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Une Indienne musulmane menacée de mort pour avoir dirigé la prière pour la première fois

Bravant les campagnes calomnieuses qui ont récemment redoublé de haine à son encontre, Jamida Beevi, 34 ans, aurait pu renoncer à diriger la prière à Vandoor, un village en plein cœur de l’Etat du Kerala, mais c’était mal connaître l’opiniâtreté de cette Indienne de confession musulmane, convaincue du bien-fondé de sa démarche, aussi novatrice soit-elle.

En dépit de l’anathème jeté sur elle par les hautes instances musulmanes et les autorités locales, et des menaces de mort qui ont déferlé sur la cybersphère, la secrétaire générale de la Khuran Sunnath Society – une organisation islamique controversée qui prétend travailler à la réforme de l’islam et à l’évolution des mentalités au sein de la communauté musulmane, en se conformant strictement au Coran et en proscrivant les hadiths – est entrée dans l’histoire de l’Inde, envers et contre tous, en sa qualité de première femme imam.

Qualifiée au mieux d’iconoclaste, au pire d’hérétique, sa décision de conduire la prière au cours de la Salât al-Djumu’a du vendredi 26 janvier, devant une trentaine de fidèles, hommes et femmes réunis, lui a valu une salve de critiques véhémentes de la part d’internautes ulcérés, la désignant à la vindicte populaire sous l’appellation très péjorative de « kafir ».

« Un grand nombre de messages ont circulé sur les médias sociaux alléguant que je suis une kafir, une mécréante », s’est désolée cette fervente croyante et mère de deux enfants, qui a fini par divorcer en 2016 au terme de treize années d’un mariage devenu invivable. Face à l’hostilité des membres de sa famille qui lui répétaient inlassablement « qu’Allah n’aime pas le divorce », la ferme détermination de Jamida Beevi fut déjà la plus forte.

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« La semaine dernière, quelqu’un m’a envoyé une image avec ma tête fixée à un cadavre. Je vois cela comme un avertissement morbide à prendre très au sérieux », a alerté avec un sang-froid peu commun celle qui fut la petite dernière d’une fratrie de 13 enfants, grandissant dans un foyer uni, choyée par sa mère, tandis que son père faisait carrière dans l’armée indienne.

Avide de connaissances, sa soif d’apprendre la langue arabe et de s’imprégner de la quintessence du Coran était intarissable, au point de la faire passer pour une « élève rebelle » aux yeux de professeurs qui ont mal interprété son insatiable curiosité concernant son sujet de prédilection : l’islam. « Parfois, les enseignants m’ont refusé l’entrée en classe en guise de punition. Mais cela n’a pas freiné ma quête de sens et de vérité », clame-t-elle avec force, alors même que cette image de « rebelle » lui colle de plus belle à la peau et, pire que l’incompréhension générale, déchaîne les viles passions.

« En accord avec les membres de l’association islamique que je représente, nous voulions, en m’autorisant à diriger la prière pour la première fois, envoyer un message fort : à savoir que l’islam n’a jamais interdit aux femmes de remplir le rôle de guide spirituel. Nous ne voulons que perpétuer cette pratique », a expliqué Jamida Beevi, en espérant ouvrir la voie à d’autres femmes musulmanes.

« Je n’ai pas peur de la mort, je suis prête à mourir pour la cause », a-t-elle renchéri avec la volonté inébranlable qui la caractérise et l’a toujours emporté sur ses craintes de faire une entorse à la tradition, aussi grave et périlleuse soit-elle.

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