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Nicolas Bugeaud-Sarko

On connaît le dicton français : « Un train peut en cacher un autre ». Dans la France sarkozyenne de ce début du XXIe siècle, il faudrait probablement le réactualiser dans le style : « Un seul bélier peut cacher tout un troupeau de moutons ».

En effet, après ses exploits islamophobes sur TF1, le 5 février, à peine deux jours plus tard, le 7 février, Nicolas Bugeaud-Sarko a récidivé. Au meeting enflammé de Toulon (une flamme BBR bien sûr, car il sait très bien que Toulon est une ancienne ville du FN !), le leader de l’UMP, candidat permanent à la présidence de la République, outre qu’il persistait dans ses histoires de mouton, d’excision, de polygamie, d’habillement des femmes…, non conformes aux « vraies » valeurs françaises, choisissait de se lancer dans une véritable réhabilitation de la colonisation française en Afrique du Nord, vantant l’œuvre de « civilisation » (sic) des petits colons.

Aucun bruit dans la presse. Aucune critique parmi les intellectuels républicains éclairés, donneurs de leçons. Aucune attaque de la part de ses concurrents de droite et de gauche, y compris ceux de cette gauche « anti-libérale » qui, décidemment, semble complètement décalée par rapport à la France urbaine.

Le révisionnisme historique sarkozyen est donc passé comme une lettre à la poste coloniale avec, en prime, un beau timbre exotique (une négresse aux seins nues, une fatma au regard de braise, un chibani dans son burnous blanc…), que les petits enfants français pourront coller dans leur album philatélique multicolore, offert gracieusement par les services marketing de l’UMP (l’Union des Musulmans Passifs).

Il est vrai, que Nicolas Bugeaud-Sarko avait bien choisi son lieu pour lancer sa campagne électorale : ancienne ville « brune » (l’ombre du FN plane toujours), ancienne capitale de la mafia politico-affairiste (le fantôme du parrain Maurice Arreckx continue à hanter le département), Toulon est aussi une cité d’accueil pour de nombreux rapatriés pieds noirs radicaux, nostalgiques du bon vieux temps des colonies. Ici, on casse du « bicot », du « bougnoule » et du « gris », comme on boit du Pastis ou de l’anisette ! C’est une mode régionale, mieux encore, c’est un sport électoral qui vous propulse directement à la mairie, au Conseil général ou encore plus haut, à la présidence de la République [coloniale] !

A cours de son meeting enflammé (BBR), Nicolas Bugeaud-Sarko en est allé de son petit couplet désormais classique qui devient une sorte de refrain de campagne, venant même concurrencer notre belle « Marseillaise » (le pauvre Rouget de Lisle, auteur de notre hymne national, a du se retourner dans sa tombe) :

« Je souhaite qu’on ne puisse pas vivre en France sans respecter sa culture et ses valeurs. Je souhaite qu’on ne puisse pas s’installer durablement en France sans se donner la peine d’écrire et de parler le Français. Et à ceux qui veulent soumettre leur femme, à ceux qui veulent pratiquer la polygamie, l’excision ou le mariage forcé, à ceux qui veulent imposer à leurs sœurs la loi des grands frères, à ceux qui ne veulent pas que leur femme s’habille comme elle le souhaite je dis qu’ils ne sont pas les bienvenus sur le territoire de la République française. A ceux qui haïssent la France et son histoire, à ceux qui n’éprouvent envers elle que de la rancœur et du mépris, je dis aussi qu’ils ne sont pas les bienvenus » (N. Sarkozy, Toulon)[1].

Imaginez ce même couplet sarkozyen sur l’air de « La Marseillaise », c’est émouvant, non ? Allez chantons :

Allons enfants de la Patrie,

Le jour de Sarko est arrivé

Contre nous la polygamie

L’étendard UMP est levé, (bis)

Entendez-vous dans vos banlieues

Mugir ces féroces imams

Ils viennent jusque dans vos immeubles

Egorger vos moutons et voiler vos femmes

Mais à Toulon, contexte régional oblige, la Marseillaise islamophobe ne suffit plus à mobiliser les militants et les électeurs, car ici les « Musulmans », on les a pratiqués pendant deux siècles, d’abord comme sujets indigènes, puis comme bougnoules immigrés et aujourd’hui comme Beurgnoules, ces banlieusards à peine francisés.

Pour cela, Nicolas Bugreaud-Sarko sait y faire : jouer sur la corde émotionnelle de la mémoire familiale de ces milliers de rapatriés européens qui ont été injustement chassés de leurs terres par ces horribles musulmans qui osaient revendiqué leur « indépendance » (Istiqlal !, un gros mot dans cette France du XXIe siècle !). A ces victimes de l’histoire incomprises par les politiques (De Gaulle en premier), Nicolas Bugeaud-Sarko, leur propose un remède simple, le « révisionnisme historique », prescrit sans ordonnance et, en plus, remboursé directement par la « sécurité nationale » :

« Le rêve européen a besoin du rêve méditerranéen. Il s’est rétréci quand s’est brisé le rêve qui jeta jadis les chevaliers de toute l’Europe sur les routes de l’Orient, le rêve qui attira vers le sud tant d’empereurs du Saint Empire et tant de rois de France, le rêve qui fut le rêve de Bonaparte en Egypte, de Napoléon III en Algérie, de Lyautey au Maroc. Ce rêve qui ne fut pas tant un rêve de conquête qu’un rêve de civilisation » (N. Sarkozy, Toulon)[2].

En effet, pour Nicolas Bugeaud-Sarko, la colonisation n’est pas seulement un idéal du passé, elle est aussi une idée d’avenir pour résister à la mondialisation. Sarko, le nouveau « José Bové » de la droite civilisatrice ? A Toulon, devant des rapatriés nostalgiques, le héros républicain du président de l’UMP n’est plus Jean Jaurès mais Jules Ferry, le génie de la colonisation française :

« Faire une politique de civilisation comme le voulaient les philosophes des Lumières, comme essayaient de le faire les Républicains du temps de Jules Ferry. Faire une politique de civilisation pour répondre à la crise d’identité, à la crise morale, au désarroi face à la mondialisation. Faire une politique de civilisation, voilà à quoi nous incite la Méditerranée où tout fut toujours grand, les passions aussi bien que les crimes, où rien ne fut jamais médiocre, où même les Républiques marchandes brillèrent dans le ciel de l’art et de la pensée, où le génie humain s’éleva si haut qu’il est impossible de se résigner à croire que la source en est définitivement tarie. La source n’est pas tarie. Il suffit d’unir nos forces et tout recommencera  ». (N. Sarkozy, Toulon)[3].

Nicolas Bugeaud-Sarko a au moins le mérite de la clarté. Il dit en substance à ces « pauvres rapatriés », vous n’étiez pas des colonisateurs mais des civilisateurs ! Avant votre débarquement, l’Afrique du Nord n’était qu’une région de friches, de terres incultes et de peuplades arriérées. En deux mots : une sorte de « jungle maghrébine » peuplée de tribus sauvages et de barbares belliqueux ! Et à ceux qui, comme ces « historiens trous du cul » (l’expression est de Georges Frêche)[4], oseraient se livrer à une critique scientifique de la colonisation française, le candidat permanent à la présidence de la République leur répond, avec une pointe de démagogie :

« Cessons de noircir le passé. L’Occident longtemps pécha par arrogance et par ignorance. Beaucoup de crimes et d’injustices furent commis. Mais la plupart de ceux qui partirent vers le Sud n’étaient ni des monstres ni des exploiteurs. Beaucoup mirent leur énergie à construire des routes, des ponts, des écoles, des hôpitaux. Beaucoup s’épuisèrent à cultiver un bout de terre ingrat que nul avant n’eux n’avait cultivé. Beaucoup ne partirent que pour soigner, pour enseigner. On peut désapprouver la colonisation avec les valeurs qui sont les nôtres aujourd’hui. Mais on doit respecter les hommes et les femmes de bonne volonté qui ont pensé de bonne foi œuvrer utilement pour un idéal de civilisation auquel ils croyaient. Il faut respecter ces milliers d’hommes et de femmes qui toute leur vie se sont donné du mal pour gagner par eux-mêmes de quoi élever leurs enfants sans jamais exploiter personne et qui ont tout perdu parce qu’on les a chassés d’une terre où ils avaient acquis par leur travail le droit de vivre en paix, une terre qu’ils aimaient, parmi une population à laquelle les unissait un lien fraternel. Je veux le dire à tous les adeptes de la repentance qui refont l’histoire et qui jugent les hommes d’hier sans se soucier des conditions dans lesquelles ils vivaient, ni de ce qu’ils éprouvaient. Je veux leur dire : de quel droit les jugez-vous ? » (N. Sarkozy, Toulon)[5].

Nicolas Bugeaud-Sarko a raison.

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De quel droit jugez-vous ces petits colons, ces grands civilisateurs qui ont apporté leur lumière à cette Afrique du Nord plongée dans les ténèbres de la tradition, de l’obscurantisme et de la barbarie ?

Vous, les grands frères oppresseurs des filles de quartiers, exciseurs professionnels, polygames patentés, égorgeurs rituels du mouton, qui forçaient vos femmes et vos soeurs à porter le tchadri ou la bourqa, de quel droit les jugez-vous ?

Vous les intellectuels islamo-gauchistes qui écrivez des articles et des ouvrages critiques sur cette superbe œuvre humanitaire qui s’appelle « La colonisation française », de quel droit les jugez-vous ? Les colons ne furent-ils pas les précurseurs de Médecins du Monde (MDM), de Médecins sans frontières (MSF) ou, mieux encore, des Restos du Cœur pour les immigrés ?

Vous les « Musulmans déçus du sarkozysme » qui osez dénoncer l’œuvre civilisatrice de votre ministre de l’Intérieur (le CFCM ou le Conseil Français pour Civiliser les Musulmans), de quel droit les jugez-vous ?

Allez, soyez bons joueurs ! Rejoignez l’UMP, l’Union des Musulmans Passifs !

En ce moment, la carte de l’UMP est à 20 euros et à 35 euros pour un couple[6] (et sans supplément si vous êtes polygame).

Et puis, si vous n’y trouvez pas votre compte, vous pourrez toujours vous mettre à boire du Pastis ou de l’anisette pour oublier…, ou tout simplement rentrer chez vous en sifflotant gaiement notre nouvel hymne national, « La Marseillaise sarkozyenne » :

Allons enfants de la Patrie,

Le jour de Sarko est arrivé

Contre nous la polygamie

L’étendard UMP est levé, (bis)

Entendez-vous dans vos banlieues

Mugir ces féroces imams

Ils viennent jusque dans vos immeubles

Egorger vos moutons et voiler vos femmes…

(*) Vincent Geisser est co-auteur avec Aziz Zemouri de Marianne & Allah. Les politiques français face à la question musulmane, La Découverte, sortie officielle : le 15 mars 2007.



[1] Discours de Nicolas SARKOZY, meeting, Toulon (Var), le 7 février 2007.

[2] Discours de Nicolas SARKOZY, meeting, Toulon (Var), le 7 février 2007.

[3] Discours de Nicolas SARKOZY, meeting, Toulon (Var), le 7 février 2007.

[4] Cité par Vincent GEISSER et Aziz ZEMOURI, Marianne et Allah. Les politiques français face à la question musulmane, Paris, La Découverte, 15 mars 2007.

[5] Discours de Nicolas SARKOZY, meeting, Toulon (Var), le 7 février 2007.

[6] Selon le site www.cybermilitant.com.

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