nombre d’entre eux ne sont ni étudiés, ni publiés, alors qu’une telle richesse bibliographique alimenterait des générations de chercheurs et de penseurs.

Les Arabes constituent 5% de la population mondiale, mais ne publient qu’un 1% de livres, les ouvrages religieux représentant 17 % de la production littéraire contre 5% dans le reste du monde, et, en raison de la censure, un best-seller arabe ne dépasse pas les cinq mille exemplaires. Pis, moins de dix mille ouvrages étrangers ont été traduits vers l’arabe au cours du dernier millénaire, soit en moyenne mille ouvrages par siècle.

«Des individualités brillantes se distinguent dans les pays d’émigration et l’excellence arabe s’exerce dans la diaspora et dans la langue de l’exil, mais il n’existe aucune vraie participation des pays arabes aux grandes aventures de l’esprit» soutient l’universitaire franco-tunisien Abdel Wahab Meddeb, déplorant que les Arabes recourent au copiage servile dans la fabrication des produits technologiques, sans chercher à remonter aux concepts et aux spéculations techniques.

Le lancement de près de deux cents chaînes transfrontières, dans la décennie 2000, l’irruption de l’Internet et du multimédia aux côtés des quelques quatre mille journaux toute périodicité confondue, si elle satisfait au principe du pluralisme, n’a pas, loin s’en faut, impulsé une démocratisation de la vie publique arabe tant la « mentalité du tabou», règle de vie cardinale des sociétés arabes, pervertit tout débat public avec son double corollaire, la censure des gouvernants et l’autocensure des gouvernés.

Ainsi, quinze ans après son lancement à grand fracas, la chaîne «Al Jazira» révélait sa vraie nature, se muant en chaîne de l’Otan et de l’Islam wahhabite, passant du rôle envié de prescripteur de l’opinion arabe, à celui moins glorieux de lanceur d‘alerte des menées anti- arabes de l’Otan, faisant voler en éclat, en six mois, une crédibilité patiemment construite en quinze ans, alors que, parallèlement, toutes les grandes chaînes transfrontières arabes s’adossaient à des bases militaires atlantistes: Al Jazira à la base du Centcom à Doha, la saoudienne Al Arabiya de Doubaï, à la base aéronavale française d’Abou Dhabi, enfin la nouvelle chaîne du Prince al Walid Ben Talal, «Al-Arab», à la base navale américaine de Manama (Bahreïn).

A l’entame du  XXIe siècle, le monde arabe apparaît ainsi comme une zone sous tutelle marquée par une présence militaire étrangère aussi importante qu’à l’époque coloniale avec des bases dans le Golfe et des facilités militaires dans dix pays arabes, dont l’Arabie Saoudite, l’un des principaux chefs de file du monde arabe, qui abrite la principale base de drones tueurs américains du Monde arabe.

Soixante ans après la décolonisation du tiers-monde, l’ordre américain s’est substitué à l’ordre arabe, jadis matérialisé par le pacte de défense commune inter-arabe. Les autres membres de l’organisation panarabe, ceux qui dans l’imaginaire collectif arabe auront symbolisé à des degrés divers selon les époques le refus de l’hégémonisme occidental ont été désignés à la vindicte internationale soit au titre d' "Etats parias" soit au titre de « suppôts du terrorisme ».

Dans le premier groupe s’est longtemps retrouvé avant le renversement du régime baasiste de Saddam Hussein, l’Irak, protagoniste de deux guerres en l’espace d’une décennie -contre l’Iran d’abord, puis le Koweït, ainsi que la Libye, en quarantaine pendant dix ans (1992-2002) avant sa reddition au diktat américain. Dans le second se distingue la Syrie, nouvelle cible de la puissance américaine, alors que le Liban et l’Algérie, les deux platesformes territoriales des mouvements de libération du tiers-monde dans les décennies 1960-1970, implosaient dans la guerre civile dans le dernier quart du XX me siècle, le premier au Machreq (1975-1990), le second au Maghreb (1990).

Loin d’être un exercice d’auto-flagellation, le constat est manifeste et le décompte affligeant: Le monde arabe a engagé près de trois mille milliards de dollars au titre des dépenses militaires en un demi-siècle sans avoir pu se doter ni d’une capacité de projection de puissance, ni d’une capacité de dissuasion nu
cléaire, encore moins de la capacité spatiale du renseignement, autant d’attributs de la puissance moderne qui lui font cruellement défaut à l’ère de la société de l’information et de son application militaire, l’info-guerre.

2 – La solidarité monarchique: un réflexe de survie

Face à l’effet dominos du printemps arabe, les dictatures arabes ont développé un discours de propagande basé sur le concept de spécifié locale. L’Arabie saoudite, gardienne des lieux Saints, n’est pas l’Égypte. Le roi du Maroc, commandeur des croyants, n’est pas la Tunisie de «l’époux de la coiffeuse». Avec une variante dictature kamikaze, au Bahreïn et au Yémen, se posant en dépassement du dilemme: moi ou le chaos.  L’argument majeur de la propagande des dictatures monarchiques a reposé sur la sacralité du mandat du souverain, «élu» par Dieu et gratifié de ses bienfaits, le pétrole, s’appuyant sur une culture politique religieuse de soumission critique au Gouverneur, même «injuste», par logique de stabilité de Dar Al islam (La maison de l’islam), face à Dar Al Kofr (le territoire des impies) ou Dar Al Harb (La maison de la guerre). Arguant de la «légitimité religieuse» de son roi, le Grand Mufti d’Arabie saoudite, cheikh Abdel Aziz al-Cheikh, a été le premier, en février 2011, à condamner les soulèvements dans les pays arabes, dénonçant le «chaos» programmé par les ennemis de l’islam en vue de diviser la Oumma.

Comme pour démontrer la supériorité monarchique sur les contingences républicaines, le Maroc et la Jordanie, les deux monarchies hors zone, situés à des milliers de km de la région pétrolifère, ont été intégrés d’office, aux premiers coups de feu, au Conseil de coopération des pays du Golfe (CCG). Disposant déjà d’une majorité de blocage au sein de la Ligue arabe, le CCG, le syndicat monarchique par excellence, sous haute surveillance militaire américaine, est passé outre à l’unique instance de décision pan arabe, pour se muer en association mutualiste d’entraide de son voisinage immédiat: Bahreïn et d’une manière connexe, le Yémen.

Glacis stratégiques de l’Arabie saoudite, ces deux pays ont bénéficié d’un régime de faveur avec le soutien occidental, avec, l’un comme l’autre, de l’intervention directe de l’armée saoudienne, première opération militaire saoudienne hors du territoire national depuis la fondation du Royaume en 1929.  Sous de prétextes fallacieux: Pour dégager du «péril chiite» de Bahreïn qui abrite le Quartier Général de Ve flotte américaine pour le Golfe et l’océan Indien. Pour mater le fief constitué au Yémen par «Al Qaida pour la Péninsule Arabique», l’ancien pupille des Américains que des Saoudiens. Le roi de Bahreïn Hamad al Khalifa, et le président Ali, misant sur leur positionnement stratégique ont joué aux «dictateurs kamikaze», se posant en dépassement du dilemme: Moi ou le chaos, exacerbant l’opposition, et, plutôt, que de négocier une sortie honorable  ont plongé le pays dans le chaos de la guerre civile.

Hosni Moubarak (Égypte) et Zine El Abidine Ben Ali (Tunisie), ultime barrage contre l’Islamisme, ont usé de cet argument avec le soutien intéressé des Occidentaux.  Le roi du Bahreïn et le Président du Yémen, Ali Abdallah Saleh, reprendront le procédé à leur compte, avec plus de succès. Deux ans après le début des troubles à Bahreïn, le combat de la majorité chiite contre la dynastie sunnite (80 pour cent de la population) est zappé des écrans de l’actualité, tandis que l’ancien président yéménite, dégagé du pouvoir avec le bénéficie de l’impunité et d’immunités.

Le différentiel de traitement trouve son explication dans la disparité entre la zone d’abondance du Golfe pétrolier et la zone de pénurie des riverains de la Méditerranée,  révélatrice d’une grande vulnérabilité de la configuration géopolitique arabe. Alors que les pays méditerranéens connaissent des problèmes de surpopulation, notamment l’Égypte, et de pénurie financière et alimentaire, les pétromonarchies, par leur appel massif à la main d’œuvre étrangère principalement asiatique, présentent cette singularité démographique de compter une population immigrée sur majoritaire dans la totalité des six pays membres du Conseil de coopération du Golfe (Arabie Saoudite, Bahreïn, Émirats arabes Unis, Koweït, Qatar, Sultanat d’Oman), dont la vocation première est de servir constituer une gigantesque base flottante américaine, la plus importante concentration militaire américaine hors OTAN, en même qu’une station-service off-shore discount.

3- Le système éducatif en question

Dans le monde arabe, particulièrement la zone du Golfe, le système éducatif repose sur le principe statique de la mémorisation, de la déclamation ou de la scansion, bannissant de l’enseignement la docimologie (la science qui apprécie les différents moyens de contrôle des connaissances), le génie kinesthésique (la capacité de se mouvoir d’une manière autonome et de maîtriser l’espace), les capacités parapsychiques (l’intuition et l’intelligence émotionnelle), l’agilité verbale et la logique mathématique.

A- L’enseignement, une caricature: un contenant de pensée sans contenu de pensée.

L’enseignement aménage un «contenant de pensée, sans contenu de pensée» (1), selon l’expression du philosophe libanais Roger Naba’a. Dans ce contexte, l’enseignement de la philosophie plus particulièrement relève, à ce titre, d’un acte schizophrène se faisant sur fond d’une fracture radicale entre «l’espace de la classe» où l’élève s’exerce aux finalités de cet enseignement et «l’espace du social» (public ou privé) qui lui refuse obstinément les possibilités d’un tel exercice.

La crise ne se ramène toutefois pas à la seule césure entre un enseignement et sa société. Les programmes y jouent un rôle clef. Le cours sur la «Société» est  aussi conçu dans les mêmes termes de la Modernité occidentale et heurte de plein fouet le réel de sa société à lui: holiste, segmentaire, patriarcale, parentélère, travaillée par la &laquo
;açabiyya» (Ibn Khaldūn) et ses avatars. Comment, en effet, l’étude de la «Liberté» peut-elle aider à «agir en connaissance de cause» quand, sitôt le cours fini, il se retrouve, chez lui ou en société, dans un milieu autoritaire, soumis à la loi patriarcale? A se référer à ses finalités, l’enseignement de la philo devrait, entre autres, «contribuer à former des esprits avertis de la complexité du réel» afin d’amener l’élève à «comprendre le sens de son rapport au monde pour y agir en connaissance de cause».

«Louable intention mais comment amener l’élève à la réaliser quand, par exemple, le cours sur l’«État», issu tout droit de l’histoire de la Modernité de l’Occident, entre en flagrante contradiction avec le réel de son État à lui: post colonial, failli, patrimonial, patriarcal, communautaire, corrompu, arbitraire».

B- Phénomène de la diglossie et de captation (2): L’idéologie du Tawhid

Dans le monde arabe, du fait du conflit avec Israël, il s’est produit un phénomène de captation, l’État-nation se posant en incarnation de l’identité collective, puis, par réduction successive, par un phénomène de diglossie, ce fut au tour du parti unique puis du clan d’en être l’incarnation, avant de finir par être incarné par une personne.

Au-delà des considérations théologiques, l’idéologie du Tawhid, dans son interprétation politique, répond aussi à une fonction politique de captation du pouvoir au bénéfice de la dynastie wahhabite en ce que l’unification de l’Arabie saoudite, par cercles concentriques, devrait déboucher sur l’unification de la nation musulmane sous l’autorité du Wahhabisme: Unification des tribus du royaume autour de la dynastie, puis de l’Islam sunnite dans ses diverses fractions autour du Royaume avec le lancement de l’Organisation de la Conférence Islamique  (OCI), dans la foulée de l’incendie de la Mosquée al Aqsa, 1969,  puis de l’Islam dans toutes composantes (chiites, sunnites, alaouites) autour de la doctrine wahhabite, gardienne des lieux saints de l’Islam.

Indispensable pour maîtriser son propre environnement, à défaut de l’Univers, le savoir parait ne pas devoir être un besoin impératif dans le Monde arabe, à tout le moins pour ses dirigeants, à en juger par le niveau intellectuel du leadership politique arabe.

En quatre-vingt-quatre ans d’existence, l’Arabie saoudite, le pays de passe-droit par excellence, a été gouverné par six monarques (Abdel Aziz, Saoud, Faysal, Khaled, Fahd, Abdallah). Mais, à une période charnière de l’histoire du monde arabe, à l’ère de l’optronique, de la balistique, du combat disséminé et de la furtivité de basse tension, aucun de ces six monarques n’était détenteur d’un diplôme universitaire, tous formatés dans le même moule de la formation bédouine et de l’école coranique, à l’instar des autres pétromonarchies gérontocratiques du Golfe. Soit le tiers des membres de la Ligue arabe et les deux tiers de la richesse nationale arabe, alors que la théocratie voisine iranienne a, d’ores et déjà, accédé au statut de puissance du seuil nucléaire.

A l’exception du Sultan Qabous d’Oman, la constellation des pétromonarchies du Golfe présente ainsi l’audacieuse configuration d’avoir été gouvernée tout au long du XX me siècle et les premières décennies du XXI siècle par une brochette de dirigeants tous formatés dans le même moule du code tribal.

Zone stratégique majeure du système énergétique mondial, objet de tant de convoitises, face à un environnement dont la dangerosité potentielle est manifestée par le déploiement limitrophe de six puissances nucléaires (Inde, Pakistan, Israël, Ukraine, Russie et Iran), cette formation intellectuelle est sans doute valorisante pour l’amour propre tribal, certainement pas pour la sécurisation de son espace national.

Le modernisme tapageur tient lieu de substitut à un  chauvinisme tribal et un archaïsme rance. La conduite automobile ne saurait être gage de modernité sous les tropiques monarchiques. Elle ne sert que d’alibi et de cache misère intellectuel à une caste repue.

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Les exemples abondent de comportements outrageusement ostentatoires tels celui du bien nommé Jouhane, littéralement «l’affamé», fils cadet de l’émir du Qatar, propriétaire de la voiture la plus chère du monde, d’une valeur de 3,4 millions de dollars avec des diamants sertis sur les phares et de l’or dans l’habitacle, un pays d’extravagance avec une police motorisée par la firme automobile allemande Porsche. Ou encore celle du Prince Sultan Ben Khaled Ben Sultan, fils de l’ancien interface saoudien du général Norman Schwarzkopf, le commandant en chef américain de la première guerre du Golfe contre l’Irak (1990-1991, menotté et plaqué à terre par un policier de New York pour insubordination suite à une infraction au code de la route.

L’esbroufe a toutefois un prix: Une servitude totale et absolue à l’égard des États-Unis, chef de file du camp occidental, premier producteur et exportateur de biens culturels à travers le Monde. La plus importante entreprise de colonisation culturelle de l’époque contemporaine.

Sur fonds de rigorisme infantilisant, de confusion mentale, de mégalomanie, de sénilité, d’analphabétisme, de corruption et de veulerie, la pathologie du leadership arabe apparaît ainsi comme un des handicaps majeurs au décollage du Monde arabe.

Si l’instabilité républicaine a été décriée pour ses coups d’états et ses coups de folie (37 putschs en 60 ans, soit 2 par an en moyenne (1), la cohorte monarchique n’en a pas été en reste. Épaulés par des armées d’opérette, les pétro monarques ont pratiqué depuis cinquante ans le dérapage contrôlé sous l’œil vigilant de leur tuteur américain. Le putsch se réduit à un crime de sang intra familial. Il se décide lorsque le gouverneur en place déplaît à leur souverain absolu, leur capo di tutti cappi  américain.

4 – L’avènement de l’info guerre et du self-media

L’avènement de l’info guerre et du « self media » posent précisément de substantiels défis au Monde arabe dans la mesure où la guerre technologique nécessite une délégation du pouvoir, notion jusqu’à présent étran
gère à la culture des gouvernants arabes. De même que le média individualisé démultiplie à l’infini les voies de l’information, il rend problématique un verrouillage hermétique de la société dans son accès aux sources de la connaissance et du savoir. La société de l’information, dans ses applications civiles et militaires, apparaît ainsi comme difficilement compatible avec une conception massive du pouvoir.

Quarante ans après son lancement, dans la foulée de la guerre d’octobre 1973 et de l’embargo pétrolier arabe, le dialogue euro-arabe a curieusement muté en partenariat militaire, non pas inter arabe, face à l’Europe, mais en partenariat militaire entre le bloc euro-atlantiste et l’Islam atlantiste, contre des pays arabes séculiers parallèlement à la décomposition de la Palestine en Bantoustan.

5 – La mutation de l’islam sunnite en Islam wahhabite

La mutation de l’Islam sunnite en Islam wahhabite a en effet signé «l’adieu aux armes» des pays arabes et sa reddition à l’Imperium israélo-américain, dont le signe le plus manifeste aura été le ralliement aux pétromonarchies, du mouvement palestinien Hamas, l’unique mouvement de guérilla sunnite au monde arabe, sinon l’excepte le djihadisme erratique d’Al Qaida, ainsi que la renonciation par Mahmoud Abbas au «Droit au retour» des Palestiniens, quêtant la faveur de visiter sa ville natale de Safad, avec promesse de ne pas s’y installer dans une pathétique prestation à l’occasion du 95eme anniversaire de la promesse Balfour. La guerre décennale contre le terrorisme (2001-2011) a laissé le monde occidental exsangue sur le plan économique avec la crise bancaire américaine, (une perte de capitalisation bancaire de l’ordre de 25.000 milliards de dollars), la crise systémique de l‘endettement européen, les guerres d’Irak d’Afghanistan et d’Irak, d’un coût global de 3 000 milliards de dollars).

A contre-courant du vaste mouvement de recomposition stratégique qui s’opère sur le plan international avec la constitution de grands ensembles politiques sur une base géographique dans la perspective de la mondialisation des flux économiques et culturels, le monde arabe campe sur ses divisions politiques, sur ses disparités économiques et sur ses crispations sécuritaires.

Il demeure, avec une large part du continent africain, le grand absent du mouvement de redéploiement planétaire, en dépit des défis qui se posent à lui, en dépit des convoitises qu’il suscite du fait de sa position charnière à l’intersection de trois continents (Europe-Asie-Afrique), en dépit de son rôle de grand pourvoyeur d’énergie dans le cadre de l’économie mondiale et du rayonnement spirituel de certains de ces centres religieux. Partout dans le monde, les restructurations s’opèrent à un rythme soutenu dans les divers domaines de l’activité économique. Partout d’anciens adversaires, surmontant leur querelle historique, se sont fondus dans des ensembles trans-étatiques.

Alors que sur les autres continents, des grands ensembles régionaux -l’Union Européenne pour l’Europe, ALENA NAFTA pour le continent nord-américain, MERCOSUR pour l’Amérique latine, APAC pour la région Asie Pacifique se mettent en ordre de bataille pour la conquête des marchés du XXI me siècle, le monde arabe se retrouve exsangue, épuisé par un demi-siècle de violence ininterrompue, dérivant sans cohésion, sans thèmes mobilisateurs, ni objectifs fédérateurs.

6 – Le  djihad planétaire, sous-produit de la mondialisation

Le Djihad a ainsi pris une dimension planétaire conforme à la dimension d‘une économie mondialisée par substitution des pétromonarchies aux caïds de la drogue dans le financement de la contre révolution mondiale. Dans la décennie 1990 -2000, comme dans la décennie 2010 pour contrer le printemps arabe.

Symbole de la coopération saoudo-américaine dans la sphère arabo-musulmane à l’apogée de la guerre froide soviéto-américaine, le mouvement d’Oussama Ben Laden avait vocation à une dimension planétaire, à l’échelle de l’Islam, à la mesure des capacités financières du Royaume d’Arabie. Si la Guerre du Vietnam (1955-1975), la contre-révolution en Amérique latine, notamment la répression anti castriste, de même que la guerre anti soviétique d’Afghanistan (1980-1989) ont pu être largement financés par le trafic de drogue, l’irruption des islamistes sur la scène politique algérienne signera la première concrétisation du financement pétro monarchique de la contestation populaire de grande ampleur dans les pays arabes.

Dommage collatéral de ce rapports de puissance, l’Algérie en paiera le prix, le premier,  en ce que ce pays révolutionnaire, allié de l’Iran et de la Syrie, le noyau central du front de refus arabe, évoluait en électron libre de la diplomatie arabe du fait de la neutralisation de l’Égypte par son traité de paix avec Israël et la fixation de la Syrie dans la guerre du Liban. Les Islamistes algériens joueront toutefois de la malchance en ce que le déploiement de troupes occidentales, -dont soixante mille soldats juifs américains-, à proximité des Lieux Saints de l’Islam, dans la région occidentale du royaume, à l’occasion de la première guerre anti irakienne du Golfe, en 1990, les placera en porte à faux avec leurs bailleurs de fonds, contraignant leur chef Abassi Madani à prendre ses distances avec les Saoudiens.

Au titre de dommage collatéral, le débarquement des «forces impies» sur la terre de la prophétie constituera le motif de rupture entre Oussama Ben Laden et la dynastie wahhabite.

L’instrumentalisation de l’Islam comme arme de combat politique, en tant qu’antidote au nationalisme arabe anti américain, dans la foulée de l’incendie de la Mosquée d’Al Aqsa (1969), a entraîné un basculement du centre de gravité du gonde arabe de la rive méditerranéenne vers le Golfe, c’est-à-dire des pays du champ de bataille vers la zone pétrolifère sous protectorat anglo-américaine.

Avec pour conséquence, la substitution du mot d’ordre de solidarité islamique à celui mobilisateur d’unité arabe ainsi que le dévoiement de la cause arabe, particulièrement la question palestinienne, vers des combats périphériques (guerre d’Afghanistan, guerre des contras du Nicaragua contre les sandinistes), à des milliers de km de la Palestine, et dans l’époque contemporaine à des guerres contre les pays arabes eux-mêmes (Libye, Syrie) ou des pays africains (Nord Mali).

La déstabilisation de l’Algérie a figuré, à nouveau, à l’ordre du jour du «printemps arabe des pays occidentaux» en ce qu’elle était prévue dans la foulée de la mainmise occidentale sur la Libye, à en juger par les prédictions de Nicolas Sarkozy, avant son trépassement politique, s’exclamant par répétition ponctuée de sauts de cabri «dans un an l’Algérie, et dans trois ans l‘Iran».

L’Algérie, tout comme l’Iran et la Syrie, figurent toujours dans l’objectif des stratèges occidentaux pour maintenir sous pression les pays émergents, situés hors de l’orbite occidentale. Le démantèlement du Soudan et la destruction de la Libye, deux gros fournisseurs de pétrole à la Chine et à la Russie, ont relevé de cette stratégie, tout comme le voyage en Israël des dirigeants du fantomatique gouvernement kabyle en exil, Ferhat Mehenni (président) et Lyazid Abid (ministre des affaires étrangères), dans la foulée du voyage d’intellectuels du Maghreb, Boualem Sansal (Algérie), Hassan Chalghoumi (Tunisie) et Nadia El Fanni (Tunisie), ne relève pas du hasard.

Le monde musulman, particulièrement sa sphère arabe, est en pleine ébullition. Le terrorisme sous couvert du Djihad est en propagation constante. Un mouvement pour l’instant reste essentiellement anthropophage en ce que les victimes sont dans leur quasi-totalité des musulmans: un million de morts lors de la guerre Irak-Iran (1979-1989),  100 000 morts en Algérie durant la décennie 1990, 200 000 morts en Irak (2003-2008), davantage encore au Darfour, en Somalie, en Libye, en Syrie et au Pakistan).

En cinquante ans, pourtant, le monde arabe a opéré un profond bouleversement, passant de cent millions d’habitants en 1970 à plus de trois cent millions, en 2010 (dont 84,5, en Égypte, 35,4 millions en Algérie, 32,4 millions au Maroc avec des taux de chômage record), plaçant ainsi les pays arabes en haut du classement mondial: L’Égypte au 107e rang, le Maroc au 109e, l’Algérie au 110e, la Jordanie au 139e rang, la Tunisie au 140e et le Yémen au 185e rang).

Une autocratie même pluraliste, l’histoire l’enseigne, engendre rarement une démocratie, plus souvent une théocratie, un des éléments d’explication du collapsus arabe. La longévité politique ne vaut jamais gage d’éternité historique. Il en va de Hosni Moubarak (Égypte), comme de Zine Al Abidine Ben Ali (Tunisie), comme de Mouammar Kadhafi (Libye), d’Ali Abdallah Saleh (Yémen), comme pour l’Arabie saoudite dont la vassalité à l’égard des États-Unis ne constitue pas non plus un gage de sa pérennité comme en témoigne l’éviction des féaux de l’Amérique et la menace permanente que fait peser sur la dynastie wahhabite le spectre de la partition du pays.

La destruction systématique de toute trace de civilisation, entreprise depuis quinze ans dans la sphère arabo musulmane, avec le dynamitage des Bouddhas de Bâmiyân (Afghanistan-2001), des stèles de Tombouctou (Mali-2013), aux fresques de Libye (2014), ne saurait constituer un projet de société. Elle ne relève pas, non plus, de l’œuvre de l’esprit, mais de la pathologie. Elle ne saurait constituer, en tout état de cause, une réponse adéquate aux défis qui se posent au Monde arabe et aux impératifs de la mondialisation. Liban:

1-" De la philosophie et de son engagement au Liban. Entre la voix de l'empire et la voie de l'exil. Par Roger Naba'a, philosophe et universitaire libanais.

2- En sociolinguistique, la diglossie désigne l’état dans lequel se trouvent deux variétés linguistiques coexistant sur un territoire donné et ayant, pour des motifs historiques et politiques, des statuts et des fonctions sociales distinctes, l’une étant représentée comme supérieure et l’autre inférieure au sein de la population. L’utilisation de ce concept mène à une modélisation de la situation linguistique centrée autour de l’opposition entre variétés «haute» et «basse» de langage. Dans une situation diglossique habituelle, on observe ainsi une distribution complémentaire des variétés en fonction des contextes sociolinguistique: en contexte formel, à l’écrit ou pour certains usages culturels et littéraires, la variété «haute (H)» est seule acceptable tandis que la variété «basse (B)» se cantonne au cadre privé, à l’oral, à la poésie et au folklore.

 

 

 

 

 

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