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L’Ethique de la Nation

Il s’agit de retourner cet index à l’accusateur tellement occupé à compter les brindilles de paille dans l’œil de l’autre qu’il en oublie de voir la poutre qui est dans la sienne. Nous aurions certainement préféré rester dans l’angle mort, hors de la cohorte et des cris de la multitude, nous adonnant à des activités pour lesquelles nous avons plus d’appétence. Mais enfin ! Ces cris nous assaillent et les mouches de la place publique bourdonnent à nos oreilles. Nous voulions devant cette laideur, simplement détourner le regard, mais les mouches ont occupé tout l’espace. Nous aurions préféré ne pas nous aligner, déborder nos familles d’origines et porter haut ce que nous partageons, mais les mouches ignorent la concorde. Nous comptions attendre des jours meilleurs, mais les mouches dans leur petitesse peuvent obscurcir l’horizon. Alors, somme nous obligés dans un geste légèrement exaspéré, de déployer le chasse-mouche.

Il ne se passe plus un jour sans que l’accusateur qu’il se fasse politique, intellectuel, journaliste, ou écrivaillon pamphlétaire haineux, ne vienne nous servir sur les ondes un discours infamant sur une partie de la communauté nationale. L’accusateur est fils d’une nation qui s’est construite dans la passion et la douleur. Gageons de sa réussite économique et technologique, de la constitution d’une société démocratique et pacifique. Cette nation jadis se projeta dans le monde. Aujourd’hui, boomerang ! Le monde et sa richesse vit en elle. Certains de ses ancêtres semèrent le trouble dans des contrées lointaines, mais d’autres édifièrent des valeurs qu’ils voulurent universelles, rêvèrent de liberté, de lumière et de fraternité pour tous. Cependant, depuis que la République ne mobilise plus les passions, que les gardiens de l’unité nationale ne savent plus comment faire d’un tas un tout, une idée géniale est venue à l’accusateur. Celle de fonder la complicité nationale sur le dos d’un troisième larron. Et ce tiers, censé refléter comme un miroir déformant ce que la communauté abhorre, ce par quoi elle se constitue par antinomie, est le citoyen de confession musulmane. Les ancêtres fondateurs dans leur révolte et leur quête émancipatrice tuèrent Dieu et promirent après sa mort, la naissance sur les terres fertiles de l’immanence du Surhomme. Séduisante prophétie. Mais hélas ! nous n’avons vu apparaître que le consommateur-citoyen à ses heures, centré sur lui, égoïste, peureux, mesquin, dépressif, mulet fatigué aux ordres d’un ogre capitaliste implacable, accroc à un hédonisme des caves, loin des plaisirs nécessaires et utiles que prônait Epicure. Ceux d’antan eurent au moins le mérite de combattre et de vaincre leur dieu, de prôner une morale adulte, d’homme révolté, de Démiurge. Ceux-ci n’ont pas connu l’exaltation du champ de bataille. Du combattant, ils n’ont ni la force, ni le sens de l’honneur. De sa conquête, ils mésestiment la valeur. Pour eux, Dieu, la Morale, et l’Ethique sont des morts-nés. Héritiers d’un système et de valeurs qu’ils n’ont pas contribué à édifier, jouissant de fruits qui mirent du temps à mûrir, affalés dans la mollesse, ils ont l’ingratitude des descendants. Des leçons apprises et non éprouvées qu’ils ont retenu, ils en font un partage forcé à qui ne se bouche pas les oreilles. Cet excès de mansuétude nous ferait même oublier le manque de générosité, de lien social et de solidarité que révéla la canicule. Ceux qui n’honorent plus leurs ascendants, les parquent dans des mouroirs et referment la porte par laquelle ils sont arrivés ; ceux qui lorsqu’ils sont offensés crient vengeance et ne savent pardonner ; ceux qui face à l’épreuve ne savent que gémir et se plaindre ; ceux qui ne défendent que leur eau et leur pain ; ceux qui médisent et calomnient sans pudeur ; ceux qui ne tentent même plus de devenir d’honnêtes personnes, s’avisent de juger, de critiquer, de donner des leçons. D’où parlent-ils ? Quelles vertus pratiquent ils qui leur confèrent une telle autorité ? Etrange, elles ne nous ont pas inspirées ?

Bien loin est le temps des provinciales, d’un Blaise Pascal posant la question du Comment et du Pourquoi, de la condition humaine, de sa misère et de sa grandeur ; de philosophes désirant écraser l’infâme, d’hommes qui voulaient pour leurs concitoyens la grandeur d’âme. Depuis que ses saints ne rêvent plus de vertu, que ses intellectuels n’accusent plus à l’aurore, que ses sages ne prônent plus la bienveillance et craignent de prendre le peuple à rebrousse poil ? La nation n’a plus d’autorité morale. Lorsque ses fils se perdent, personne pour dire stop ! Cessons d’attiser la haine, le rejet et le mépris de l’autre. Ceux qui pourraient le dire se taisent par manque de courage ou pour ne pas écorner leur capital sympathie. Personne pour amorcer l’autocritique quand la nation va moralement mal. Car il s’agit bien de cela : une anomie spirituelle et un manque généralisé d’exigence éthique. Par un curieux renversement de perspective on promeut ce qui dégrade. Le mensonge, l’hypocrisie, la délation (citoyen relai), la malhonnêteté (dans toutes les sphères), la suffisance, le manque d’exigence vis à vis de soi même. Les propos haineux ne font plus honte et ne discréditent plus leurs auteurs. Voilà une nation habituée aux faux débats, aux débats paravents, qui cachent ceux dont les vrais termes sont inacceptables. Lors du débat sur l’insécurité, personne n’ignorait que c’étaient les populations immigrées qui étaient visées. Le 21 avril le démontra. La nation eu honte d’avoir montré sa face honteuse au reste de l’Europe et du monde. Là encore, dans un élan de narcissisme blessé, on se mobilisa pour cacher ces idées que l’on ne saurait voir. On réfléchit, on diagnostiqua, on se réveilla, on analysa, pour dire que le peuple avait envoyé un avertissement aux politiques qui s’étaient éloignés de lui et qui ne l’écoutaient plus. Le Peuple avait contesté. Personne pour leur dire les yeux dans les yeux : « Vous avez voté pour des idées racistes, xénophobes et fascistes et ça c’est mal et dangereux. L’histoire nous a appris que les sociétés sont fragiles et qu’elles peuvent vite basculer dans l’innommable. Affrontons nos vrais problèmes et ne nous cherchons pas de boucs émissaires ». Non, ils furent dédouanés et leur acte anoblit. Ceux qui avaient voté Haine, devinrent des contestataires. Quand une nation ne se préoccupe plus de sa morale, elle nourrit ses monstres

Aujourd’hui nous vivons un nouveau débat paravent sur les signes religieux et l’école. Celle-ci ne se contente pas de transmettre savoirs et savoirs faire. Elle est un des appareils idéologiques de l’état qui construit le type de citoyen que veut la société. Pour les citoyens de confession musulmane, le message est clair. Une société en se reproduisant, arbitre entre ce qu’elle a été et ce qu’elle est obligée de devenir si elle veut survivre dans un monde en perpétuelle mutation. Elle s’arme alors de valeurs qui lui permettront de se perpétuer, de s’adapter. Cette société sera diverse et multiconfessionnelle (elle l’est déjà). Il est vital qu’elle apprenne la tolérance.

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Accusateurs et mouches bourdonnantes, au lieu de pointer les citoyens de confession musulmane, qui tentent quotidiennement d’emprunter le chemin sinueux de la voie droite, qui aspirent à la rectitude et à la concorde. Peut-être feriez-vous mieux de vous inspirez d’eux. Eux vos frères en République. Occupez vous de vous, de vos maux. Reformez vous ! Réfléchissez sur vos buts et vos finalités. Pourquoi êtes vous confus, malheureux, craintifs ? D’où vous vient cette insécurité intérieure au milieu de tant de richesses ? Pourquoi vos animaux de compagnie sont-ils mieux traités que les sans abris ? Qu’avez vous fait de l’homme ? L’aidez-vous à s’arracher de ses ténèbres ? Qu’apprenez-vous à vos enfants ? A adhérer aux structures psychologiques de cette société faite de compétition aveugle, d’appât du gain, d’ambitions autorisant tous les moyens ? Où espérez-vous encore des jours meilleurs ? S’atteler à cette tâche n’est-il pas plus urgent ?

Jadis les arts et les lettres de cette contrée témoignaient de l’homme et de ses aspirations. La quête du beau devenait une quête du vrai et du Bien. Aujourd’hui, ils ne disent plus rien qui vaille la peine d’être entendu. A l’heure où les poètes louent leur rimes à Mir et Atlantis qui s’arriment et que Wall Strett donnent le la de la symphonie planétaire, dans les terres en friches de l’immanence, loin de tous les soleils, ne pouvant devenir eux-mêmes des dieux, les fils de la nation inventèrent de nouveaux jeux sacrés : consumérisme, divertissement, idolâtries diverses. Ils oublièrent cependant le plus salutaire, l’Ethique de la nation.

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