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De la Syrie et des cris qu’on n’entend pas

La Syrie se vide.

Du sang de son peuple.

Comme lui, elle se meurt.

Comme elle, il étouffe.

Acculées au cœur du même râle, leurs forces s’amenuisent ensemble et disparaissent peu à peu. L’agonie est bruyante, salissante, nauséeuse. Nous sommes le 13 juin de l’année 2011 et chaque heure qui passe nous transperce. Le spectacle du carnage qui se déroule actuellement en Syrie dévoile à nos yeux blasés à quel point l’inhumanité d’un pouvoir devenu fou peut se repaître de la vie des humbles. Je l’ai vu.

Et vous aussi.

Les images de l’horreur ─ ces spectres qui hantent les âmes distantes ─ nous en soulève l’esprit et, pour ceux qui en ont encore un, le cœur. Des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards, des jeunes, tous unis, désarmés, marchant pacifiquement vers des soldats apparemment sans conscience… Les écoles ont arrêté d’enseigner les leçons mal écrites du pouvoir, les restaurants ne servent plus ces célèbres pâtisseries orientales serties de pistaches qui faisaient le délice des touristes, les étals ont été précipitamment retirés de peur que leurs épices soient éclaboussées de morceaux de viande humaine, les cafés ont suspendus leurs thés et les échoppes, leurs ventes à la criée. La jadis bruyante rue syrienne est aujourd’hui enfumée d’une tension qui vous emporte et vous relie, au-delà du dicible, à une autre réalité. Le silence s’est fait cri. L’aube a épousé le crépuscule pour se confondre avec lui dans une nuit de deuil. Les anciennes habitudes ne sont plus. Leur ritournelle séculaire s’est trouvée déchiquetée par un beau matin de printemps, emprisonnant les saisons et le temps pour mieux nous empêcher de fuir en baissant les yeux sur le cadran de nos montres. L’inévitable est pourtant devant nous.

Tout comme ces militaires en armes se tiennent présentement devant eux.

Que nous n’allions pas vers lui n’a aucune importance. Il viendra à nous de toute façon. Et nous ne pourrons alors plus jamais détourner le regard.

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Syrie ! Syrie ? Combien de temps encore avant le silence et la paix ? Combien encore avant la clémence et la sérénité ? Avant la justice et la démocratie ? Nul chantre, nul apôtre, nul visionnaire ne peut le dire. Peut-être jusqu’au jour où le dernier couteau assassin se sera émoussé d’avoir trop tranché de vies. Où à celui de l’ultime bravoure lorsque, dans un éclair rougeoyant, elle engloutira en sa chair la dernière de leurs balles aveugles. Nul ne le sait.

La foule avance. Elle est en ce moment l’humanité en marche, messagère d’une Justice éternelle. En marche pour signifier aux bâtards de pharaon que liberté et dignité sont leurs et qu’ils ne les laisseront jamais plus gésir au pied de leur pyramide.

La foule avance. Les enfants martyrs qui forment ses rangs disent qu’elle a pour nom Avenir. A leur côté, les femmes glorieuses chantent que son visage universel est celui du futur. Et selon les anciens qui nous guident, sa voix parle depuis toujours la langue des lendemains et ses pas sont des enjambements de corps inertes et libres. Tous ne vivront pas certes. Mais tous sont ce que la vie a de plus de cher en cette heure.

La foule avance. Et avec elle le Peuple, la Nation, le Droit et l’Histoire. Elle a conquis la vie car nous savons tous que la vie est mouvement. J’ignore si ces mots leur parviendra mais peu importe. La vaillance de leurs victimes suffira amplement à les faire vaciller, avant de les faire tomber et de les éteindre. Que les missionnaires de la mort cependant se rassurent : si rien ici-bas ne dure, cette vie qu’ils croient combattre ne s’épuisera pas, pas même en mettant un terme à leur règne figé. Car face aux immobiles sanguinaires, la vie passe sans cesse et ne meurt jamais.

Abd al Hakim CHERGUI

« Juste pour toi », éd. Tawhid, 2010

« Double peine ou peine dédoublée », éd. Universitaires européennes, 2010.

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