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Entretien avec José Bové : « J’appelle à la manifestation du samedi 14 qui est fondamentale »

Dans cet entretien accordé à oumma.com, José Bové revient sur la loi anti-foulard qu’il qualifie d’ inutile et dangereuse, et appelle à manifester en masse le samedi 14 février.

Quel est votre sentiment sur la loi qui vient d’être votée contre le port des signes religieux à l’école ?

Comme beaucoup de gens, j’ai été très surpris de cette « affaire du foulard » et de l’ampleur du débat. Cette affaire a été énormément instrumentalisée pour détourner l’attention des vrais problèmes. Malgré elle, cette polémique est devenue une affaire centrale alors qu’en discutant avec les enseignants, les responsables de lycées, les éducateurs, on se rend compte qu’il n’y a pas eu réellement de problèmes de cette nature. A mon sens, tout cela est construit de toutes pièces. De manière claire, je pense que cette loi était inutile et surtout dangereuse car on aujourd’hui on s’attaque au foulard et c’est une façon de criminaliser une partie de la population issue de l’immigration. C’est une façon de montrer du doigt une religion ― pourquoi pas demain une autre. C’est aussi une façon de revenir sur la liberté individuelle qui est malgré tout dans la Constitution française. Donc, je crois que pour toutes ces raisons de fond, cette loi n’a pas de fondement et qu’elle se situe dans la suite logique de toutes ces lois répressives qui se mettent en place. Il n’est d’ailleurs pas étonnant qu’on vote dans la même semaine, la loi sur le foulard et qu’on vote dans la foulée la loi Perben 2 dans le silence quasi complet. Les médias ne se sont absolument pas intéressés à cette régression des droits individuels.

Pensez-vous que nous sommes en train d’assister à l’élaboration ou au renforcement d’une citoyenneté à double vitesse ?

On assiste à un nouveau type de société qu’on ne connaissait pas en France où l’individu devient naturellement suspect. C’est-à-dire qu’on ne reconnaît plus une personne à ses droits mais tout individu existe par le fait qu’il est potentiellement un délinquant, qu’il peut aller à l’encontre de la loi ou s’opposer à l’Etat. En fait, l’Etat ne protège plus ses habitants ; il cherche désormais à se protéger. On assiste à une modification complète des valeurs de la République et c’est très inquiétant.

Des initiatives comme le Collectif Une école pour tous-tes montrent une conscientisation de l’opinion publique. Pensez-vous que tous les partenariats qui s’engagent aujourd’hui laissent à penser qu’on assiste à la création d’un mouvement alternatif, voire un contre-pouvoir ?

Il est difficile de savoir de quoi sera fait demain, mais on ne peut que constater la conscientisation des gens qui se prennent en main, n’acceptent pas la fatalité en mobilisant. Le noyau est encore petit mais il s’étend. On voit que de plus en plus de gens rejoignent ce genre de collectif. Ils ont compris les manipulations du gouvernement sur cette question de la loi relative au foulard à l’école.

C’est une démarche très positive qui rejoint tous les autres combats autour de la citoyenneté que ce soit dans les quartiers comme au niveau international. Il est important que chacun puisse se battre pour les droits car c’est le Droit qui fondera la société.

Les associations musulmanes commencent à prendre une place importante dans des débats qui ne les concernent plus eux uniquement. Cela a été le cas dans la dynamique alter-mondialiste, autour du FSE, au Larzac et aujourd’hui dans le Collectif une Ecole pour tous-tes. Que pensez-vous de cette participation ?

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C’est un signe positif que de voir toutes les communautés qu’elles soient religieuses, philosophiques ou de pensée se retrouver autour d’un certain nombre de réseaux. Quand on voit autour du FSE mais aussi à Bombay au niveau mondial, la présence très variée de gens d’horizons venant de milieux religieux ou philosophiques différents, on ne peut que se réjouir. On ne peut accepter la stigmatisation d’une communauté ou dire que telle communauté doit faire plus d’efforts que les autres. Il nous faut construire un vivre ensemble où chacun a ses droits et reconnaisse les droits des autres. C’est très important et ça me choquerait si telle ou telle communauté devait se sentir obligée ou si elle était contrainte à s’intégrer car que veut dire aujourd’hui s’intégrer ? C’est quand on est montré du doigt et que rien n’est fait pour qu’on puisse vivre en fonction et à partir de ce qui nous constitue dans notre culture et nos racines. Chacun doit pouvoir vivre à partir de ce qu’il est. Si, aujourd’hui, cela ressurgit autour de la communauté musulmane, c’est parce que la France n’en a pas fini dans sa relation avec le Maghreb autour de la question coloniale. Tant qu’on n’appellera pas une guerre par son nom et qu’on ne se souviendra pas de manière claire de ce qui s’est passé en Algérie, tout cela restera profondément ancré et il est de notre devoir de nous battre contre cela.

Estimez-vous qu’on assiste à une lepénisation des esprits ?

Je ne sais pas si on doit reprocher la situation à Le Pen plus qu’à Sarkozy, voire à même certaines personnes de gauche tentées par la logique sécuritaire. Mais on assiste à un bouleversement où c’est l’individu qui est menacé ; ce qu’il faut dénoncer et combattre. Chacun doit se mobiliser et être prêt à descendre dans la rue ; agir dans son quartier, son lycée ou sur son lieu de travail. Et aussi que chacun n’oublie pas que le droit de vote a été acquis par la lutte et qu’il faut se battre pour le sauvegarder car le vote fait partie du combat.

Appelez-vous à la manifestation du 14 ?

J’appelle effectivement à cette manifestation car je pense qu’elle est fondamentale. Je ne serai malheureusement pas présent personnellement car j’ai d’autres obligations mais je crois qu’il est important qu’il y ait le maximum de gens possibles. En tous les cas, je tiens à dire que je m’associe à tous ceux qui seront dans la rue ce jour-là.

J’espère aussi que grâce à ce mouvement beaucoup de gens vont prendre conscience de la réalité et se rendront compte combien la manipulation est grande. C’est en descendant dans la rue pour protester et discutant avec les uns et les autres qu’on est le plus armé afin de résister à ceux qui veulent faire reculer les droits.

Propos recueillis par Siham Andalouci

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