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Jérusalem : après les musulmans, les chrétiens ?

C’est une victoire chèrement acquise que les musulmans ont obtenu, sur l’esplanade des mosquées, après les assauts des juifs extrémistes protégés par l’armée israélienne ; après plusieurs centaines de blessés palestiniens, y compris dans la mosquée al-Aqsa prise d’assaut à coups de gaz lacrymogènes, de balles en caoutchouc et assourdissantes. Le gouvernement israélien a décidé de fermer vendredi l’accès à l’esplanade des mosquées aux juifs jusqu’à la fin du ramadan. Les musulmans pourront pratiquer la retraite spirituelle de l’Itika en toute quiétude. Enfin ! Le gouvernement a sans doute eu peur d’une nouvelle intifada.

Aujourd’hui, Mgr Atallah Hanna, archevêque du patriarcat grec orthodoxe de Jérusalem lance un appel aux Eglises chrétiennes d’Orient, du monde entier et à toutes les religions : « ne laissez pas Jérusalem seule », a-t-il lancé dans une interview sur la télévision libanaise al-Mayadeen. Les militaires israéliens sont entrés avec leurs armes dans l’église du Saint-Sépulcre et ont attaqué des fidèles. Il a souligné que « l’occupation s’emploie à saboter nos cérémonies et notre fête religieuse ». Dans la semaine sainte, les troupes israéliennes ont été déployées massivement dans Jérusalem et même dans la cour de l’église du Saint-Sépulcre, empêchant les fidèles d’accéder librement à l’église ; elles ont même agressé un prêtre. Des pèlerins chrétiens venus d’Egypte auraient été battus par des policiers et des gardes-frontières. Ajoutons qu’il est assez courant que des juifs crachent sur des prêtres durant les processions. Le FPLP (Front populaire pour la libération de la Palestine) a estimé que ces restrictions étaient « l’un des épisodes du plan de judaïsation de la ville de Jérusalem et de ses lieux saints islamiques et chrétiens » et qu’Israël « ne fait aucune distinction entre un palestinien chrétien ou musulman ».

Mgr Hanna, d’origine palestinienne, est aujourd’hui la personnalité chrétienne qui dénonce avec le plus de vigueur l’occupation israélienne. Il était temps, en effet, que l’Église grecque orthodoxe rompe avec l’occupant israélien. On se souvient que le patriarche Irénée Ier avait trahi ses fidèles en vendant un groupe d’immeubles à des groupes juifs ! Le scandale avait provoqué sa destitution en 2005 et l’élection, la même année, de Théophile III. Ce dernier, en janvier 2022, a dénoncé dans une tribune du Times of London, des « groupes extrémistes israéliens [qui] visent à expulser les chrétiens de Jérusalem ». Et d’ajouter : « Nos frères et sœurs sont victimes de crimes haineux, nos églises sont régulièrement profanées et vandalisées, et les membres de notre clergé font l’objet de fréquentes menaces et intimidations ». Selon Le journal Haaretz, des « responsables » israéliens ont rejeté les propos du patriarche mais sans préciser leurs noms. Il reste qu’un tribunal du district israélien de Jérusalem vient de condamner le patriarcat orthodoxe à verser une « compensation » de 13 millions de $ au Fonds national juif ! Théophile III a donc repris le combat mené longtemps par le patriarche catholique Michel Sabbah. 

Les exactions contre les églises et les chrétiens

Depuis des années, les chrétiens à Jérusalem et ailleurs sont l’objet d’injures ; les graffitis en hébreu, inscrits sur des églises et bâtiments chrétiens sont révélateurs : « Mort aux chrétiens », « on va vous crucifier », et d’autres réclamant « l’expulsion des chrétiens ». Les autorités israéliennes condamnent sans rechercher les coupables. Concernant les églises, depuis près d’une vingtaine d’années, le vandalisme s’est développé. Donnons l’exemple de l’église de Tabgha, dite de la Multiplication des pains, sur le bord du lac de Tibériade. En avril 2014, elle avait été victime de vandalisme. En juin 2015, un incendie a partiellement détruit l’église. Le coupable, âgé de 23 ans, vivait dans une colonie sauvage du nord de la Cisjordanie ; il a été condamné à 4 ans de prison ; mais les fera-t-il vraiment ? En septembre 2015, c’est le tour d’une église d’un monastère salésien à l’ouest de Jérusalem d’être vandalisé. En août de cette même année, le leader du groupe juif Lehava, Ben-Zion Gopstein, qui fut élève du rabbin Kahane, avait appelé à brûler les églises.

Des taxes sur les propriétés chrétiennes à Jérusalem ?

En février 2018, la municipalité de Jérusalem avait décidé d’imposer des taxes sur une partie des biens immobiliers des congrégations chrétiennes. (Rappelons que, lors de la signature de l’«Accord fondamental » entre I’Etat d’Israël et le Saint-Siège, de nombreuses questions concernant la présence chrétienne à Jérusalem devaient être réglées ultérieurement en commissions mixtes. La mauvaise volonté israélienne et son intransigeance fait qu’aucune des questions financières n’ont été réglées. Après tout, Israël avait obtenu ce qu’il voulait avec la reconnaissance catholique de l’État juif). Ces taxes auraient touché de très nombreux immeubles d’hébergement des pèlerins, des écoles, des hospices, des hôpitaux, ainsi qu’une institution savante comme l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem (cette dernière étant une structure discrètement pro-palestinienne). De surcroît, la mairie israélienne exigeait 150 millions d’euros d’arriérés. Toutes ces immeubles se situent, remarquons-le à Jérusalem-Est annexé illégalement par Israël et ont bénéficié depuis au moins un millénaire d’exemptions fiscales. La présence chrétienne était donc en danger.  Les trois Eglises chrétiennes ayant la garde du Saint-Sépulcre, le lieu le plus saint du christianisme, décidèrent donc de fermer l’église pendant trois jours, mesure rarissime, qui fit reculer le gouvernement israélien.

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Un nouveau projet israélien

Aujourd’hui, un autre mauvais coup se prépare. Il s’agit d’étendre les limites du « parc national des murs de Jérusalem » au Mont des Oliviers, en incluant aussi des pans des vallées du Cédron et de Ben Hinnom. Or le Mont des Oliviers inclut des épisodes particulièrement importants de la Passion de Jésus : le jardin de Gethsémani et plusieurs églises : basilique, chapelle latine, monastère orthodoxe de l’Ascension, Carmel du Pater. Dès la révélation de ce plan par le site Times of Israel, les trois principales autorités chrétiennes (grecque-orthodoxe, catholique et arménienne) ont immédiatement adressé une lettre au ministre israélien de l’environnement en rappelant qu’une partie des terres appartiennent à leurs Eglises et d’autres à des propriétaires privés palestiniens ; ils ont exprimé leur « objection sans équivoque ». L’INPA (Autorité israélienne pour la Nature et les Parcs) leur a répondu qu’il ne s’agirait que de donner au gouvernement « une certaine autorité » comme de réaliser des projets au-dessus des propriétés.

Cette fois, on comprend que ressurgit le projet de téléférique qui avait été approuvé en 2019 par le gouvernement de Netanyahu. Il s’agirait d’un téléférique partant, à l’ouest, de l’ancienne gare de Jérusalem pour conduire les voyageurs, à 1,4 km plus loin à l’est, à la porte des Maghrébins qui permet d’accéder au Mur des Lamentations sans avoir à traverser la Vieille Ville ou venir en bus à cette même porte. Le téléférique pourrait transporter 3 000 passagers à l’heure en quelques minutes ; il survolerait le village de Silwan à 14 m au-dessus des maisons ! Le point d’arrivée permettrait aux touristes d’accéder non seulement au fameux Mur mais aussi, directement, au site archéologique de la Cité de David exploité par Elad, la très puissante entreprise d’extrême-droite qui rêve, comme le gouvernement, d’achever la judaïsation de la Ville sainte. On imagine ce que deviendrait la Vieille Ville de Jérusalem avec des pylônes énormes et des cabines se succédant comme dans les Alpes au-dessus des pistes de ski…

Les protestations nombreuses n’ont abouti qu’à repousser le projet d’extension du parc : il est inscrit désormais à l’ordre du jour du 31 août prochain par l’organisation de planification municipale. Ne désarmons pas.

Martine Sevegrand

PS Selon la télévision libanaise al-Mayadeen, le 19 avril, les services de renseignement saoudiens ont arrêté un pèlerin palestinien dans la ville sainte de La Mecque, parce qu’il avait, à haute voix, invoqué Dieu pendant les rites pour libérer la mosquée Al-Aqsa. Les autres pèlerins derrière lui se sont alors mis à prier pour la libération d’al-Aqsa. Plusieurs pèlerins furent arrêtés puis libérés à l’exception du pèlerin palestinien qui a vu sa détention prolongée de 5 jours supplémentaires.

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