« Très certainement, Nous vous éprouverons par quelque angoisse, par la faim, par une diminution de vos biens, dans vos personnes et de vos récoltes. Et annonce la bonne nouvelle aux endurants, qui disent, quand un malheur les atteint: «Certes nous sommes à Allah, et c’est à Lui que nous retournerons. Ceux-là recevront les bénédictions et la miséricorde de leur Seigneur et ce sont ceux-là qui sont dans la bonne voie. » (Le Coran, 2 : 155-157)
Au cours des derniers mois de l’année 2016, une série de crimes odieux, perpétrés selon des procédés atroces, a défrayé la chronique au Sénégal. C’est ainsi que deux gardiens d’une pharmacie, dans le nord du pays, ont été abattus par des délinquants armés de fusils, que dans une station d’essence, à Dakar, un jeune a tiré sur un taximan, le tuant d’une balle dans la tête, ou encore, qu’une femme, membre du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE), a été égorgée chez elle par son chauffeur… Cette liste macabre de faits divers est, malheureusement, non exhaustive.
Les populations sont profondément choquées, même si les experts en matière de sécurité se veulent rassurants, en expliquant qu’il s’agit de pics de violence meurtrière et non d’une tendance lourde.
Les lignes qui suivent visent à contribuer à une compréhension lucide de ce fléau et à donner des pistes de prévention et de résilience, au sens de la capacité à rebondir après un choc, à la lumière des enseignements de l’Islam. Cela se justifie en ce qu’au moins 90% des 13 millions d’habitants se disent musulmans.
Lorsque le premier couple humain commet au paradis la transgression qui sera la source de toutes ses souffrances à commencer par l’expulsion de ce lieu, il reconnait humblement sa faute, fait son mea-culpa et présente à Dieu sa demande de pardon et son repentir. Dieu leur accorde son pardon et leur fait une promesse de guidance en ces termes :
« (…) Puis, si vous recevez de Moi une guidance, quiconque la suivra ne connaitra ni égarement, ni misère. Par contre, quiconque se détournera de mon Rappel connaitra une vie pleine de gêne, et nous le ressusciterons atteint de cécité » (Le Coran, 20 : 123-124)
Commencer par ce récit des origines est une façon d’annoncer la bonne nouvelle de la possibilité de se relever d’une crise à condition de faire son introspection et de faire résolument confiance à Dieu. Ce faisant, Il nous aidera à nous remettre debout pour accomplir les bonnes œuvres qui donnent sens à notre vie ici-bas et nous assurent la félicité dans l’au-delà :
« Béni soit celui dans la main de qui est la royauté, et Il est Omnipotent.
Celui qui a créé la mort et la vie afin de vous éprouver et distinguer qui de vous est le meilleur en œuvre, et c’est Lui le Puissant, le Pardonneur. » (Le Coran, 1 : 2)
Dans cette optique, il est bon de rappeler l’exigence de lucidité sans laquelle nous perdons toute chance de faire face de façon efficace et durable. Cette lucidité nous pousse à relever avec les spécialistes du secteur de la sécurité qu’il s’agit d’un « pic de violence et de crimes » en rien comparable à ce qu’il se passe sous d’autres cieux.
Le récit des origines et la condition humaine
Le Coran regorge de versets qui mentionnent la singularité et la précellence du statut de l’être l’humain à travers les « Noms » qu’il est le seul à recevoir de Dieu, la prosternation des anges à son endroit, la fonction de Calife sur terre qui lui est attribuée, le Dépôt « al amânah » qui lui est confié, le Cosmos qui est soumis à ses besoins matériels comme spirituels, etc. Cependant, il est aussi indiqué dans le Coran, que l’humain est fragile, pressé, ingrat, égoïste, qu’il exulte et oublie Dieu en situation de bonheur, perd espoir et incrimine Dieu en cas de malheur, qu’il a des désirs illimités de possession et de toujours plus. Ces indications du Coran nous aident à prendre l’être humain pour ce qu’il est sans le surestimer ni le banaliser. Dans la même veine, il convient de rappeler que le Coran qualifie de crime contre l’humanité toute atteinte injustifiée à la vie d’un être humain et de crime de corruption tout ce qui crée un désordre grave relativement aux conditions d’existence matérielle, morale et spirituelle de l’humanité :
« C'est pourquoi Nous avons prescrit pour les Enfants d'Israël que quiconque tuerait une personne non coupable de meurtre ou de corruption sur la terre, c'est comme s'il avait tué tous les hommes. Et quiconque la sauve, c'est comme s'il faisait don de la vie à tous les hommes. » (Le Coran, 5 : 32)
D’emblée, la capacité de résilience s’acquiert en Islam par une lutte sans relâche pour rester fidèle à la vocation primordiale de l’humanité qui réside dans cette mission ô combien sublime de Calife de Dieu sur terre. Cette mission consiste à sauvegarder l’harmonie et la vie, c’est-à-dire, faire en sorte que le souci des anges ne soit pas vérité :
« Lorsque Ton Seigneur confia aux Anges: «Je vais établir sur la terre un «Khalifa» (vicaire, lieutenant). Ils dirent: «Vas-Tu y désigner un qui y mettra le désordre et répandra le sang, quand nous sommes là à Te sanctifier et à Te glorifier?» – Il dit: «En vérité, Je sais ce que vous ne savez pas!» (Le Coran, 2 : 30)
Les murmures de Satan, la grâce divine et le devoir de ressaisissement
Satan a fait librement le choix de l’orgueil et de la défiance vis-à-vis de Dieu et juré de tout faire pour que les fils et filles d’Adam oublient leur vocation primordiale contenue dans le Califat, qui est une politique de civilisation, et basculent dans l’exact contraire : semer le désordre et verser le sang. Dieu éprouve notre capacité à refuser de collaborer au dessein maléfique de Satan qui égare le premier couple humain en lui faisant caresser les illusions d’immortalité, de possession et de changement de nature (devenir des anges). En réalité, à travers ses fausses promesses, Satan ne vise qu’une chose : inciter l’homme et la femme à la transgression donc à la rupture avec la transcendance. Pour preuve, dès qu’Adam et son épouse consomment quelque chose de l’arbre interdit sur la base du murmure trompeur de Satan (waswas
sah), ce dernier disparait de la scène paradisiaque, les laissant à leur nudité, leur solitude, et leurs regrets. Il nous faut alors refuser de suivre les traces de Satan afin de rester libre pour être au service du bien, du beau, du juste et du vrai. Il ne faut surtout pas succomber aux stratagèmes de Satan et à une de ses armes les plus puissantes : l’embellissement du mal.
Fait partie de la capacité de résilience selon les enseignements du Coran, la reconnaissance de notre responsabilité dans la genèse et le développement de la corruption du monde et de notre pays dans tous les domaines de notre existence matérielle, morale et spirituelle. Gare à la fuite en avant et au déni de responsabilité. Voici quelques versets fort instructifs à ce sujet :
« La corruption est apparue sur la terre et dans la mer à cause de ce que les gens ont accompli de leurs propres mains; afin qu’Il leur fasse goûter une partie de ce qu'ils ont œuvré ; peut-être reviendront-ils » (Le Coran, 30 : 41) ; « Tout malheur qui vous atteint résulte de ce que vos mains ont perpétré. Et Il pardonne beaucoup » (Le Coran, 42 : 30}
A travers le premier verset, le Coran établit l’imputabilité du désordre partout aux mains de l’homme et non aux anges ou aux jinns. Il incombe à chacun de nous et à toute la société de faire son autocritique pour comprendre ce qui pose problème en rapport avec nos attitudes et comportements dans la politique, l’économie, la famille, l’éducation, les médias, les institutions, etc. Sénégalaises et sénégalais ne peuvent échapper à ce douloureux mais combien utile exercice s’ils veulent se donner toutes les chances d’être acteurs d’un sursaut qui hésite à naitre. Ce verset parle des effets d’une corruption intérieure dont les sources sont à chercher dans les mauvais penchants de notre âme charnelle (nafs). Mais, même si le verset mentionne la loi de la sanction de toute transgression qui s’exprime à travers maintes tribulations d’ordre politique, social, économique, sécuritaire, moral et écologique, il énonce que c’est aux fins pédagogiques d’un ressaisissement « afin qu’ils reviennent ».
Le verset contient aussi l’expression de la grâce et de la miséricorde divines qui fait que, fort heureusement, la sanction de la corruption du monde dont nous sommes les auteurs est atténuée et pas du tout proportionnée à la nature et à l’ampleur des actes en cause. D’où l’intérêt de la mention du second verset qui explicite selon la règle des exégètes « Le Coran explique le Coran » ce qu’il sied de comprendre par l’expression « afin qu’Il leur fasse goûter une partie de ce qu'ils ont œuvré » En effet, le second verset nous dit : « Et Il pardonne beaucoup » Donc, pour angoissante et choquante qu’elle est, la situation délétère que nous vivons n’est pas l’exacte et complète conséquence de nos transgressions de tous les jours. Le lien avec la résilience est que par le truchement de cette grâce divine, il s’agit de garder espoir en « encaissant » la sanction atténuée de nos fautes humblement reconnues et en exploitant au maximum les opportunités que ladite grâce nous a aménagées afin de rebondir pour le meilleur.
Leviers de prévention et de résilience
Introspection sans complaisance tant au plan individuel que collectif pour voir en quoi chacun de nous contribue d’une manière ou d’une autre, de façon subreptice ou manifeste au désordre et à tous ces fléaux qui sont les symptômes du mal dans notre pays ;
Présenter notre demande de pardon et de repentir à Dieu (Istighfâr et Tawbah) pour toutes nos fautes cachées comme apparentes, et si elle est sincère, c’est-à-dire dans le dessein résolu de pas revenir à des attitudes et comportements de désordre, Dieu l’acceptera de nous comme Il a fait avec le premier couple humain : une invocation courte est de répéter plusieurs fois au quotidien discrètement « Astaghfiroullah », une plus longue est de dire « Astaghfiroullah allazî lâ ilâha illâ houal hayyoul qayyoumou wa atoubou ilayhi » ;
Invoquer Dieu en toute confiance tout en faisant concomitamment les efforts requis pour nous changer et changer ce qui ne va pas dans notre société et profiter des heures privilégiées à cette fin (Le dernier tiers de la nuit, après les prières obligatoires, etc.) : invocations appropriées à la situation « hasbounallâhou wa ni ‘mal wakîl », « lâ hawla walâ qouwwata illâ billah », récitation quotidienne de Ayâtul Kursiy notamment après les prières obligatoires et au coucher ainsi que des trois sourates « Ikhlâs », « Falaqi » et « Nâssi » ;
Savoir rester digne dans le malheur et humble dans le bonheur « Que merveilleux est l’état du croyant ! Tout ce qui lui advient est bénéfique, et cela n’est réservé qu’à lui seul. En effet, lorsqu’un bien lui échoit, il remercie Dieu et ceci est un bien pour lui. Et s’il est victime d’un malheur, il se montre endurant et cela est aussi un bien pour lui. » (Mouslim) ;
Nous aider de la prière et du zikr qui nous raccordent à Dieu, nous donnent l’occasion de rompre avec le train-train quotidien et nous installent dans une quiétude spirituelle à nulle autre pareille et nous fait aimer le bien et détester le mal : « Ô croyants! Cherchez secours dans l’endurance et la Ṣalāt…. » (Le Coran, 2 : 153), « En vérité la prière préserve de la turpitude et du blâmable. Le rappel d’Allah est certes ce qu’il y a de plus grand. Et Allah sait ce que vous faites » (Coran 29/45). » (Le Coran, 20 : 45), « « Ceux qui ont cru, et dont les cœurs se tranquillisent à l’évocation de Dieu ». N’est-ce pas que c’est par l’évocation de Dieu que se tranquillisent les cœurs ? » (Le Coran, 13 : 28) : zikr pratiqué par le prophète (PSL)« Soubhânallah, alhamdoulillah, allâhou akbar, lâ ilâha illallah, walâ hawla walâ quwwata illâ billah » ;
Nous ressourcer dans la lecture méditée du Coran avec l’exemple du prophète Ayyûb (Job de la Bible) accablé par la maladie mais qui reste digne et Dieu lui accorde guérison et mieux que sa situation antérieure : "Le mal m'a touché. Mais Toi, tu
es le plus miséricordieux des miséricordieux"! Nous l'exauçâmes, enlevâmes le mal qu'il avait, lui rendîmes les siens et autant qu'eux avec eux, par miséricorde de Notre part et en tant que rappel aux adorateurs" (le Coran, 21 : 83-84), « Oui, Nous l'avons trouvé vraiment endurant. Quel excellent serviteur! Sans cesse il se repentait". (Le Coran, 38 : 41-44) Aussi, l’exemple du prophète Ya ‘qûb (Jacob de la Bible) attristé par la disparition de son fils Yûsuf (Joseph de la Bible) : « Il dit : Je ne me plains qu'à Allah de mon déchirement et de mon chagrin. Et, je sais de la part d'Allah, ce que vous ne savez pas. (Le Coran, 12 : 86 );
Ne pas céder à la panique, s’en remettre à Dieu en toute confiance « […] confie-toi donc à Allah, Allah aime, en vérité, ceux qui Lui font confiance.» (Le Coran, 3 : 159), « Et quiconque place sa confiance en Allah, Il [Allah] lui suffit.» (Le Coran 65 : 3), « Et c'est en Allah que les croyants doivent placer leur confiance.» (Le Coran 14 : 11), « Et place ta confiance en Le Vivant qui ne meurt jamais.» (Le Coran 25 : 58). Ce qui ne veut point dire fatalisme et obscurantisme mais plutôt reconnaissance humble de nos limites et lutte de toutes nos forces pour contribuer sereinement au relèvement ;
Etre encore plus charitable et généreux envers les nécessiteux apparents et cachés car selon les hadiths, l’aumône éloigne les malheurs : « L'aumône éteint les péchés comme l'eau éteint le feu ». (Sunan Ibn Maja), « Soignez vos malades avec l’aumône », « Chaque musulman doit donner une aumône). Ils dirent : ils dirent : -« O Prophète d’Allah ! Et celui qui ne trouve pas d’aumône ? ». Il dit : « Il travaille de ses propres mains, ainsi il se rend utile à lui-même et il donne l’aumône » Ils dirent : -« Et s’il ne trouve pas [de travail] ? ». Il dit : (Il aide celui qui est dans le besoin et affligé). Ils dirent : -« Et s’il ne trouve pas ? ». Il dit : « Qu’il accomplisse alors de bonnes œuvres et s’abstienne de commettre le mal, car c’est une aumône pour lui (Al-Boukhari)
Eviter la solitude, parler de ses problèmes avec des gens de confiance, se faire des fréquentations saines, donner plus de temps à la famille en créant une ambiance conviviale et inclusive pour que chaque membre sente qu’il compte ;
Par une solidarité agissante, aider chacun à réaliser ses objectifs dans la mesure du possible et faire attention à ceux qui sont en situation délicate ; précarité, sans emploi, échec à un examen, difficulté conjugale, divorce, perte de parents, désir de voyage non satisfait, crise d’adolescence, etc.
Ce qui se passe au sénégal n’est rien comparer à la situation catastrophique d’un pays tel que l’Algérie.