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Mahmoud Darwich, dans l’exil de sa langue

Mahmoud Darwich est un homme éminemment politique. Palestinien et Poète (tout le monde aura noté les majuscules employées pour ses deux termes), il écrit sa Palestine comme un long cri de justice. Beauté des instants les plus tragiques, sublimation absolue, la Palestine offre au monde un Poète pour continuer à dire une lutte tristement sanglante et tragiquement juste. Dans le fond, il n’y a que peu de différences entre ce qui justifie l’Amour, ce qui légitime la guerre et ce qui donne force à la poésie. L’engagement personnel dans les trois cas est le même, toujours dominant, fort et impétueux, indomptable et superbe. Darwich et Xavier partagent une volonté commune.

François Xavier sait rendre compte avec une sensible et pudique intelligence des douleurs et des espoirs de Darwich dont l’œuvre lui est aussi intime que la légitime résistance d’un Peuple exilé sur toute ou partie de sa propre terre occupée. Xavier ne parle pas l’arabe et n’essaie pas de le faire croire. Et c’est ce qui ajoute à la force de l’étude qu’il consacre à Darwich puisqu’en découvrant le Poète Palestinien par les traductions, il se met dans la situation d’être touché par l’universalité du message délivré par la Poésie, accusée à son tour d’être violence alors qu’elle n’est plus que désespérance et résignation. Darwich écrit :

Vous qui passez parmi les paroles passagères vous fournissez l’épée, nous fournissons le sang vous fournissez l’acier et le feu, nous fournissons la chair vous fournissez un autre char, nous fournissons les pierres (…) mais le ciel et l’air sont les mêmes pour vous et pour nous Alors prenez votre lot de sang et partez (…).

Le 28 avril 1988, ce Poème est dénoncé par Ytzhak Shamir à la tribune de la Knesset comme étant “l’expression exacte des objectifs recherchés par les bandes d’assassins organisés sous le paravent de l’OLP (…).” Il est vrai qu’un Poème peut être dévastateur. Il est aussi un signal que tout un peuple sait attendre… “les sanglots longs des violons de l’automne”….

L’essai que nous présente François Xavier a les avantages de ses inconvénients : court et succinct, il nous introduit à la Poésie de Darwich en la replaçant assez systématiquement dans son contexte littéraire ET politique, puisqu’objectivement l’un ne va pas (plus ?) sans l’autre. Mais c’est toujours trop court et l’on en veut toujours un peu plus. Ainsi, au fil des chapitres, l’on découvre que la Poésie s’impose à Darwich dont il n’est plus que le serviteur ou l’interprète. Elle existe sans lui puisqu’elle est l’émanation de l’Histoire qui rencontre un homme, une région, un peuple, une lutte, un siècle et enfin, l’universel.

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L’auteur de cet essai nous propose une belle définition de la Poésie mais aussi de la résistance Dans “la conscience de l’inconscience” il écrit : la poésie est unique, hors des normes, hors du cadre. Elle est rebelle, fille de joie, insaisissable à la critique littéraire, et à toute forme d’approche rationnelle. Elle est toujours présente, immortelle et insolente (…). Comme en écho, Darwich lui répond Je meurs d’espoirs / d’embrasements je meurs / je meurs pendu / engorgé je meurs / mais je ne dis point : Notre amour est fini et mort / Non / Notre amour est impérissable.

Ecrire, comme une impérieuse nécessité de résister au monde ; de résister à l’injuste ; de résister parce qu’il y a dans cette démarche une nécessaire libération de soi même avant de parvenir à se libérer de son oppresseur. Ecrire pour Darwich est un battement du sang. Xavier en compte les mesures et nous annonce que le cœur s’affole devant tant de beautés. Mais il nous dit aussi que le Poète est malade de son histoire ; qu’il est fragilisé par sa beauté intérieure et que son drame prendra fin quand les hommes qui vivent sur cette terre de Palestine seront libres et égaux… Il y a loin de la coupe aux lèvres… loin de la plume au papier…

Mahmoud Darwich, Dans l’exil de sa langue, de François Xavier, éditions Autre temps, 171 pages (cliquez ici pour vous procurer ce livre sur Amazon)

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