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L’hiver vient…

Partout en France, les feuilles des arbres ont jauni, bruni et fané. S’affaiblissant de jour en jour, elles se sont éparpillées sur nos trottoirs, nos parcs et nos prairies, contribuant à donner aux paysages un panel de couleurs unique, admirablement capté, il y a près d’un siècle et demi, par le mouvement des impressionnistes. 

Signe de l’avancée progressive vers les journées sombres de l’hiver, l’automne est là. En ces temps d’âpres débats sur le devenir civilisationnel de la France, il témoigne de son impuissance souveraine en couvant la levée du vent de la discorde, lequel crée un amoncellement de nuages inquiétant. Son humidité grandissante permet la tombée d’invectives torrentielles qui, ensuite, ruissellent, non pas dans les caniveaux, mais à l’intérieur des câbles reliant les âmes entre elles par les réseaux sociaux. La froidure ambiante, souche privilégiée des virus et des bactéries, encombrent les bronches d’impuretés et les cœurs d’un manque criant de lumière, à peine rassasiés par les faibles faisceaux d’un soleil automnal de plus en plus absent. Les braises n’ont même plus besoin qu’on les attise bien que les températures s’approchent durablement de 0° : le feu s’embrase par médias interposés, réceptacles presque sans filtres des « diseurs de mauvaise aventure ».  

Comme dans Game Of Thrones, l’hiver vient. Et ce qu’il annonce n’a rien de bon pour l’avenir du pays. 

Le Mur 

Suite à sa récente déclaration contre le voile, on pourrait affirmer que le ministre de l’Education nationale voudrait refaçonner des êtres à l’image qu’il se fait des Français et effacer ce qu’il suppose sans doute être des stigmates culturels. Il ressemble à ces responsables municipaux qui demandent à leurs agents de tailler à angles droits parfaits les arbres des bords de route entièrement dénudés une fois la besogne automnale accomplie. Aucune tortuosité ostensible ne devrait plus être visible, non pas uniquement lors des sorties scolaires, mais également dans tout l’espace public. Ou comment faire montre d’une véritable aversion pour tout ce qui s’écarterait du classicisme de nos paysages… 

La « zemmourisation » des esprits nous mène ainsi progressivement à ériger un Mur entre la majorité laïque qui le tiendrait et la minorité qui affiche sa religiosité dans un sens inconnu jusque-là en France. Les fondations de celui-ci sont déjà bien arrimées dans la glaise retournée du sol français. Le terrorisme djihadiste, et la peur compréhensible mais irrationnelle qu’il engendre, en sont les premiers soubassements. La haine de l’islam, de l’étranger, de l’immigration, éléments perçus comme des corps étrangers au sein de la République par de plus en plus de Français, en accroît sa profondeur. 

Il n’est pas difficile d’imaginer que, dans ce contexte, des affrontements sanguinaires tâcheront de rouge pourpre ses façades qui, comme dans Game Of Thrones, s’élèveront jusqu’à se confondre avec un ciel laiteux prêt à lâcher ses flocons de neige en plusieurs salves destructrices. 

Le peuple libre 

Au-delà de cet ouvrage gigantesque qui divise notre société, des hommes et des femmes, considérés comme des arriérés voire des sauvageons, sont en réalité devenus les derniers remparts de la liberté. Ils veulent, fermement mais en toute légalité, être ce qu’ils souhaitent être en pleine souveraineté de leur personne. Si la France est le pays du peuple libre, ceux qui bravent l’interdit culturel en se pavant de leurs oripeaux religieux sont devenus, par un détour ironique de notre récente histoire, les représentants les plus complets de l’Esprit en marche au sens hégélien du terme. Ils sont en effet à l’avant-garde des sociétés de demain, lesquelles assumeront leur multiculturalité grâce à des édits de tolérances qui seront actés dans le quotidien des habitants des nations en (re)construction. 

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C’est ainsi qu’aurait dû être lue la manifestation contre l’islamophobie du 10 novembre. Au demeurant, la demande de ses participants et soutiens était fort simple. Ne pas le comprendre était comme se mettre des œillères devant une situation réelle. De larges pans de la société veulent vivre une spiritualité musulmane sans entraves autres que celles de la loi. Spiritualité affichée qui ne devrait pas être un prétexte farfelu à leur discrimination, à leur rejet de la société et au racisme antimusulman. Spiritualité qui met la France devant ses propres contradictions, afin qu’elle se libère de ses démons historiques que sont, entre autres, son problème pluriséculaire avec les religions et la non-digestion de la perte de son empire colonial. Mais au lieu de cela, nombre de commentaires émis avant, pendant et après la manifestation ont contribué à l’élévation de ce mur d’incompréhension mutuelle…

L’hiver vient…

Le long épisode estival de plusieurs dizaines d’années, qui avait atteint son paroxysme en 1998 lors de la célébration d’une certaine idée de la France à la teinte « black, blanc, beur », touche à sa fin. La naïveté de cette époque du « touche pas à mon pote » est définitivement éteinte. 

En lieu et place de cette idée multiculturelle, potentiellement salvatrice si seulement elle était pleinement assumée, vient poindre une longue glaciation des rapports interculturels, caractérisée par une succession de quiproquos plus engageants les uns que les autres dans les rejets réciproques et les anathèmes. Ainsi de cette croix jaune arborée par une jeune fille lors de la manifestation du 10 novembre déjà évoquée. Les uns polémiquent sur l’appropriation d’une souffrance d’une autre nature vécue par les Juifs lors d’un autre hiver, très glacial celui-là. Cette idée n’est pas fausse. Les autres interpellent sur la possibilité d’une réédition d’un passé pas si vieux que cela, cette fois contre les musulmans ou prétendus comme tels, ce qui est tout aussi vrai. 

Un véritable dialogue de sourds, perturbé par le bruit infernal du tonnerre des accusations hystériques et injustes, comme s’il annonçait, imperturbable, un terrible orage mettant fin à la douceur de vivre dans notre pays. 

Le sol craquelle sous les pas de ceux qui toisent les femmes voilées qu’on pense mortes comme les feuilles d’automne qui tombent sur le sol. Ils écrasent, par leur marche en avant imperturbable, la dignité de ces personnes libres de se servir comme elles l’entendent de leur raison pour fonder leurs pratiques religieuses dérangeantes. Et c’est ainsi que le séparatisme culturel créé par les nombreuses mises à l’Index de ceux qui annoncent lutter contre le phénomène semble désormais habiller notre horizon.

Assurément, l’hiver vient…

Adel Taamalli

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10 commentaires

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  1. Oui l’hiver vient comme pratiquement depuis la nuit des temps, et la nuit à la belle étoile en Algérie signé Jules verne! personnellement je ne crois pas du tout au changement climatique mais je ne vaux pas non plus politiser le sujet! le monde est la il est comme il est point c’est tous….

    • Moi non plus je n’y crois pas sauf qu’on a quand même bien pollué la planète, la mer et l’espace en particulier, les prochaines générations viveront sous 60°C avec très peu d’eau potable alors nous avons beaucoup de chance !

  2. Devant le danger qui se précise, je ne puis que conseiller à mes concitoyens musulmans de fuir vers des pays plus calmes, plus libres, plus démocratiques, plus tolérants, à plus haut niveau de vie.

    Pourquoi pas un pays arabo-musulman ?

    • Le danger n’est pas seulement envers les musulmans mais envers l’humanité toute entière…même toi tu es concerné Leroy…..la fuite hors du pays ne sert à rien et n’oublie pas que la majorité des musulman sont Francais…il faut rester et developper la solidarite avec tous et de sortir au plus vite de l’Union Europeen qui n’a été créée que pour piller les peuples d’Europe et de les reduirent en esclaves….Une bande de mafia très dangereuse dirige l’Europe et ça va mal finir si on ne bouge pas ensemble peu importe notre religion.

  3. Il n’est pas courant de voir ce type de pessimisme de ce coté là du “mur”.

    Il se trouve être particulièrement inquiétant, car il n’est pas sur du tout que la France règle son problème pluri-séculaire avec les religions: complètement sécularisée au cours des siècles elle n’est vraiment pas armée pour suivre un chemin inverse et l’esprit de l’histoire a toujours soufflé dans ce sens là, la réislamisation hors de propos du tiers monde étant surtout le résultat de ses échecs, à rebours de cet esprit donc, et on le voit bien en Tunisie ou en Turquie, pour ne pas parler de l’Irak.

    Surtout que effectivement les pratiques de la nouvelle religion son dérangeantes, et qu’il reste hors de question que l’école publique les tolèrent ou les propagent.

    Je vous propose quelque chose qui pourrait éviter, et effectivement cela pourrait devenir inéluctable, que “des affrontements sanguinaires tâcheront de rouge pourpre ses façades” (la laideur extraordinaire de l’allusion à Games of Thrones est assez dégoutante) : l’abandon complet des pratiques dérangeantes et une vie spirituelle qui serait toute d’intériorité. Cela serait bien meilleur pour le karma de tous.

  4. La France n’existe plus c’est devenue le porte monnaie de la Grande Mafia UE’…son pillage va continuer à moins que ses rues se remplissent comme l’automne de feuilles jaunes Les Gilets Jaunes c’est à dire tout le peuple….l’armée la police les gendarmes les infirmiers les ouvriers les pompiers les notaires les médecins etc….

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