in ,

Un islam respectueux des valeurs republicaines est-il un islam dénaturé ?

D’emblée, il faut préciser que lorsque l’on parle d’un « islam républicain », il convient à mon sens d’entendre un islam respectueux des valeurs et des règles républicaines, et non un islam dont les fondements seraient ceux de la République, ce qui n’aurait religieusement aucun sens. Il y a quelques jours, le président Macron a demandé au CFCM et aux neuf fédérations qui le composent de créer un conseil des imams ainsi que de rédiger une charte des valeurs républicaines à respecter.

Il faut alors dire avec force, même si notre pays est touché par des attentats dramatiques commis au nom de l’islam, qu’il ne conviendrait pas d’en faire une religion d’exception qui permettrait que l’on déroge au principe laïque de séparation « des Églises et de l’État », du spirituel et du temporel. Ainsi, l’islam de France, qui doit certes être plus unifié, encadré et structuré, ne doit pas devenir une religion à la botte de l’État français, mais il faut qu’il soit indépendant, responsable, fidèle aux valeurs coraniques et respectueux des valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité ainsi que des règles qui en découlent. On ne peut pas d’un côté s’offusquer des ingérences politiques étrangères, pour adouber celles qui viendraient de l’intérieur. L’État doit évidemment faire appliquer le respect des règles républicaines, mais en aucune façon gérer le culte ce qui, non seulement ne relève pas de ses prérogatives mais qui, en outre, contribuerait à infantiliser les musulmans. Déjà que le CFCM souffre d’un manque de légitimité auprès des musulmans de ce pays, du fait que les musulmans eux-mêmes n’ont en rien participé à choisir ceux qui allaient représenter leur culte, les demandes d’encadrement de la part de l’État n’arrangent pas la situation et augmentent le déficit de crédibilité de ces instances censées être représentatives. 

Ceci dit, il nous faut assumer également notre part de responsabilité. Le fait que la demande de création d’un conseil des imams provienne de l’État est dérangeant, mais il s’explique aussi par une trop longue inaction concrète des musulmans de France, un manque criant de lucidité quant à ce qu’est le terreau religieux du terrorisme et par une incapacité à régler le problème de la cacophonie au sein de l’islam de France dans divers sujets. 

Concernant le respect d’une charte républicaine, il s’agit en réalité d’une façon de pousser l’ensemble des fédérations musulmanes à concrétiser par un acte symbolique mais engageant, via une signature d’accord, leur volonté de respecter les valeurs et règles du pays ce qui, bien qu’étant demandé de fait, ne semble pas toujours respecter dans la réalité par l’ensemble des fédérations, l’État ayant dans le collimateur l’ex-UOIF (Musulmans de France) ou Milli Görüs (organisation d’origine turque) par exemple pour leur mise en avant d’un islam politique. C’est ainsi une façon de démasquer publiquement et officiellement celles qui se refuseraient à cet engagement qui s’impose pourtant en droit. 

C’est donc à un islam apolitique que l’on veut faire appel, c’est-à-dire à un islam qui ne veut pas que le religieux s’immisce dans la sphère du pouvoir étatique (quid des partis politiques d’inspiration démocrate-chrétienne puisque si un parti – et il y a eu des tentatives – voulait apparaître en se nommant « parti des démocrates-musulmans » on crierait de suite à l’islam politique). Ainsi, et en ce sens, l’islam sunnite traditionnel – c’est-à-dire celui des Écoles juridiques fondées à l’époque médiévale – est incompatible avec cela puisqu’il est, dans sa genèse et son développement juridique et idéologiques, un islam qui veut gérer les sociétés et imposer sa domination aux populations. De fait, sauf à le réformer/déformer de façon profonde, son idéologie reste incompatible avec un État comme la République française. Toutefois, les musulmans se réclamant du sunnisme, très majoritairement par tradition et suivisme de leurs ancêtres, vivent déjà un sunnisme réformé et amputé d’une grande partie de sa dimension politique pour ne pratiquer que les aspects spirituels, éthiques et cultuels. Ceci était déjà bien souvent le cas des musulmans du Maghreb au XIXe siècle avant que ne survienne la « réislamisation » – via l’islam politique – faisant suite à la Ṣaḥwa (« Réveil islamique ») débutant dans les années 60-70.

En d’autres termes, outre les volontés de labelliser les imams, un peu comme un labellise la viande « ḥalâl », et d’imposer à la fois une maîtrise du français et des conditions de formation pour l’exercice de fonctions dans le ministère religieux, le plus important, et qui n’est que trop peu abordé, c’est ce sur quoi repose la formation desdits imams qui, ensuite, prêchent et enseignent devant les fidèles dans les mosquées, dans des centres de formation ou sur internet via les réseaux sociaux. En effet, c’est le socle doctrinal et théologique de l’islam sunnite traditionnel, les ouvrages étudiés et enseignés qui sont considérés comme des références au son sein, qui sont problématiques dans une partie de leur contenu, car c’est dans ces mêmes ouvrages que l’on valide une dimension politique, exclusiviste, guerrière et conquérante de l’islam. C’est donc à une réforme à ce niveau qu’il faut s’atteler pour proposer une autre vision, une autre approche des textes, la faire émerger et la diffuser, non pour coller à tout prix à la République, ce n’est pas ceci qui doit animer la réforme, mais plutôt pour coller viscéralement au Coran. En effet, la vision doit être celle basée sur l’ensemble des valeurs et principes intrinsèques au texte coranique et qui sont parfaitement compossibles avec celles de la République. En ce sens, l’adoration de Dieu et le suivi de Son Message n’est en rien incompatible avec les principes républicains. En revanche, l’islam sunnite traditionnel a trop souvent développé une théologie à contre-Coran, intolérante, irrespectueuse et totalitaire face à la diversité du monde.

Évidement que ce que l’on met ci et là derrière un concept, comme celui de liberté par exemple, peut différer entre le message coranique et celui de la république via tel ou tel gouvernement, d’autant que le droit positif est de nature fluctuante. Mais la conception républicaine de la liberté, pour rester sur cet exemple, n’est pas en opposition avec celle du Coran dans le sens où elle n’impose pas ce que le Coran interdit formellement et que le Coran n’impose pas ce que la République française interdit formellement. Les deux conceptions peuvent différer parfois, mais coexister sans problème.

Publicité
Publicité
Publicité

Certes, le message coranique est originellement politique dans son contenu, en ce sens qu’il fut révolutionnaire et bouleversant pour la société arabe médiévale et qu’il la transforma profondément dans un contexte obligeant de belligérance où le religieux (polythéisme) contribuait fortement à l’organisation sociétale. Ainsi, toucher au religieux revenait forcément à toucher à la société et à sa gestion. Mais il ne l’est pas dans le sens moderne du terme qui est visé par celui d’islamisme, à savoir dans sa dimension idéologique conquérante et sa volonté d’imposer l’islam (dans sa version sunnite) comme modèle de gestion et d’organisation des sociétés, même non-musulmanes. En résumé, on peut être un citoyen français, attaché aux valeurs républicaines tout en étant un musulman attaché aux valeurs coraniques, car l’islam est par essence humaniste. 

En revanche, ce qui dénaturerait l’islam, même humaniste, c’est le fait que son référentiel soit le cadre républicain. Une religion possède son fonctionnement interne et son message propre, sa singularité, son identité. En ce sens, l’islam, quel que soit son faisceau d’expression, repose sur ce qui l’engendre, à savoir le Coran, ses principes, son éthique. Même si l’on peut diverger sur le sens du message coranique, c’est bien ce message qui doit caractériser l’islam et non ce qui est externe à lui (droit positif, philosophie des Lumières, etc.). La question est donc de savoir si l’islam est compatible avec les valeurs républicaines et, à cela, il convient de répondre clairement « oui », mais pas n’importe quel courant de cet islam. En l’occurrence, les islams sunnite, chiite et kharijite, dans leur idéologie, ne sont pas compatibles avec la République française, sauf à les réformer ou les amputer car, pour ce qui nous concerne, il n’y a pas de différence fondamentale entre l’idéologie sunnite traditionnel et l’islamisme. En revanche, l’islam que vit la grande majorité des musulmans de France, cet islam humaniste, respectueux de la différence, spirituel, éthique et cultuel, est parfaitement compatible et c’est celui-ci qu’il faut concrétiser dans sa représentation, développer théologiquement et auquel il faut former les imams de ce pays. Tel est mon appel… 

La réforme de l’islam est indispensable et urgente, et elle se fera par l’adhésion et la mobilisation de la masse musulmane de ce pays ou ne se fera pas. 

Et Dieu est plus savant.

 

William Blob

Publicité
Publicité
Publicité

Un commentaire

Laissez un commentaire
  1. Forcément oui je répond a la question.
    Pour le croyant véritable il n’y a pas de texte plus sacré que le Coran parole divine.
    Les savants disent que celui qui renie ne serait ce qu’un seul verset du Livre Saint est devenue par son denie un mécréants.
    Le véritables croyant ne peut en aucun cas substitué la parole divine et favoriser une loi voter par les hommes.
    Celui qui me dirais le contraire est de mauvaise foi.
    Pour ma part en tant que musulman je ne peut me résigner a abandonner mes fondamentaux.
    J’atteste qu’il n’y a de Dieu que Dieu et que Mohamed est son serviteur et envoyé salla lLahou alayhi wa salem.
    Dieu soit témoin.

Laisser un commentaire

Chargement…

0

Le secrétaire général de la Ligue islamique mondiale : “Les musulmans doivent respecter les lois” françaises (www.lejdd.fr)

Nicolas Sarkozy pour la première fois devant un tribunal pour corruption