Menu
in ,

Projet de loi sur “les séparatismes“ : prémices d’un nouveau concordat ?

Le projet de loi sur « les séparatismes » voté en première lecture, à l’assemblée nationale, ce mardi 15 février 2021 sous le nom de projet de loi « visant à conforter les principes républicains » revêt les prémices d’un nouveau Concordat qui ne dit pas son nom. La définition du régime concordataire adopté en 1801 sous le règne de Napoléon Bonaparte vise à définir les rapports entre les différentes religions et l’Etat dans toute la France et ce, à travers une double acception : la reconnaissance du pluralisme religieux mais aussi et, surtout, la surveillance des cultes par l’Etat. Ce qui pouvait être admis sous Napoléon Bonaparte  comme allant de soi, ne l’est plus du tout dans la France de 2021 dans laquelle la séparation des Eglises et de l’Etat constitue l’alpha et l’omega de la laïcité à la française conformément à la loi de 1905.

Tout le monde l’aura bien compris, l’objectif de ce texte vise ce que le gouvernement nomme : « lutte contre l’islamisme radical ». Comme il n’est pas possible de légiférer contre le culte musulman car cela créerait une discrimination entre l’islam et les autres religions, le législateur a cru bon dans un premier temps baptiser ce projet de loi de « texte contre les séparatismes ». Cette sémantique s’apparentant à un concept politique très éloigné du champ religieux, certains conseillèrent à l’exécutif d’employer une réthorique, a priori, plus consensuelle au sein des élites constitutives de la société française.

Aussi, le projet de loi adopté en première lecture devient un texte fourre-tout qui regroupe pele mele, la lutte contre la haine en ligne, les mariages « blancs », le « certificat de virginité » l’autorisation préalable de l’école à la maison, jusqu’à maintenant déclarative, un contrôle très strict des écoles hors-contrat, au point de se demander ce que l’expression « hors-contrat » peut-elle encore signifier…

Les articles 26 à 44 de ce texte imposent une règlementation concordataire, par exemple, désormais une association cultuelle devra transmettre une déclaration préalable auprès du préfet qui jugera de son caractère cultuel pour lui conférer le statut associatif lui permettant de bénéficier des avantages associatifs propres à toute association. Quels sont les critères qui permettront à un préfet de décerner le label cultuel, comme cela n’est pas indiqué dans le texte de loi, ce sera la volonté discrétionnaire du préfet qui s’imposera. Cette nouvelle compétence préfectorale représente une police des cultes sous l’égide du ministre de l’intérieur, comparable en tous points au Concordat de 1801. Cette nouvelle disposition législative suscite l’inquiétude de la fédération protestante de France et de la conférence des évêques de France. Même la conférence des églises européennes a envoyé un courrier au premier ministre pour lui faire part de leur réserve sur ce projet de loi. Curieux paradoxe pour un pays dont l’article premier de sa constitution mentionne explicitement le « respect de toutes les croyances ».

Par ailleurs ce label cultuel comportera l’obligation préalable  de souscription à un « contrat d’engagement républicain » de ladite association. Jusqu’en 1991, dans l’ex-URSS ou jusqu’en 1975 dans l’Espagne franquiste,  toutes les associations de jeunesse devaient adhérer aux valeurs du socialisme dit réel ou aux valeurs du phalangisme, non moins réel pour bénéficier d’un statut légal. Comprendra cette analogie qui pourra ou qui voudra !

Publicité

Comme je l’ai souvent écrit, la question fondamentale reste la visibilité de l’islam dans l’espace public et par espace public, je n’entends pas service public, mais tout simplement le fait d’être « hors de chez soi », dans la rue, dans un centre commercial, dans un parc, dans une salle d’attente, etc…La perte de l’Algérie « française » tourmente encore les consciences d’une frange non négligeable de l’opinion publique française. Le dernier rapport sur les mémoires de la colonisation et de la guerre d’Algérie, remis par l’historien Benjamin Stora au président de la république et les controverses qu’il a engendrées illustrent à merveille le regard posé par d’aucuns sur les musulmans de France et parmi ceux-ci, au premier plan, nous pouvons citer certains dirigeants politiques de ce pays.

Lors du débat entre le ministre de l’Intérieur et la présidente du rassemblement national, le premier a opposé à la seconde « sa mollesse » sur l’islam et non pas sur l’islamisme radical, autrement dit sur les cinq à six millions de personnes se situant dans l’aire socio-culturelle musulmane. Si le premier policier de France véhicule, a priori, une suspicion  généralisée sur l’ensemble des musulmans, la stigmatisation de ces derniers, au plus haut sommet de l’Etat, s’impose comme une évidence !

Luis-Nourredine PITA.

Laissez un commentaire

Quitter la version mobile