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Les ennemis de nos ennemis ne sont pas toujours nos amis

 

Auprès des chaînes de télévisions les plus racoleuses, qu’il courtise et qui lui prêtent une oreille complaisante, Alain Soral s’est forgé à peu de frais une image de contestataire et de provocateur. Mais la provocation est un art qui requiert une certaine subtilité, et la réflexion de Soral ne brille guère par sa sophistication – et encore moins par son originalité. Loin de bousculer les convenances où un quelconque ordre établi, Soral surfe au contraire sur la vague du populisme le plus outrancier, et véhicule les préjugés les plus largement répandus.

Plus grave : ce monsieur s’est récemment lancé dans une opération de séduction en direction de ce qu’il perçoit comme un public « arabo-musulman », alors que son œuvre récente témoigne d’un profond mépris pour cette catégorie de la population – comme pour beaucoup d’autres…

Le prétendu « sociologue » (1), a récemment défrayé la chronique médiatique. Un groupe d’extrémistes sionistes – vraisemblablement des nervis de la Ligue de défense juive (2) – a saccagé la librairie parisienne dans laquelle il proposait une séance de dédicace de son dernier ouvrage, Misères du désir. Cette agression intervenait quelques jours après la diffusion de l’émission « Complément d’enquête » (le 20 septembre 2004 sur France 2), dans laquelle l’écrivain tenait des propos aux forts relents antisémites (il fustigeait, en bloc, les « Juifs français », qui refusent de « se poser des questions » à propos du fait que « personne ne peut les blairer depuis 2500 ans »).

Si les méthodes de ces nervis sont bien évidemment à proscrire et à dénoncer avec la plus grande énergie, il est indispensable de dénoncer aussi les « dérapages » d’Alain Soral qui, à force de répétitions, ne peuvent plus être considérés comme des maladresses.

RACISME ET CHAUVINISME

Car des relents antisémites, on en trouvait déjà dans ces propos fort confus, tenus en avril 2003 par Alain Soral au magazine 20 ans :

« La question juive n’occupe qu’un sixième de mon livre parce qu’elle ne constitue, à mon sens, qu’un sixième des forces, causes, problèmes… qui agitent le monde actuel, parmi : l’utralibéralisme mondialisé et l’Amérique décadente, le néo-matriarcat, la gayitude et le féminisme, la métamorphose de la lutte des classes, le progressisme problématique de l’idéologie du progrès et la remontée de l’obscurantisme religieux… » (3)

Sur de telles bases, la plus grande distance s’impose face à la tentative d’OPA qu’Alain Soral est en train d’opérer sur ce qu’il imagine être un public « arabo-musulman », essentiellement masculin. En effet, qu’Alain Soral dénonce la politique israélienne, qui doit être dénoncée, qu’il critique le mouvement Ni putes ni soumises, qui mérite d’être critiqué, et qu’il s’oppose à la loi interdisant le voile à l’école, qui est une loi injuste et brutale, ne fait pas de lui un allié, et encore moins un ami, dans la mesure où c’est sur des bases plus que discutables, et pour de très mauvaises raisons, qu’il le fait.

Car il faut se rendre à l’évidence : ce n’est manifestement pas au nom du principe d’égalité ou du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qu’Alain Soral se découvre – tardivement – un intérêt pour le sort du peuple palestinien, mais plutôt au nom d’un rapport ambigu à ce qu’il nomme lui même « la question juive ».

Ce n’est pas davantage sur des principes politiques universalistes – comme l’égalité de traitement, le droit à l’éducation pour tous et toutes ou le droit des femmes à disposer de leur corps – qu’il fonde son opposition à la loi interdisant le voile à l’école, mais simplement sur sa petite opinion personnelle, mêlant puritanisme et arrogance machiste :

« Je préfère le voile au string  » (4)

Ce n’est pas davantage par refus de tous les racismes qu’il se solidarise avec les personnes de confession musulmane en butte avec l’islamophobie, mais par fascination pour « l’Islam », entité essentialisée et fantasmée, sur laquelle il projette sa nostalgie de l’ordre familialiste de la France d’avant mai 68, sa haine des conquêtes féministes et son mépris de la culture populaire :

« Contrairement à l’idéologie à la fois nihiliste et ultra-libérale de la culture rap (je ne parle pas du baratin pseudo-révolutionnaire des textes, mais de la réalité du rap comme moyen d’ascension ultra-individualiste par l’inféodation au pouvoir du show-biz), la culture musulmane, elle, ne produit pas des délinquants drogués et suicidaires, mais des hommes élevés dans des valeurs. Des valeurs de dignité et de respect qui ressemblent beaucoup, finalement, à celles qu’on inculquait aux hommes de France, et à moi-même, avant la déferlante du néo-matriarcat à l’américaine importé par mai 68. » (5)

De même, sa violente critique des « Ni putes ni soumises » ne se fonde pas sur le refus des amalgames et de la récupération : à le lire ou à l’entendre, ce n’est pas l’instrumentalisation politique (et policière) de la lutte antisexiste (6) qui lui pose problème, mais bien la lutte antisexiste elle même. Et loin de dénoncer l’essentialisation et la logique du bouc émissaire – qui font des « mâles arabes » les principaux « porteurs » du machisme au sein d’une société française prétendument égalitaire et émancipée – Alain Soral ne fait que reprendre à son compte les pires stéréotypes sur l’« hétérosexualité violente » du « garçon arabe » (7) – à cette différence près que cette « essence hétérosexuelle violente » devient chez lui un motif de fascination et d’admiration plutôt que de condamnation. En somme, pour Alain Soral comme pour n’importe quel raciste ordinaire, l’Arabe et le Musulman incarnent l’Autre absolu, assigné à une irréductible et inquiétante étrangeté.

L’écrivain revisite d’ailleurs les pires clichés racistes, en puisant abondamment dans l’imaginaire colonial. N’a-t-il pas ouvert l’un de ses livres, Jusqu’où va-t-on descendre ?, par des propos nostalgiques sur l’Algérie française ? (9)

Il faut se rendre à l’évidence : L’écrivain, qui se présente comme le pourfendeur de l’ordre établi, est en vérité terriblement prévisible, et il ressuscite les présupposés racistes les plus éculés. Il se félicite, par exemple, de voir la télévision montrer enfin « ce que nous savions tous : le lien existant entre délinquance, insécurité et immigration »(10)

Son racisme ne vise d’ailleurs pas que les Juifs ou les Arabes, mais également les « gens du voyage », dans cette diatribe digne d’un Le Pen :« Dans les petites communes rurales, d’odieux gens normaux sont désormais obligés d’accueillir à leur frais de vilaines caravanes et de supporter sans rien dire vols et déprédations… » (11)

Et si Alain Soral fustige le « repli communautaire » (encore un poncif !), c’est parce qu’il lui semble source de troubles, de dangers pour la communauté majoritaire, celles des « Gaulois » dont il se réclame – et qu’il qualifie, dans un accès de chauvinisme, de « communauté la moins raciste du monde »  ! (12).

C’est pourquoi il affirme la nécessité d’une « injonction mimétique » (13) : pour avoir l’insigne honneur de faire partie de cette France sublime, le « Beur » se doit d’imiter le français « de souche » y compris dans ses manifestations les moins subtiles de chauvinisme. Revenant sur les fameux sifflets entendus lors du match France-Algérie en 2001 (un non évènement démesurément grossi par les médias), Alain Soral fustige une « culpabilité coloniale érigée en mépris absolu de la France et de son histoire, réduite à l’affaire Dreyfus et à la parenthèse pétainiste, au mépris de 1789, de 1848, de 1871, autant de dates héroïques qui font de la France la référence des gauches du monde entier. » Rien de moins ! Mais si ces jeunes sont si ingrats envers cette France à qui ils doivent tout, c’est parce qu’ils manquent « de repères, d’autorité et d’éducation » (8).

On le voit : le révisionnisme historique et la nostalgie coloniale mâtinés d’ethnocentrisme ne sont pas l’apanage de la droite extrême.

SEXISME

Soral est aussi un grand séducteur, c’est en tout cas l’image qu’il aime donner de lui-même – il revendique même « sept cents conquêtes dûment pénétrées et homologuées » (sic). Mais ce palmarès n’est rien à côté du tableau de chasse qu’il eut pu fièrement exhiber… si seulement les femmes le méritaient ! En somme, les responsables de cette « misère du désir » qu’il déplore ont tôt fait d’être désignées à la vindicte du lecteur : ce sont les femmes, et surtout les féministes. Les frigides, les coincées, en un mot les « pétasses ». Celles qui ont l’impudence d’énoncer un universel non circonscrit au mâle dominant.

Pire : la violence sexiste est souvent légitimée par l’écrivain, qui théorise la supériorité du mâle tant au plan moral qu’intellectuel : les femmes ont ainsi « une propension à la cruauté mentale » et « une conscience du monde moins étendue ». Elles ont également une fâcheuse tendance à nier leur « nature profonde » : celle d’ « un être dévoué à une certaine fonction : la maternité » (15).

Face à cette sombre machination qui œuvre sournoisement à la destruction du sexe masculin, l’écrivain s’insurge. Il se pose en courageux pourfendeur de la conspiration ourdie contre les hommes afin de soutenir la résistance de « l’honnête homme (contre) l’arrogance et la bêtise des élites en place » qui fomentent le « complot antidémocratique » en érigeant la femme au rang de « relais privilégié de son pouvoir » (16) !

Bref : l’analyse de Soral se résume en un tombereau d’injures sexistes dirigées prioritairement contre « les féministes », toutes mises dans le même sac (malgré la diversité des courants et la radicalité des conflits internes au mouvement féministe) et systématiquement qualifiées de « bourgeoises ». C’est ainsi, par exemple, qu’il propose cette définition particulièrement ridicule de « la féministe » :

« bourgeoise de gauche, souvent plus névrosée que malhonnête (…)  » (17)

Sur ce point comme sur tous les autres, Alain Soral n’invente absolument rien : il se contente de répéter les figures les plus convenues de la rhétorique antiféministe telle qu’elle s’est énoncée depuis la fin du 19ème siècle (18).

Autre cliché antiféministe plus que centenaire, repris à son compte par Alain Soral : la hantise de la confusion des sexes. Incapable de concevoir l’égalité comme « la condition minimale de divergence » entre les individus (19), Alain Soral ne voit dans la perspective de l’égalité entre les sexes que la vision cauchemardesque de l’uniformisation généralisée et de la transformation de l’homme « en hermaphrodite, en escargot ou en mollusque » ! (20)

Une telle phobie est risible. Mais la bêtise le dispute à l’ignoble lorsque Soral prétend justifier le viol en en imputant la responsabilité première à la victime :

« En dehors de la pure pathologie et de la pure violence (avec un couteau, à six sur un parking), le danger et l’ambiguïté du viol tiennent d’abord à la spécificité du désir féminin. Désir qui a tendance à avancer masqué et à se mentir à lui-même » (21)

Et d’ajouter : « la tournante résulte de deux causes :

On punit les filles de pouvoir ou de vouloir s’en sortir en se tapant un petit bourgeois des pavillons ou du centre-ville. On baise celle qui reste, à dix, parce qu’avec cette hémorragie communautaire, il n’y a plus dans le quartier qu’une fille pour dix mecs ! ». (10)

En clair, la responsabilité du viol est imputable à la femme et à son désir non assumé ! Quant aux viols collectifs, ils serviraient de punition contre les filles vénales ou seraient explicables par le déséquilibre numérique des sexes. On croit rêver.

HOMOPHOBIE

 Au « macho » qu’il réhabilite, en tant qu’ « homme qui respecte sa mère, qui protège sa femme et se sent responsable de ses enfants », Alain Soral oppose « les demi-fiottes d’aujourd’hui » (22).

Cette élégante formule nous conduit à évoquer l’homophobie maladive d’Alain Soral. L’écrivain stigmatise en effet la communauté homosexuelle, surtout masculine (23), chez qui il déplore « le refus de côtoyer l’ « autre » radical qu’est la femme », et donc le « repli narcissique ». Une analyse qui là encore ne brille pas par son originalité, puisqu’elle n’est que la reprise d’un des principaux poncifs de la vulgate psychanalytique la plus réactionnaire (24).

Guère plus original, l’amalgame permanent qu’il opère entre l’homosexualité et le monde des nantis, qui est une des figures les plus convenues du discours homophobe dans sa version « populiste » ou stalinienne : Alain Soral s’en prend aux « tapettes de droite de France Culture  » (Interview accordée à 20 ans, avril 2003), et lorsqu’il prétend faire la leçon aux cinéastes qui ont soutenu les sans-papiers, il les qualifie d’ « enculés mondains » (25). Comme s’il n’existait pas d’homosexuels dans les classes populaires, comme si, pour parler comme le PCF des années Thorez, l’homosexualité était un « vice bourgeois ».

Dans son livre Jusqu’où va-t-on descendre ?, Alain Soral propose enfin cette spirituelle définition de la lesbienne, qui n’est – là encore – qu’une juxtaposition de clichés haineux :

« Hommasse névrosée qui passe son temps à reprocher aux hommes le peu de féminité qui leur reste » (26)

SOCIALISME OU NATIONALISME ?

Alain Soral se présente volontiers comme un « marxiste », sans doute pour choquer le bourgeois ou régler ses comptes avec une histoire familiale conflictuelle. Étrange marxisme, toutefois, que cette vulgate qui ne débouche sur rien d’autre que l’auto-célébration et l’auto-promotion sur les plateaux des chaînes de télévision les plus commerciales, et dans laquelle la référence aux rapports de classe ne sert qu’à une chose : disqualifier tout combat égalitaire en tant que combat « bourgeois » : le féminisme et les mouvements homosexuels, nous l’avons vu, mais aussi le combat pour la régularisation des sans-papiers (27).

Des sans-papiers sur lesquels, d’ailleurs, Alain Soral se permet, de manière très peu marxiste, de porter un jugement moral, en nous invitant à les qualifier plutôt d’ « immigrés clandestins possédant des papiers d’un pays qu’ils n’auraient pas dû quitter  » (28). Mais qui est M. Soral pour se permettre, dans le confort de son appartement parisien, de sermonner les Maliens, les Algériens ou les Roumains qui tentent de trouver en France de meilleures conditions de vie ? Qui est-il pour leur dire à quel endroit ils doivent vivre ?

Et que penser de son hommage appuyé à Jean-Pierre Chevènement pour avoir réhabilité « la Nation et la République » ? (29)

Que penser de son indignation face à la diffusion du feuilleton allemand Derrick au détriment du franchouillard Commissaire Maigret ? Une diffusion qui tient selon lui d’un choix politique mûrement réfléchi, et qui constitue la preuve que… « la police sera faite par les Allemands » ! (30) On ne sait s’il faut rire ou pleurer de ce navrant commentaire où la paranoïa le dispute à l’ubuesque.

Que penser de la nostalgie d’Alain Soral pour les « voyous d’hier », qui « méprisaient les bourgeois mais aimaient la France », et de son dégoût affiché pour les « z’y-va d’aujourd’hui », qui « méprisent la France » ? (31)

Que penser, enfin, de sa mythification de la « banlieue rouge de jadis », qui semble n’avoir pour fonction que celle de stigmatiser les « banlieues beur d’aujourd’hui » (32) ? Car à lire Alain Soral, le principal mérite des banlieues rouges du passé est semble-t-il d’avoir été des banlieues blanches  :

« la maghrébisation, l’africanisation, la tiers-mondisation de la France ont fait baisser vertigineusement le niveau de civisme et de civilité de la population française » (33)

Cette étrange synthèse entre un faux socialisme et un vrai nationalisme – sans oublier le racisme, le sexisme et l’homophobie – porte un nom : fascisme. De fait, Alain Soral se vante d’avoir animé au début des années 1990 une revue (La lettre écarlate) qui fut qualifiée de « rouge-brun » (34), et il a accordé en juillet 2004 un entretien à la revue Éléments, animée par le très douteux théoricien de la « Nouvelle Droite », Alain de Benoist (35).

Il est même arrivé à Alain Soral de faire l’éloge d’un leader d’extrême droite islamophobe, le néerlandais Pim Fortuyn (36), ou de légitimer très explicitement le vote Le Pen : « Je pense que, pour des raisons historiques, et bien que marxiste donc lié à l’histoire du parti communiste, l’avenir de la politique, de ce qui peut faire bouger la politique et notamment le dogme ultra-libéral de Maastricht qui a tant fait souffrir la France du travail, se situe dans l’espace populiste qu’a créé Le Pen – qui je le rappelle ne tient pas plus un discours fasciste depuis 15 ans, que Madelin ne tient un discours nazi ou Jospin un discours Lambertiste ! Un espace “national républicain” qui correspond un peu à celui qu’avait investi Pim Fortuyn en Hollande, homme politique nouveau et insolite que la police politique dût faire assassiner pour avoir osé fédérer, du jour au lendemain, 35 % de l’électorat batave ! » (37)

« Je suis léniniste et pour moi ce qui compte c’est de peser sur la politique telle qu’elle est, quitte à penser, par exemple, que le vote Le Pen au premier tour était le vote révolutionnaire qui, en foutant dehors la “gauche plus rien”, permettrait demain de refonder une gauche authentique… » (37)

UN PITRE TÉLÉVISUEL

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Si les obsessions d’Alain Soral, mises bout à bout, forment un ensemble relativement cohérent, aux forts relents racistes et fascisants, l’homme n’est heureusement pas, jusqu’à présent, inséré dans un réseau de groupes militants. Raison de plus pour être vigilants, et continuer de le tenir à distance des initiatives militantes qui se montent sur des causes justes.

Si l’on prend au sérieux son discours, comme il nous y invite, Alain Soral est un fasciste ; sinon, il n’est qu’un amuseur public qui ne fait rire personne, un agitateur autoproclamé qui brasse du vent, un révolutionnaire à la petite semaine qui ressasse inlassablement les mêmes clichés, un « trublion » qui conforte en réalité les dominants, un « engagé » sans idéal. Ses écrits et déclarations tonitruantes ne révèlent rien, si ce n’est une évidente boursouflure narcissique – ajoutée au ressentiment d’un petit bourgeois blanc, mâle et hétérosexuel bousculé dans ses privilèges par la combativité et la visibilité grandissante des dominé-e-s. Pour le dire autrement, les gesticulations télévisuelles d’Alain Soral remplissent une fonction sociale : quelque chose comme une hetero-pride, une white-pride et une male-pride…

Alain Soral ne fait pas mystère de sa stratégie : il choque pour vendre et sortir de l’anonymat, qui est peut-être son premier ennemi. Pour des médias avides de sensationnalisme et de provocations faciles, c’est en quelque sorte un échange de bons procédés : des animateurs tels que Thierry Ardisson, champions du racolage télévisuel, ne s’y sont pas trompés, et ils en font un habitué de leurs plateaux. Alain Soral garantit des prestations d’une grossièreté achevée, pour la plus grande joie de l’animateur, convaincu qu’à l’ère de la « télé-réalité » et des talk-shows, la médiocrité et la beaufitude sont des valeurs sûres et les meilleures amies de l’audimat.

Dans sa volonté de choquer à tout prix, Alain Soral ratisse large : il dénonce pèle mêle les féministes, le divorce, les gays, les Verts, le CAC 40, l’inspecteur Derrick… Il dit « merde au dalaï-lama », et se dit fasciné par Ben Laden, qu’il pare d’une « une certaine grandeur d’âme » ! Cela dit, c’est contre les femmes, contre les homosexuels et contre les « minorités ethniques » qu’Alain Soral concentre la plupart de ses éclats et qu’il profère les propos les plus orduriers.

Voici, en guise de conclusion, les propos que tenait Alain Soral en avril 2003, dans le magazine 20 ans  :

« Quant à mes amis, je m’en découvre de partout : cocos anti-Buffet, gaullistes chrétiens, immigrés anti-rap, homos anti-gays, intellectuels juifs universalistes, militants FN cultivés, royalistes branchés et même ultra-sionistes laïques qui apprécient mon franc-parler ! J’ajouterai qu’aucun ami me dérange… » (38)

Pour notre part, certains « amis » nous dérangent : les combats que nous menons, notamment contre la politique israélienne, contre l’exclusion des élèves voilées ou contre la stigmatisation des garçons arabes, sont des combats trop légitimes et trop importants pour que nous laissions des individus comme Alain Soral les incarner – et du même coup les disqualifier.

Fatiha Kaoues et Pierre Tévanian

 

 

Notes :

 

(1) Si Alain Soral revendique son statut d’ « autodidacte » ou d’iconoclaste, il aime également afficher des références savantes (comme Marx, Lukacs, ou encore Cornelius Castoriadis) et un titre de « sociologue », de manière à signifier son appartenance à la caste des « penseurs » autorisés. Or, on ne trouve rien dans ses écrits qui s’apparente à un quelconque début de démarche sociologique : ni enquêtes statistiques, ni entretiens directifs, ni entretiens non directifs, ni observation ethnographique. Le seul matériau empirique qui apparaît dans ses ouvrages, comme base de ses réflexions, ce sont des débats ou des reportages qu’il a vus à la télévision ! Plutôt qu’un sociologue, Alain Soral est donc un éditorialiste, ou un chroniqueur TV.

(2) La Ligue de défense juive est une organisation paramilitaire juive qui se réclame du rabbin Meir Kahana, un activiste fasciste américano-israélien. La LDJ a été classée aux Etats-Unis parmi les organisations terroristes d’extrême droite au même titre que le Klu Klux Klan. Ce mouvement a été impliqué dans maintes expéditions punitives à caractère raciste ces dernières années, organisées le plus souvent en région parisienne contre des cibles arabes et/ou musulmanes. L’agression récente dont nous parlons a été revendiquée par une personne se réclamant de la LDJ dans un courrier de menaces adressé au site musulman Oumma.com

(3) Penser qu’un sixième des problèmes du monde, c’est-à-dire une proportion énorme des « problèmes », est à relier à une obscure « question juive », est tout simplement une vision stupide et antisémite.

(4) Interview accordée à Oumma.com

(5) Interview accordée à Oumma.com

 

(6) Cf. F. Kaoues, « Alibi féministe d’un racisme anti-musulmans » (en ligne sur www.arabesques.org) ; P. Tévanian, « De Ni putes ni soumises à l’Affaire du RER D : la logique du bouc émissaire » (en ligne sur www.lmsi.net) ; H. Bouteldja, « De la cérémonie du dévoilement à Alger (1958) à Ni putes ni soumises : l’instrumentalisation coloniale et néo-coloniale de la cause des femmes » (en ligne sur www.lmsi.net) ; N. Guénif-Souilamas, E. Macé, Les féministes et le garçon arabe, Éditions de l’Aube, 2004.

(7) Cf N. Guénif-Souilamas, Les féministes et le garçon arabe, Editions de l’Aube, 2004

(8) Un propos qui ressemble à s’y méprendre au discours d’un Alain Finkielkraut, dont Alain Soral se prétend pourtant l’ennemi idéologique : « Nous avons pu jouer un rôle dans le désamour de la France vis-à-vis d’elle-même en contribuant à répandre une vision unilatérale et pénitentielle du devoir de mémoire ». l’Express, 10 octobre 2002.

(9) Cf. Jusqu’où va-t-on descendre ?, p. 7 : constatant « le merdier » (sic) dans lequel vit aujourd’hui l’Algérie, Alain Soral ne propose aucune explication économique, sociologique ou politique dudit « merdier », mais se contente d’affirmer que les seules infrastructures qui tiennent encore « debout » sont celles que « nous » (sic) avons construites, et de conclure que la meilleure chose qu’on puisse souhaiter à l’Algérie serait que « nous » y retournions !).

(10) Jusqu’où va-t-on descendre ?, p. 118

(11) Jusqu’où va-t-on descendre ?, p. 134

(12) Jusqu’où va-t-on descendre ?, p. 202

(13) Pour reprendre l’expression de l’historienne Sophie Bessis dans son ouvrage L’Occident et les autres, histoire d’une suprématie, aux Editions La Découverte

(15) Alain Soral, Misère du Désir, Editions Blanche 2004

(16) Alain Soral, Misère du Désir, Editions Blanche 2004

(17) Jusqu’où va-t-on descendre ?, p. 107

(18) Cf. C. Bard, Un siècle d’anti-féminisme, Fayard, 1999, et C. Delphy, « Nos amis et nous », dans L’ennemi principal, Syllepses, 2000

(19) Cf. M. Le Doeuff, Le sexe du savoir, Aubier, 1998 : « C’est parce que je pèse un poids sensiblement égal au tien que je peux à l’occasion m’opposer à ton point de vue et assumer un point de vue divergent ».

(20) Jusqu’où va-t-on descendre ?, p. 100

(21) Alain Soral, La sociologie du dragueur, Editions Blanche 2000

(22) Alain Soral, La sociologie du dragueur, Editions Blanche 2000

(23) Jusqu’où va-t-on descendre ?, p. 161

(24) Le sociologue Guillaume Huyez explique ainsi la raison de cette focalisation de l’homophobie sur l’homosexuel masculin : « Dans le dispositif hétérosexiste où s’exerce la domination masculine, les relations entre femmes semblent souvent impensables, peu dangereuse pour l’homme, voire tout à fait excitantes. En revanche, les relations entre hommes apparaissent comme le péril des périls, une menace directe pour l’ordre de la masculinité et donc pour l’ordre public, naturel ou divin. » écrit-il dans le Dictionnaire de l’homophobie ( Editions PUF , 2003)

(25) Cf. S. Prokhoris, Le sexe prescrit, Aubier, 2000

(26) Jusqu’où va-t-on descendre ?, p. 256

(27) Jusqu’où va-t-on descendre ?, p. 150

(28) Jusqu’où va-t-on descendre ?, p. 257

(29) Jusqu’où va-t-on descendre ?, p. 258

(30) Jusqu’où va-t-on descendre  ?

(31) Alain Soral, La sociologie du dragueur, Editions Blanche 2000

(32) Jusqu’où va-t-on descendre ?, p. 257

(33) Jusqu’où va-t-on descendre ?, p. 39

(34) Jusqu’où va-t-on descendre ?, p. 39

(35) Entretien au magazine 20 ans, avril 2003

(36) Cf. R. Monzat, Enquêtes sur la droite extrême, Le Monde éditions, et C. Haghighat, Racismes scientifiques, L’Harmattan, 1988

(37) Avant d’être assassiné, Pym Fortuyn fit une percée aux Pays-Bas, en mêlant un programme économique ultra-libéral et un discours violemment raciste à l’égard des « musulmans »

(38) Interview au magazine 20 ans, avril 2003

(39) Interview au magazine 20 ans, avril 2003

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