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L’Arabie saoudite face au double défi (1/2)

L’Arabie saoudite face au double défi ; du sunnite Oussama Ben Laden (Al Qaida) et du chiite Hassan Nasrallah (Hezbollah) (1/2)

« Il existe quelqu’un de pire qu’un bourreau, son valet ». Comte Honoré Gabriel de Mirabeau

La dynastie wahhabite : Unique entreprise familiale au monde à siéger aux Nations Unies, une illustration caricaturale de la réalité paralytique arabe

Unique famille à avoir donné son nom à son pays, ce que même Christophe Colomb, le découvreur de l’Amérique, n’a songé à faire, Unique pays à porter le nom de sa famille conquérante, ce que même Jules César n’a osé faire, l’Arabie saoudite est aussi l’unique entreprise familiale au monde à siéger aux Nations Unies, un privilège qu’aucune dynastie si prestigieuse fut elle, qu’aucune multinationale si puissante soit elle, n’a jamais pu exercer, un passe droit qui donne la mesure du laxisme dont bénéficient les dirigeants ce pays sur le plan international du fait pétrolier.

Le Gardien des Lieux Saints de l’Islam a certes financé la promotion de l’Islam à travers le monde, mais son prosélytisme religieux tous azimut s’est souvent confondu avec une instrumentalisation politique de la religion comme arme de combat contre les ennemis de l’Amérique, notamment l’athéisme communiste, au détriment des intérêts stratégiques du Monde arabe.

Le chef de file de l’Islam sunnite a porté le fer aux quatre coins de la planète pour le compte de son protecteur américain, mais le bailleur de fonds des équipées militaires américaines dans le tiers monde -de l’Afghanistan au Nicaragua- n’est jamais parvenu à libérer l’unique Haut Lieu Saint de l’islam sous occupation étrangère, la Mosquée d’al Aqsa de Jérusalem, au point que son leadership est désormais concurrencé par le nouveau venu sur la scène diplomatique régionale la Turquie et sa posture néo ottomane.

Le protégé de l’Amérique, auteur de deux plans de paix pour le proche orient, n’a jamais réussi à faire entériner par son protecteur américain et son partenaire israélien les propositions visant à régler le conflit israélo palestinien, ni à prévenir l’annexion rampante de Jérusalem, ni la judaïsation de la 3eme ville sainte de l’Islam, pas plus qu’il n’a pu éviter le basculement des grandes capitales arabes hors de la sphère sunnite, dans le giron adverse : Jérusalem sous occupation israélienne, Damas sous contrôle alaouite et Bagdad enfin sous partage kurdo Chiite.

Le plus riche pays arabe, membre de plein droit du G20, le directoire financier de la planète, a dilapidé une part de sa fortune à d’extravagantes réalisations de prestige et à la satisfaction d’invraisemblables caprices de prince, sans jamais songé à affecter sa puissance financière au redressement économique arabe ou au renforcement de son potentiel militaire, bridant au passage toute contestation, entraînant dans son sillage le monde arabe vers sa vassalisation à l’ordre américain.

La dynastie wahhabite, détournant les Arabes et les Musulmans de leur principal champ de bataille, la Palestine, dans de furieux combats en Afghanistan, n’a jamais tiré un coup de feu contre Israël, au point que le meilleur allié arabe des Etats Unis apparaît, rétrospectivement, comme le principal bénéficiaire des coups de butoir israélien contre le noyau dur du monde arabe, et Israël, comme le meilleur allié objectif de la monarchie saoudienne.

En 78 ans d’existence, ce pays de passe droit a été gouverné par six monarques (Abdel Aziz, Saoud, Faysal, Khaled, Fahd, Abdallah), mais, à une période charnière de l’histoire du monde arabe, à l’ère de l’optronique, de la balistique, du combat disséminé et de la furtivité de basse tension, aucun des six monarques n’était détenteur d’un diplôme universitaire, tous formatés dans le même moule de la formation bédouine et de l’école coranique, à l’instar des autres pétromonarchies gérontocratiques du Golfe, soit le tiers des membres de la Ligue arabe et les deux tiers de la richesse nationale arabe, alors que la théocratie voisine iranienne a, d’ores et déjà, accédé au statut de puissance du seuil nucléaire.

En 78 ans d’existence, malgré les turbulences, la famille Al Saoud a réussi à sauvegarder son trône, mais plongé la zone dans une sinistrose quand Israël sinistrait la zone.

A – Une illustration caricaturale de la réalité paralytique arabe.

Le roi est nu, la monarchie saoudienne sur la défensive : La dynastie wahhabite, maître d’oeuvre sous l’égide américaine de l’islamisme politique, apparaît rétrospectivement, au regard de l’histoire, au même titre que le colonel Mouammar al Kadhafi de Libye comme l’un des principaux fossoyeurs du nationalisme arabe et de la soumission du monde arabe à l’ordre américain.

Soixante dix huit ans après la constitution du royaume, le bilan est sans ambiguïté et ne souffre aucune circonstance atténuante à en juger par la décomposition du monde arabe, sa mise sous tutelle américaine avec le déploiement d’une dizaine de bases militaires dans l’espace arabe (Arabie saoudite, Bahreïn, Egypte, Irak, Jordanie, Koweït, Maroc, Oman, Qatar), la subversion meurtrière qui secoue périodiquement le Royaume, les dérives de ses anciens sujets dont le plus illustre disciple n’est autre que l’animateur de la plus importante organisation clandestine trans-nationale de l’intégrisme musulman, Oussama Ben Laden, auparavant serviteur dévoué de la politique saoudo américaine dans la sphère musulmane.

Plus grave, allié inconditionnel et résolu des Etats-Unis, le bailleur de fonds de toutes ses équipées dans la zone, même au delà en Amérique latine et en Afrique, hors de la sphère de la sécurité nationale arabe, l’Arabie Saoudite aura été de surcroît la caution morale et politique du principal partenaire stratégique du principal ennemi des Arabes, Israël, le propagateur zélé d’une politique qui a abouti, paradoxalement, à la judaïsation rampante de la quasi totalité de l’ancien territoire de la Palestine du mandat britannique en contradiction avec les voeux d’un des plus éminents monarques saoudiens, le Roi Fayçal, assassiné en 1975, avant de réaliser son souhait de prier à la Mosquée libérée d’Al-Aqsa de Jérusalem.

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Pis. Plus que tout autre, l’Arabie Saoudite aura illustré jusqu’à la caricature la réalité paralytique arabe dont elle assume une lourde part de responsabilité avec un monarque (le Roi Fahd) hémiplégique pendant une décennie de 1995 jusqu’à sa mort en 2005, à la mobilité réduite, à la lucidité aléatoire, sous assistance sanitaire permanente animée par une cohorte de médecins, régnant sur un pays clé de l’échiquier régional à un moment charnière du basculement géostratégique planétaire avec la collusion frontale de l’hyper puissance américaine avec les deux plus importants foyers de percussion de la stratégie régionale saoudienne, l’Afghanistan et l’Irak, les deux anciens alliés de l’axe saoudo américain. Un scénario identique s’est reproduit quinze ans plus tard, en 2009, avec le prince héritier le prince Sultan Ben Abdel Aziz, désertant son poste de ministre de la défense et le royaume pour une convalescence prolongée au Maroc de plus d’un an exerçant ses lourdes responsabilités de prince héritier, vice premier ministre, ministre de la défense et inspecteur général des forces armées royales, de manière fantomatique dans une zone particulièrement tourmentée en plein bras de fer américano iranien sur le dossier nucléaire iranien.

L’Arabie avait tout pourtant pour être heureuse et son bilan se promettait radieux : Deux incomparables atouts naturels, La Mecque et Médine, les deux Hauts Lieux saints de l’Islam, référence spirituelle absolue d’une communauté de croyants de 1,5 milliards de fidèles de la deuxième religion du monde par son importance, le pétrole, moteur de l’économie internationale dont elle détient le principal gisement énergétique du monde, une immense superficie qui fait de ce pays de 2,5 millions de km2, un quasi-continent de taille comparable à l’Europe occidentale (France Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg), une faible densité démographique (20 millions d’habitants), enfin, dernier et non le moindre atout : le bouclier américain mis en place par le Pacte de Quincy, dissuasif contre toute remise en cause interne, toute intervention étrangère, toute critique internationale.

A l’ombre des Awacs américains, les avions radars électronique à long rayon d’action dont l’Arabie était le seul pays au monde à en abriter hors du territoire des Etats-Unis, le Royaume wahabite pouvait prospérer sans limite, dans une quiétude que n’altéraient ni la réclusion féminine, jugée outrageusement scandaleuse partout ailleurs dans le monde, ni la ségrégation raciale ou religieuse, ni les abus de domesticité, qui alimentaient les chroniques mondaines de la presse occidentale avide de scandales, ni les vexations répétitives d’une institution unique au monde, la redoutable police religieuse (Al-Moutawa’a), aussi puissante que sectaire. En toute impunité, le souverain pouvait à loisir se livrer à d’invraisemblables passe-droits criminels tel l’enlèvement du plus célèbre opposant saoudien, Nasser Al-Saîd, mystérieusement disparu en 1979 à Beyrouth. L’opposition anti-monarchique soutiendra que l’homme réfugié à Beyrouth a été enlevé par les services saoudiens avec l’aide de groupements palestiniens à la faveur de l’anarchie ambiante régnant dans la capitale libanaise en pleine guerre inter factionnelle, embarqué de force à bord d’un avion militaire saoudien et jeté par dessus bord au dessus du désert saoudien. Si l’opposition saoudienne n’a jamais pu fonder de manière formelle cette accusation, force est toutefois de convenir que nul, depuis 26 ans, n’a pu retrouver sa trace.

Pays rigoriste, l’Arabie a fait du Coran, son arme absolue et du prosélytisme religieux son vecteur d’influence diplomatique, véritable rente de situation stérilisant tout débat interne, au point que le pays aura sombré pendant un demi siècle dans le « degré zéro de la culture » (1). Le Royaume a ainsi consacré durant la décennie 1980-1990 près d’un milliard de dollars à l’entretien de trente mille (30.000) lieux de culte et aux quatre vingt dix (90) universités théologiques et facultés théologiques, record mondial absolu par rapport à sa densité démographique, faisant du pays un fief intégriste. Un des temps forts du rituel diplomatique de la dynastie wahhabite, le pèlerinage de la Mecque, vaste rassemblement humain annuel de près de deux millions de personnes, constituait le moment idéal pour les dignitaires saoudiens de déployer des trésors de générosité au service de la Foi, pour d’incommensurables retombées politiques au bénéfice du Roi. Sur le plan profane, le pèlerinage de Riyad constituait pour les dirigeants occidentaux un rituel comparable par son importance au pèlerinage de la Mecque pour les Musulmans. En plus lucratif.

L’Arabie Saoudite qui aura effectivement fertilisé son désert, se dotera, à la faveur du boom pétrolier générateur de « pétrodollars », dotée d’infrastructures sans rapport avec les besoins réels du pays, à la grande satisfaction des quémandeurs de toute sorte, dans une politique dilapidatrice relevant tout à la fois de l’ostentation, du clientélisme politique et de la corruption. A croire que les lourds investissements, notamment dans le domaine militaire, n’étaient stimulés parfois, non pas tant par les impératifs de sécurité, mais par la perspective alléchante des commissions et rétro commissions. A l’indice mondial de la corruption, l’Arabie Saoudite se situait hors classement. A croire que les surfacturations tenaient lieu de « police d’assurance tous risques » contre d’éventuelles tentatives de déstabilisation, de rétribution déguisée pour un zélé protecteur, une sorte de mercenariat officieux avant terme.

Dans la foulée de la première guerre contre l’Irak, l’Arabie a ainsi consacré en 1992 et 1993, vingt neuf milliards de dollars pour sa défense contre 26,5 milliards à l’éducation nationale, une somme équivalent, compte tenu de sa faible densité démographique (12,3 millions de nationaux) et de la faiblesse numérique de ses forces armées (200.000 entre armée régulière et garde nationale), à une dépense moyenne de 75 millions dollars par an pour chaque militaire, et, à l’échelle du pays, un million de dollars par an par habitant, proportion inégalée partout ailleurs dans le monde. Gigantisme et morgue vont de pair dans le royaume, dans ce qui apparaît comme une sorte de démarche de compensation face à une abdication de souveraineté envers les Américains.

Au delà des apparences, le Royaume, jamais colonisé, constitue, en fait, une grande prison dorée pour une dynastie à la marge de manoeuvre réduite envers ses tuteurs américains et pour une population en état de crainte révérencieuse envers ses vigiles wahhabites, grands dispensateurs des bienfaits au Royaume. Unique entreprise familiale au monde à siéger aux Nations Unies, la dynastie wahhabite aura versé dans toutes les licences cautionnant au passage de stupéfiants trafics, allant même, du moins certains des membres de l’entourage royal comme ce fut le cas dans le narcotrafic saoudien en France, jusqu’à réquisitionner des appareils de la flotte aérienne royale pour le transport de la drogue colombienne. Un trafic rocambolesque qui paraît quelque peu en décalage avec les enseignements rigoristes que le pouvoir saoudien dispense et qui explique une part de son discrédit (2).

Anomalie exorbitante, à l’origine du divorce entre la dynastie wahhabite et son ancien serviteur, Oussama Ben Laden, la présence des troupes américaines sur le sol du royaume, ainsi que les dérives mercantiles que la contribution militaire occidentale a donné lieu lors de la première guerre du Golfe, consécutive à l’invasion du Koweït par l’Irak (Août 1990-Janvier 1991). Au faite de sa gloire, Oussama Ben Laden avait proposé au Roi Fahd d’Arabie de bouter les Irakiens hors du Koweït avec le seul concours des Moudjahiddine, mais la proposition du vainqueur de l’Armée Rouge en Afghanistan a été accueillie sans enthousiasme par les dirigeants saoudiens effrayés qu’ils étaient qu’un de leurs sujets disposa de la capacité de lever des troupes d’une telle importance pour combattre l’Irak, à l’époque au sommet de sa puissance. Le Roi Fahd a décliné l’offre de Ben Laden, lui préférant une proposition américaine plus coûteuse et contraignante à terme, mais qui avait l’appréciable avantage de sauver la face des Saoudiens dans la mesure où la présence des troupes occidentales avaient aussi pour fonction de masquer l’impéritie et la corruption de l’armée saoudienne en présentant la guerre contre l’Irak comme une opération de police internationale menée par une coalition avec la caution des Nations Unies. Mais, par un effet de pendule, la présence massive de près de cinq cent mille (500.000) soldats occidentaux sur le sol saoudien, dont soixante mille soldats américains de confession juive, à proximité des Lieux Saints de l’Islam, fait sans précédent dans l’histoire, a été perçue par une large fraction de la population arabe et musulmane comme une profanation d’un sanctuaire dont la dynastie wahhabite a en principe le devoir de garde et de protection.

Elle a été ressentie aussi comme la marque de la collusion du “Gardien des Lieux Saints” avec les oppresseurs des Musulmans et servi de justificatif à la rupture de bon nombre de formations islamistes avec le Royaume saoudien, leur bailleur de fonds. Pour prix du concours américain, l’Arabie saoudite a déboursé la coquette somme de cinquante milliards de dollars à titre de contribution à l’effort de guerre, dont dix sept milliards de dollars au titre de prime de débarquement sur le sol saoudien en prélude aux frappes anti-irakiennes (4).. Autrement dit, la monarchie saoudienne aura débloqué cinquante milliards de dollars à l’Amérique pour l’autoriser à accentuer son emprise sur le Royaume et à camoufler la corruption régnante.

Le Général Khaled Ben Sultan, (57 ans), propre fils du ministre de la défense, abusivement auto proclamé commandant en chef de la coalition internationale anti-irakienne, alors qu’il n’était en réalité que l’interface saoudien du véritable commandant américain, le général Norman Schwarzkopf, a réussi, dans ces circonstances dramatiques pour son pays, le tour de force, de prélever près de trois milliards de dollars au titre de commissions sur les transactions sur l’équipement et le ravitaillement des troupes de la coalition estimée à l’époque à 500.000 soldats de 26 nationalités. Une telle ponction, exorbitante, et à certains égards indécente au regard des enjeux de l’époque et de la contribution réclamée par des tiers pour la défense du territoire national, aurait été passible partout ailleurs d’une comparution immédiate devant la cour martiale. Elle n’a donné lieu à aucun rappel à l’ordre familial, tout juste une discrète mise à l’écart provisoire de l’indélicat, qui s’est traduite pour l’exilé milliardaire de Londres par le rachat du journal « Al-Hayat ». Une prime à la prévarication en quelque sorte.

Ce Royaume des trois silences « ne pas parler, ne pas voir, ne pas entendre », avait affecté à sa magnificence les plumes les plus réputées du monde arabe, édifiant, en un temps record, et avec l’aide des capitales occidentales, un complexe multimédia, se hissant en l’espace d’une décennie au rang d’un géant de la communication, à l’égal des conglomérats occidentaux, dans une stratégie offensive dont le but non avoué était d’aseptiser les ondes de toute pollution anti-saoudienne, en vue de faire pièce à la contamination révolutionnaire dans la sphère musulmane préjudiciable à son leadership. Le plus grand marché de consommation du monde arabe avec des investissements publicitaires de l’ordre d’un milliard de dollars par an, (Chiffre de 1995), l’Arabie saoudite a favorisé la libéralisation du consommateur, au détriment du citoyen, et l’uniformisation de ses désirs et de ses repères institutionnels par la consommation. Avec des conséquences dramatiques sur sa démographie qui affiche le chiffre record de dix pour cent (10%) d’obèses et de diabétiques et un taux élevé de harcèlement sexuel de l’ordre de 68 pour cent parmi les couches cultivées de la population, dont 17,32 pour cent de nature incestueuse, et 20 pour cent sur les enfants (5). Au delà de cette surcharge pondérale, l’empire médiatique saoudien, pour performant qu’il ait été, cachait toutefois de sérieuses lézardes. Le plus grand diffuseur de son et d’images de l’hémisphère sud s’est trouvé, de par son monopole de fait, son plus grand censeur. Signe patent de l’échec de la stratégie médiatique saoudienne se révèle dans le succès de ses jeunes concurrents, notamment la chaîne transfrontière du Qatar « Al-Jazira » et le quotidien pan arabe de Londres « Al-Qods al-Arabi », dont le prestige, notamment au sein de l’élite intellectuelle arabe, surpasse de loin tous les médias pro saoudiens, tous vecteurs et toute périodicité confondus.

Fausse bonne idée donc que ce pacte de Quincy. En confortant la dynastie wahhabite dans son impunité et son faux sentiment de quiétude et de supériorité, il l’a hypothéqué politiquement. Conclu en février 1945 sur le croiseur américain Quincy entre le président démocrate Franklin Roosevelt et le fondateur de la dynastie saoudienne, le Roi Abdel Aziz Al-Saoud, « The Quincy Agreement » est une parfaite illustration de l’alliance contre nature entre une puissance qui se veut la plus grande démocratie libérale du monde et une dynastie qui se revendique comme la plus rigoriste monarchie théocratique du monde. En contrepartie de la protection inconditionnelle de l’Arabie saoudite, considérée comme relevant des « intérêts vitaux » de l’Amérique, les Wahhabites ont garanti le ravitaillement énergétique américain à prix compétitif. Ce pacte a assuré la stabilité du ravitaillement énergétique mondiale et la prospérité économique occidentale, parfois au détriment des intérêts des autres producteurs, sans pour autant donner satisfaction aux revendications légitimes arabes notamment à propos de la question palestinienne, encore moins aux aspirations démocratiques des peuples arabes. En application de ce pacte, qui a donné lieu aux plus invraisemblables dérives, l’Amérique a assumé un rôle étymologiquement rétrograde, en négation avec les valeurs qu’elle professe, mais en conformité avec les souhaits de son protégé saoudien. Parangon de la démocratie et du libéralisme dans le monde, elle s’est posée en « parrain » du royaume le plus hermétique de la planète, s’opposant aux expériences de modernisation et de démocratisation du tiers-monde, comme ce fut le cas en Iran, en 1953, lors de la nationalisation des installations pétrolières par le dirigeant nationaliste Mohamad Mossadegh, en Egypte, en 1967, contre le chef de file du nationalisme arabe Gamal Abdel Nasser, ou encore dans le pré carré des puissances occidentales : l’Afrique et l’Amérique latine.

Au paroxysme du conflit israélo-arabe alors qu’Israël entreprenait le détournement des eaux du Jourdain pour anticiper ses besoins hydrauliques futurs, l’Arabie se livrait à une opération de diversion en tentant de déstabiliser la jeune équipe baasiste de Syrie fraîchement parvenue au pouvoir en 1966. Les révélations d’un des conjurés, le Colonel Salim Hatoum, sur une contribution royale saoudienne de l’ordre d‘un million de dollar à cette opération de déstabilisation de la Syrie, en pleine ébullition nationaliste consécutive au détournement des eaux du Jourdain, entraînera l’éviction de Saoud au profit de son frère cadet Fayçal au trône d’Arabie, sans que cette sanction ne mette un terme à ses pratiques. Enivrée par sa promotion au rang de puissance régionale à la suite de la chute de la monarchie iranienne, le Royaume, récidiviste, fondera en 1979 avec la France, l’Egypte et le Maroc, le « Safari club », se donnant ainsi l’illusion de « jouer dans la cour des grands », non sur le champ de la confrontation israélo-arabe, mais à des milliers de kilomètres de là, non pour la récupération des Lieux Saints de l’Islam, mais pour le maintien au pouvoir d’un des dictateurs les plus corrompus de la planète le Zaïrois Mobutu, agent attitré des Américains dans la zone centrale de l’Afrique, en butte à la subversion interne. Si le Royaume a brandi « l’arme du pétrole » en 1973 contre les pays occidentaux soutenant Israël en guerre contre l’Egypte et la Syrie, il n’a pour autant jamais privé les Etats-Unis, pourtant principal soutien de l’Etat Hébreu, du ravitaillement pétrolier nécessaire au corps expéditionnaire américain dans ses opérations de guerre contre le Vietnam du Nord communiste.

Mieux, dans les années 1980, au plus fort de la rivalité soviéto-américaine consécutive à la perte du Vietnam (1975) et de l’invasion soviétique en Afghanistan, l’Arabie saoudite apportera son soutien matériel et financier à la plus grande opération de déstabilisation d’un régime socialiste, situé au delà des océans, dans la lointaine Amérique latine, le Nicaragua du régime sandiniste de Daniel Ortega, dans l’unique souci de complaire à son complice américain. L’affaire des « contras », qui mettra en oeuvre la plus grande opération de toxicomanie de masse de la communauté noire de Los Angeles à la faveur du trafic du Crack (drogue à charge démentielle), débouchera sur le plus grand scandale politico financier de l’ère Reagan (1980-1988), « l’Irangate » et le châtiment de deux fusibles subalternes, un officier supérieur américain le lieutenant colonel Oliver North et un richissime intermédiaire saoudien de renom Adnane Kashoogi, jeter en pâture pour calmer la vindicte populaire.

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