A l’occasion de la visite d’Emmanuel Macron à Alger, les Algériens vont être gavés de discours sur la promotion du « partenariat d’exception » que les politiques des deux côtés de la Méditerranée ne cessent de chanter depuis des années. Essayons de sortir, pour une fois, des slogans et des discours à caractère sentimental pour mieux voir la réalité en face et en tirer les enseignements qui s’imposent.
Quel que soit le poids des différends qui opposent les deux pays et qui expliquent que leurs relations ont toujours évolué en dents de scie, la géographie et l’histoire imposent un regard tourné vers l’avenir en se basant sur les potentialités de coopération existantes, plutôt que de ressasser inutilement les motifs de désaccord.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes :
- 2 millions de personnes recensées dans les consulats algériens en France ;
- 26 000 étudiants poursuivent leurs études supérieures en France ;
- La France octroie 400 000 visas chaque année aux Algériens dont 8 500 visas d’études ;
- 450 entreprises françaises sont installées en Algérie créant 40 000 emplois directs et quelques 100 000 emplois indirects ;
- 7 500 entreprises françaises font des affaires en Algérie ;
- Le volume d’échange entre les deux pays dépasse les 13 milliards d’euros ces dernières années.
Bien entendu, ces données peuvent être améliorées aussi bien quantitativement que qualitativement. Reste à savoir comment. Des deux côtés, on ne cesse d’appeler à l’intensification des relations et leur transformation dans le cadre d’un « partenariat d’exception ». Pour évaluer l’état des relations entre les deux pays et les possibilités de leur développement, il convient de se pencher sur les reproches que chacun fait à l’autre partenaire.
Les Français reprochent à l’Algérie son manque d’ouverture et n’hésitent pas à mettre en cause son système bureaucratique hérité de la période « socialiste », qui constitue un frein au développement des investissements étrangers et français en particulier. Les Algériens reprochent de leur côté à la France sa propension à continuer à traiter l’Algérie comme un simple comptoir commercial et lui prêtent l’intention de continuer sa politique néocoloniale dans la région, ce qui explique les divergences diplomatiques qui opposent les deux pays sur plusieurs dossiers se rapportant à la sécurité régionale (Sahara occidental, Libye, Sahel, etc)
Que penser de ces reproches réciproques ? Commençons par la question du manque d’ouverture de l’Algérie. Qui peut nier que l’Algérie souffre aujourd’hui d’un certain manque d’ouverture sur son environnement régional et international ? Qui peut nier le poids des pesanteurs bureaucratiques dans le fonctionnement du système économique en Algérie ? Mais il ne suffit pas de reconnaître le manque d’ouverture de l’Algérie pour régler le problème.
En effet, il y a ouverture et « ouverture ». Quand des puissances comme la France, les USA et l’Union européenne reprochent à un pays comme l’Algérie son manque d’ouverture, elles défendent tout simplement les intérêts de leurs entreprises pressées de conquérir dans les meilleures conditions possibles les marchés qui ne sont pas encore totalement ouverts. L’ouverture des marchés va de pair avec l’ouverture des sociétés africaines aux idées et aux modes culturelles colportées par les ONG, les universités et les médias occidentaux qui jouent aujourd’hui le rôle joué naguère par les missionnaires chrétiens qui ont accompagné le mouvement d’expansion coloniale.
Bien entendu, il est de bonne guerre que ces puissances cherchent à ouvrir et à conquérir le plus de marchés possibles dans le monde. Le capitalisme ne serait plus le capitalisme s’il ne cherchait pas des marchés pour s’approvisionner en matières premières et des marchés où vendre ses biens et services. Emmanuel Macron a été élu pour défendre les intérêts de la France (à commencer par ceux des banques et des entreprises françaises). Ce n’est pas à lui qu’il faut demander la prise en compte équilibrée des intérêts de l’Algérie ou de l’Afrique.
C’est aux Algériens et Africains de créer les contre-pouvoirs nécessaires pour faire admettre aux pouvoirs en place, en France et en Europe, qu’il y a d’autres intérêts que les leurs qu’il convient de prendre en considération, s’ils veulent continuer à prospérer.
Il appartient aux sociétés qui aspirent au progrès et à la justice de se doter d’Etats capables de défendre leurs intérêts nationaux légitimes contre les prédateurs de l’intérieur et de l’extérieur ou de préserver, comme c’est le cas en Algérie, ce qui reste du système de protection nationale et sociale qui a été instauré de haute lutte durant les périodes précédentes, et qui est aujourd’hui gravement menacé par des groupements d’intérêts mafieux qui se sont lancés dans une opération de noyautage de l’Etat algérien avec la complicité des réseaux de la Françalgérie.
Dans les conditions d’interdépendance actuelles du capitalisme mondial, il est impossible pour les sociétés du sud de se préserver des appétits des multinationales et des Etats à leur service par une impossible fermeture. Elles ne peuvent le faire que par une ouverture intelligente et réglementée par des lois conformes au droit international. Et c’est là que le bât blesse dans ces pays qui continuent d’être dirigées par des élites dépendantes.
Pour s’ouvrir dans la mesure où elles n’ont pas d’autre choix que celui-là tout en protégeant leurs intérêts et leur intégrité, ces sociétés doivent se donner les moyens de résister aux nouvelles formes de prédation et de domination. Il ne suffit pas de ressasser le passé colonial de la France pour se prémunir de ses appétits néocoloniaux d’aujourd’hui. Même si elle doit mobiliser les affects et les émotions, la question mémorielle est avant tout une question sociale et historique.
Contrairement à ce que dit Macron, il ne s’agit pas d’une simple question sentimentale appelée à disparaître comme par enchantement dans le cadre de l’alternance générationnelle. Certes, la France a changé. Mais pas fondamentalement. La stratégie coloniale d’hier a laissé la place à une nouvelle stratégie néocoloniale plus perfide et plus dangereuse comme l’illustre le discours de Macron lui-même.
Les nouvelles générations sont assoiffées de futur mais ce dernier ne se construira à partir du néant. Il se prépare dès aujourd’hui dans les luttes en vue d’imposer de nouveaux rapports sociaux plus équitables entre le nord et le sud, entre la France et l’Algérie. Pour gagner cette bataille du futur, aucune ressource ne sera de trop et dans ce genre de batailles les ressources symboliques n’ont pas moins d’importance que les ressources matérielles.
Si on veut transformer toutes les opportunités qu’offre l’histoire pour gagner la bataille du développement et de la civilisation, il faut mobiliser toutes les ressources, à commencer par les ressources humaines, c’est-à-dire toutes les compétences nationales de l’intérieur et de la diaspora. Mais les batailles qui engagent l’avenir des nations ne demandent pas seulement la mobilisation des compétences techniques, elles demandent surtout des compétences morales, psychologiques et politiques au premier rang desquelles il faut compter la volonté, l’intégrité et l’engagement qui se nourrissent du souvenir des pages glorieuses du passé, de la fidélité aux sacrifices des aînés et de l’attachement indéfectible aux principes fondateurs de l’épopée nationale.
A considérer les facteurs sociologiques qui déterminent le mode d’insertion de la bourgeoisie et de la bureaucratie algériennes dans la division régionale et internationale du travail, fondé sur l’économie rentière, et qui expliquent pour partie le complexe d’infériorité et l’hypocrisie qui habitent une grande partie des élites qui gouvernent actuellement l’Algérie, la refondation des relations algéro-françaises n’est pas pour aujourd’hui.
Cette refondation aura lieu quand de nouvelles élites algériennes auront émergé grâce à leur travail et leur intelligence, des élites libérées de l’aliénation et du consumérisme qui gangrènent la lumpen-bourgeoisie et la lumpen-intelligentsia que les Algériens ont le malheur de supporter pendant on ne sait combien de temps encore et dont les étudiants parasites qui sont sortis à la rencontre de Macron devant la Fac centrale, en décembre 2017, constituent un triste échantillon.
Ces nouvelles élites auront notamment à relever le défi de l’ouverture sur le monde sans tomber dans le piège du mimétisme et de la servilité. Elles comprendront à ce moment-là qu’elles ne pourront pas gagner la bataille de l’ouverture économique, politique et culturelle vers le nord tant qu’elles resteront fermées par rapport à leur propre héritage historique et civilisationnel et par rapport à leur environnement régional naturel.
Le gisement de coopération économique existant entre l’Algérie et ses voisins maghrébins et d’autres nations émergentes, culturellement proches comme l’Egypte, la Turquie, l’Iran, l’Indonésie et la Malaisie, est non seulement plus prometteur, mais sa valorisation pourrait permettre par ailleurs de mieux fructifier les opportunités que peut leur offrir l’Europe.
“La France octroie 400 000 visas chaque année aux Algériens”
Et j’ajouterai que tant de monde entrant chez nous chaque année (combien de gens au bout de 5 ans ?) ne va pas ressortir et que nous avons maintenant trop de problèmes de délinquance dans nos banlieues pour être encore patients.
Il faut limiter l’immigration et n’accepter que celle dont nous aurions besoin.
La réalité, c’est que l’Algérie, depuis 1962, a besoin d’ennemis. Israël bien sûr, le Maroc ensuite, et surtout la France. Tout ça pour faire oublier la gestion désastreuse du FLN, qui s’est attribué un pays entier et cherche à faire oublier son incompétence, son autoritarisme et sa corruption.
Citation au hasard :
“La quête éperdue d’ennemis fantasmés et l’exaltation en tintamarre d’un nationalisme tribal, dans l’intention d’asseoir la légitimité du pouvoir, pouvaient être jugées superfétatoires pour un régime à bout de souffle qui ne peut cacher ses échecs répétés et son incapacité à créer les conditions idoines de la prospérité de son peuple.”
Russian Foreign Ministry/TASS/Si