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Intox dans l’affaire Merah : quand Al Jazeera, l’Express et Sifaoui se contredisent

Depuis l’offensive judiciaire lancée lundi  par le père de Mohamed Merah, la presse hexagonale, alignée sur la position officielle des autorités, manifeste de plus en plus de scepticisme quant à l’existence prétendue de vidéos attestant de l’innocence de son fils. A juste titre, d’ailleurs : tant que ces documents explosifs ne seront pas relâchés par l’avocate Zahia Mokhtari et remis à la justice française, une certaine réserve s’impose. A ce jour, seules des retranscriptions dégradées et publiées par le quotidien algérien Echorouk sont consultables. Sachant la proximité qu’entretient ce média avec le pouvoir militaire local, et notamment les services policiers, la prudence quant à la fiabilité du “scoop” est de rigueur.

A contrario,  le camp de l’accusation contre Mohamed Merah -qui réunit à la fois l’appareil d’Etat, des experts du terrorisme islamiste et certains journalistes proches du Renseignement- bénéficie d’une certaine indulgence de la part des médias nationaux. Les informations contraires à la version officielle ont été surtout diffusées par la presse étrangère et les sites alternatifs. Curieuse désinvolture sur le plan déontologique car il arrive que les défenseurs de la culpabilité de Merah aient parfois recours à des arguments douteux.

Tel est le cas de Mohamed Sifaoui : spécialiste auto-proclamé de l’islamisme, l’essayiste algérien est souvent sollicité pour commenter l’affaire des sept meurtres commis dans la région de Toulouse-Montauban. Mercredi soir, dans l’émission C dans l’air de France 5, il a révélé un détail problématique pour étayer sa conviction  quant à la responsabilité criminelle de Merah. Après avoir dénoncé les sceptiques, élégamment qualifiés de “fous” et de “lâches”, l’homme a prétendu que le visage du jeune Toulousain apparaît dans la fameuse vidéo réalisée au moyen d’une caméra GoPro et envoyée par un inconnu à l’antenne parisienne d’Al Jazeera. A ses côtés, le journaliste de l’Express Jean-Marie Pontault, co-auteur d’une enquête sur le sujet, semble vaguement confirmer son propos (à 1’38) en faisant état, d’un geste de la main, de l’existence d’un miroir dans lequel Merah se serait filmé.

http://youtu.be/CvVRGWmOaNs

Au-delà de ce paradoxe consistant, pour Mohamed Merah, à s’exposer visuellement dans une vidéo envoyée à la presse avant d’affirmer, selon la police qui l’encercle, avoir prémédité d’autres assassinats pour les jours suivants, une flagrante contradiction factuelle, particulièrement intrigante, semble émerger. La chaine Al Jazeera, récipendiaire de la vidéo envoyée depuis la région de Toulouse, avait catégoriquement affirmé dans un communiqué, daté du 27 mars, que le visage de Merah n’apparaissait pas tout au long du film. Cette remarque était passée alors inaperçue au regard de la décision prise par le média du Qatar de ne pas diffuser ces images à l’antenne.

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Pourtant, deux mois plus tard, deux hommes, l’un proche des militaires algériens et l’autre admiré par un ancien ponte du renseignement français, ont laissé entendre sur France 5 que le visage du Toulousain était bel et bien apparu dans la vidéo. Il ne peut s’agir là d’une simple divergence d’opinion : soit Merah est reconnaissable, soit il ne l’est pas. Sachant qu’Al Jazeera n’a pas d’intérêt à camoufler un fait aussi capital, une question se pose : pourquoi Sifaoui et Pontault voudraient-ils convaincre le spectateur de la culpabilité de Merah sur la base d’une contre-vérité? Comme le révèle aujourd’hui Oumma, leur allégation, formulée vigoureusement par l’un et confirmée timidement par l’autre, est pourtant contredite par un communiqué antérieur d’Al Jazeera.

D’autant qu’ils sont les seuls à évoquer publiquement une reconnaissance possible du visage de Merah. Fin mars, RMC avait obtenu en exclusivité un descriptif de la vidéo par une source proche de l’enquête. A aucun moment, la radio n’a fait allusion à une quelconque apparition du tueur présumé dans les images. Au contraire, elle se contente essentiellement de préciser que les mains de l’individu, posées sur le guidon du scooter, sont gantées. Quant à sa voix, elle serait audible, même s’il faut ajouter ici un élément important : Zied Tarrouche, responsable du bureau parisien d’Al Jazeera, avait indiqué à BFM TV que les voix avaient subi une “déformation” au cours du montage. Autrement dit, si l’on en croit RMC et la chaîne qatarie, le tueur de Toulouse-Montauban n’apparait jamais à visage découvert, ses mains semblent systématiquement gantées et sa voix est modifiée. En quoi, dès lors, cette vidéo pourrait-elle constituer une preuve indiscutable de la culpabilité de Merah comme le laissent entendre Sifaoui et Pontault ?

Diversion, contre-feux et manipulations. Instrumentalisée de part et d’autre, l’affaire Merah n’a pas dit son dernier mot. Qu’ils soient policiers, juges, enquêteurs, avocats, journalistes indépendants ou désinformateurs multi-cartes, tous ses protagonistes s’en disputent le dernier mot. Entre l’intérêt général et la raison d’Etat incarnée dans un étrange “secret-défense”, le bras de fer continue. A l’issue de celui-ci, un seul enjeu, crucial et de salubrité publique : la manifestation de la vérité.

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