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Entretien exclusif avec Denise Hamouri, mère de Salah

Foudroyé à l’aube de ses 20 ans, à l’âge de tous les possibles, propice aux rêves d’avenir, mais aussi à l’éveil d’une conscience politique, Salah Hamouri a été brutalement arraché aux siens, le 13 mars 2005, par les autorités militaires israéliennes, au détour du cauchemardesque checkpoint de Qalqiliya, qui a fait basculer sa vie dans le drame.

Qui était ce jeune franco-palestinien, étudiant en deuxième année de sociologie, issu d’un foyer mixte, de mère française, Denise Hamouri, et de père palestinien Hassan Hamouri, restaurateur à Jérusalem-Est, avant que l’arbitraire israélien ne s’acharne contre lui, ne le jette en prison, et ne piétine son innocence ? Quel homme est-il devenu aujourd’hui, après ces six longues années d’une effroyable épreuve, où sa ligne d’horizon se heurte aux barreaux de sa cellule de Guilboa, dans le nord d’Israël ?

Dans cet entretien qu’elle a accordé en exclusivité à Oumma.com, Denise Hamouri, véritable mère courage, qui est native de Bourg-en-Bresse dans l’Ain, et professeur de français à Jérusalem, retrace le récit d’une tragédie humaine, tout en nous permettant de mieux connaître son fils, Salah, qui a fêté ses 26 ans, le 25 avril dernier, toujours reclus dans son enfer carcéral.

Denise Hamouri, votre fils vous a été injustement enlevé par les autorités militaires israéliennes, en mars 2005, alors qu’il se rendait à Ramallah avec des amis. Salah est né à Jérusalem, il est franco-palestinien, puisque vous êtes vous-même française marié à Hassan Hamouri, quelle était sa personnalité avant cette descente aux enfers ? Est-il déjà venu en France ?

Salah était étudiant à l’Université de Bethlehem, il était féru de sport, très sociable, il avait de nombreux amis. Ses études de sociologie le passionnaient, il montrait déjà un sens affirmé de la politique, se disant révolté par les injustices faites au peuple palestinien. Il a été détenu à deux reprises : une première fois, en 2001, il a purgé 3 mois de prison pour avoir collé des affiches, et plus tard en 2004, il a été condamné à 4 mois de détention administrative, au simple motif qu’il avait passé la soirée avec des amis, dont un était alors recherché par les israéliens .

Oui, Salah connaît la France et parle français. Il y a séjourné de nombreuses fois, en vacances le plus souvent, et notamment à Bourg-en-Bresse, d’où je suis originaire.

Salah a été incarcéré après un procès joué d’avance, qui l’a condamné à 7 ans d’emprisonnement au motif fallacieux d’avoir comploté pour assassiner le rabbin ultra-orthodoxe Ovadia Yossef. Comment avez-vous, votre mari et vous-même, traversé ce cauchemar judiciaire ? Comment Salah a-t-il vécu cette terrible injustice ?

Le plus dur pendant la détention, c’est la période d’interrogatoire, car on ne sait rien, on ne peut pas voir le prisonnier et les détenus sont le plus souvent torturés de manière insidieuse ( torture psychologique, chantage sur un membre de la famille, manque de sommeil…). Salah a passé de très durs moments, dont il évite de parler. Son verdit de 7 années d’emprisonnement est tombé comme un couperet. Le choc fut effroyable pour nous, et pour Salah aussi sans doute, mais il a malgré tout toujours refusé de présenter des regrets.

Comment expliquez-vous ce qui lui est arrivé, pourquoi cet acharnement contre lui particulièrement ?

Malheureusement, cet acharnement judiciaire est chose courante dans les tribunaux militaires où, sous couvert de leur sécurité, les israéliens infligent des traitements impitoyables aux détenus (des peines très lourdes, des amendes exorbitantes que les gens ne peuvent pas payer…). Le fait que Salah soit jeune et “tienne le coup” peut être une cause de cet acharnement. Salah n’est plus retenu à la prison Rimonim, mais à celle de Guilboa dans le nord d’Israël. Dans un raffinement de cruauté, il a été transféré de nombreuses fois, comme tous les détenus, pour le fragiliser en créant une instabilité psychologique.

Pouvez-vous lui rendre régulièrement visite ? Quelles ont été et sont ses conditions de détention ?

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Salah partage actuellement une cellule avec 8 autres détenus politiques. Je ne peux rien lui donner à part des vêtements, mais seulement deux fois par an, les livres sont souvent interdits, quant au courrier, il lui parvient de façon irrégulière.

Les visites en prison sont organisées par la Croix-Rouge, au rythme de deux par mois. L’attente est longue, les fouilles aussi, pour finalement voir le prisonnier pendant 45 petites minutes, derrière une vitre, et en parlant dans un interphone. Salah, comme ses co-détenus, peut lire la presse locale et regarder certaines chaînes de télé (israéliennes de préférence), il a commencé des études, qu’il n’a pas finies, mais il lui a fallu apprendre l’ hébreu.

Dans quel état d’esprit est-il aujourd’hui, à quelques mois de sa libération fixée à la date du 28 novembre 2011 ? Est-ce que la médiatisation de son affaire le réconforte ?

Il relativise beaucoup sa situation, car il est détenu avec des prisonniers ayant pour beaucoup d’entre eux déjà passé 25 ans derrière les barreaux, sans espoir de sortie. Certains sont âgés, d’autres malades, Salah dit d’ailleurs toujours “nous” quand un élu français a la possibilité de le voir. Il ne se plaint pas de sa situation, et profite de ces rares échanges qu’il peut parfois avoir pour expliquer ce qui se passe en prison. La médiatisation de son cas, les marques de soutien qu’il reçoit l’aident considérablement à tenir moralement.

Nicolas Sarkozy a toujours refusé de vous recevoir, alors que les familles de Clothilde Reiss (retenue en Iran et libérée), de Florence Cassez (détenue au Mexique), et surtout du prisonnier, franco-israélien, le soldat Gilad Shalit, ont toutes eu les honneurs de l’Elysée. Que ressentez-vous face à cette autre injustice, celle de votre pays ?

Concernant la position du gouvernement français, je ressens bien sûr une injustice qui se traduit par un deux poids deux mesures flagrant, mais je sais aussi que beaucoup de gens sont avec nous aujourd’hui, et nous aident de toutes les manières que ce soit, et cela fait chaud au cœur.

La dernière prise de position de Monsieur Juppé nous redonne un peu d’ espoir. Il est indéniable que chaque jour passé en prison est un jour de trop, donc continuons d’espérer, c’est ce que j’essaie de faire depuis le début ! Salah est libérable le 28 novembre 2011, c’est ce qui est stipulé sur son jugement…

En conclusion, quel message essentiel souhaiteriez-vous transmettre à nos internautes de la part de Salah ?

Pour les internautes d’Oumma.com surtout, nous voulons leur dire merci parce que sans eux, sans leur mobilisation, la situation de Salah et de tous les autres prisonniers palestiniens serait restée dans l’ombre, ce qui d’ ailleurs arrangerait bien nos dirigeants et les israéliens eux-mêmes ! La mobilisation sans relâche doit se poursuivre jusqu’à la fin !

Propos recueillis par la rédaction.

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