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Nos libérateurs sont-ils des libéraux ?

Même si leur issue en faveur de l’émancipation populaire n’est pas encore acquise, les cas tunisien et égyptien invitent le peuple algérien à réfléchir sur les conditions de son affranchissement de son propre régime autoritaire et corrompu. Que cet affranchissement soit nécessaire, tout le monde en conviendra, mis à part bien évidemment les privilégiés de ce même régime. Cet affranchissement est également possible, quoique ici certains pourraient en douter tellement celui-ci semble perdurer en dépit de tout le mal qu’il fait.

Quelle est donc la recette de la libération populaire souhaitée ? Comme le montrent les soulèvements en Tunisie et en Égypte, l’idée est simple et tient en une phrase : face à un petit nombre de personnes (les caciques du régime) qui domine et exploite injustement un plus grand nombre d’individus (la population), il faut construire des collectifs capables d’arracher le deuxième groupe à son état fragmentaire. En effet, c’est grâce à l’esprit solidaire des dominants et l’état fragmentaire des dominés que la domination est possible ; c’est seulement en inversant cette équation que l’émancipation le devienne à son tour.

Cette idée simple et incontournable est en revanche difficile à mettre en pratique dans le contexte algérien. Elle demande, pour se faire, la réunion de quelques conditions qui manquent cruellement dans notre pays. Dont, en premier chef, une plateforme de revendications consensuelles. Les Algériens, personne n’en doute, sont très majoritairement contre la dictature d’aujourd’hui. Mais sont-ils pour autant tous en faveur des libertés de demain ? Personne ne pourra en toute en honnêteté l’affirmer.

Les Algériens sont par contre conscients, comme le leur apprend leur propre histoire, que les libérateurs d’un jour ne sont pas nécessairement les libéraux de toujours. La question s’impose donc et, insistons sur ce point, à tous. Ce n’est pas aux seuls islamistes de se prononcer sur le nouvel ordre socopolitique auquel ils aspirent. Nos laïques, de gauche comme de droite, doivent tout autant, sinon davantage, nous informer sur la place qu’ils seraient prêts à accorder aux libertés individuelles et collectives advenant le renversement du régime actuel.

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Cette plateforme ne peut, par ailleurs, se satisfaire de slogans creux, du type « nous sommes tous pour la démocratie », « nous sommes tous pour la justice sociale », « nous sommes tous pour la dignité ». Pour être crédibles et par suite convaincants, les chefs de file des différents groupes d’opposition algériens doivent expliquer au peuple ce qu’ils entendent lorsqu’ils emploient ces mots. En effet, advenant leur accession au pouvoir via les urnes avec un score majoritaire, respecteraient-ils la poursuite de l’action critique de leurs opposants, action qui suppose une remise en cause publique et continuelle de leur idéologie, de leurs politiques, de leurs personnalités, etc. ? Et qu’en est-il des droits fondamentaux des minorités cette fois ethniques et religieuses ? Nos laïques comme nos islamistes défendraient-ils ces droits mêmes lorsqu’ils autoriseraient des modes de vie qu’ils ne partagent pas ?

Si elle devait venir d’une loi majoritaire, l’injustice dans nos pays ne sera ni plus douce ni plus acceptable. Il est donc essentiel que nous sachions, et dès maintenant, si les libérateurs de notre pays sont, non pas seulement des libérateurs comme ils aiment se voir, mais aussi et surtout des libéraux comme nous les voulons. Sans quoi, nous pouvons toujours rêver, mais l’émancipation populaire que nous disons tous souhaiter semble malheureusement, mais en toute logique, improbable. Car le principal ennemi de notre émancipation n’est pas la force illusoire de notre régime militaire, mais bien plutôt la fragmentation réelle des forces politiques et militantes de la société civile algérienne.

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